10100 (20.1)

 — Tu ne te faisais pas de films, commencé-je sans avoir
la moindre idée de ce que je peux rajouter.

C'était clairement le risque de lui parler, maintenant, je lui dis quoi, ça c'est clairement un mystère, en plus, je me suis mise dans la merde, toute seule, comme une grande. Après, je pourrai très bien lui dire la vérité, mais je ne suis toujours pas sûre qu'il soit ravi d'apprendre que le robot ultraperfectionné et dangereux qui lui serre d'ami subit actuellement dans bug. Du coup, pour sa simple sécurité, le robot en question préfère prendre ses distances, surtout qu'il y a de très forte chance pour qu'il le haïsse autant qu'avant une fois qu'il aura cessé de dysfonctionner. Oui, définitivement, il vaut mieux que je garde le silence, c'est bien plus prudent.

— Alors, au nom de notre amitié, je préférais que l'on continue à se voir, même si tu n'as plus besoin de mon aide, remarque-t-il en décidant d'ignorer mon silence.

— D'accord, si tu veux, mais je pense que l'on n'est plus amis, affirmé-je avant de commencer à partir.

Encore une fois, je ne suis pas convaincue par le fait de lui parler, je pense même que c'est une très mauvaise idée. Parce que là, honnêtement, cette phrase est juste gratuitement méchante et en plus, elle est complètement fausse. À un certain stade, quitte à dire de la merde, autant être honnête, tant pis pour mon ego, mais il faut être intelligente de temps à autre.

— Je suis désolé ! s'exclame-t-il sans prendre la peine de me courir après.

Je m'arrête et me retourne curieuse de savoir pourquoi il s'excuse, parce que là, honnêtement, je ne vois pas la moindre raison de faire une chose pareille. Au contraire, si quelqu'un devrait s'excuser, ce serait bien moi, sûrement pas lui.

— Je suis désolé pour ce que je t'ai dit l'autre jour...

Je ne sais pas s'il en a conscience, mais l'autre jour, c'est très vague, surtout qu'il utilise cette expression à tout-va. Je me retrouve donc à le regarder sans comprendre, je suis un peu perdue à force avec lui.

— Je sais que je t'ai blessé en te disant qu'on avait qu'à faire comme si de rien été, mais je te promets que ce n'était absolument pas mon intention, explique-t-il en se rapprochant de moi pour éviter de hurler. Au contraire, je pensais que c'était ce que tu attendais.

Je le regarde étonner, ne voyant vraiment pas où il veut en venir, ça ne doit pas être assez clair, même à ses yeux.

— Par moment, tu es vraiment très dur à comprendre et moi je suis complètement perdu, je ne sais pas ce que tu veux, ce que tu attends de moi, continue-t-il en ayant sûrement capté mon incompréhension. Je suis pris au dépourvu, je ne sais même pas quoi penser de moi-même. J'ai conscience que je peux agir comme un idiot, mais je le fais pas exprès, je t'aime... beaucoup Ronii...

À chacun de ses mots, je suis de plus en plus surprise et surtout prise au dépourvu... Moi qui faisais justement en sorte d'éviter d'être confrontée à cette réalité... Il est sympa, il n'a pas complètement lâché la bombe, elle est seulement bien dégoupillée. Mais c'est suffisamment pour que je sois confrontée à l'entière vérité et que je ne puisse plus fermer les yeux... Je suis complètement hébétée, ne sachant pas quoi en penser et surtout comment réagir, je suis comme tiraillée de l'intérieur sans comprendre comment je dois agir, ni même ce que je veux faire. Je suis définitivement, complètement, littéralement perdue.

Je n'apprends pourtant rien de nouveau, ça fait déjà plusieurs semaines que j'ai compris qu'il avait peut-être des sentiments allant au-delà de l'amitié à mon égard. Mais j'ai décidé de fermer les yeux et maintenant qu'il l'avoue presque à haute voix, je regrette, si j'y avais réfléchi avant, je saurai peut-être quoi faire, surtout, je comprendrai mieux tous les problèmes que ça peut engendrer. Grave erreur.

La sonnerie choisit ce moment pour sonner. Il ne bouge pas, attendant ma réaction, même s'il devine de mieux en mieux ce qu'il va se passer, je le vois à son visage qui se décompose. Je sais très bien que ce serait le moment parfait pour fuir comme une lâche en le laissant définitivement en plan, mais j'ai du mal à m'y résoudre. Et par certain côté, j'attends moi-même ma propre réaction, voulant savoir comment agir face à lui. Le couloir commence à se désemplir, mais ça ne décide aucun de nous deux à bouger. Il se racle la gorge, de plus en plus gêné, semblant vouloir disparaître après presque une minute de silence entre nous.

— Bon, il faut que j'aille en cours, déclare-t-il sans pour autant se déplacer.

Je peux comprendre ce qui le retient, je vois même assez bien la raison, mais plus le temps passe, moins je ne vois pourquoi, moi, je ne bouge pas. Le pire, c'est qu'il réagit avant moi et qu'il finit par commencer à faire demi-tour pour aller en cours. Et presque instinctivement en le voyant commencer à partir, je lui attrape le bras pour le retenir. Je n'ai pas la moindre idée de ce que je fais, mais je le fais. Je ne veux même pas comprendre pourquoi j'agis comme ça, je ne veux pas savoir. Au fond de moi, je me doute bien que c'est clairement la dernière chose à faire, mais quelque chose me pousse à le retenir.

Elijah s'arrête presque avant même que je l'aie vraiment touché et, comme guidé par mon mouvement, se place de nouveau face à moi. Sans même le regarder, je sens son incompréhension, mais je ne peux lui donner absolument aucune explication. D'autant plus que dans cette posture, je comprends d'autant mieux la situation et je ne suis même pas sûre de vouloir empêcher l'incident de se produire. Je devine sans peine que si j'avais un cœur, le mien serait en train de battre à tout rompre, tout comme le sien. Et de nouveau, je tâche de ne pas bouger, par peur de faire une bêtise, je ne le regarde même pas, comme si c'était lui le plus gros danger de nous deux.

— Ronii... murmure-t-il cherchant des réponses, mais n'osant pas les formuler.

Nous sommes trop près, beaucoup trop près, je ne sais même plus à quel moment, la distance que nous nous imposons normalement c'est à ce point réduit. Soudain, il prend une décision, m'imposant de le regarder, de croiser ses yeux, relevant délicatement mon visage, avec rien qu'un doigt sous mon menton. J'ai conscience que je devrai fuir, que je devrai partir, que je suis complètement en train de dysfonctionner, mais j'en suis bien incapable, surtout maintenant que je croise ses yeux, ses yeux bleus que j'ai toujours trouvés irréels.

Ma raison n'a plus aucun contrôle sur moi.

Comme si c'était une partie de moi jusqu'alors insoupçonnée qui agit soudain à ma place, je comble le peu d'espace qu'il restait entre nous, avant de me mettre sur la pointe des pieds et de presser ma bouche contre la sienne. Je suis horrifiée par ce que je suis en train de faire, ce que je n'aurais pas dû faire, j'en ai largement conscience, je le sentais venir et pourtant ça ne m'a pas empêchée que le faire.

Par certain côté, j'aurais préféré qu'Elijah me repousse, ça m'aurait permis de reprendre le contrôle, mais c'est bien la dernière chose qu'il voudrait faire, j'en suis certaine. Au contraire, il répond à mon baiser... Et même si j'en ai honte, je dois bien reconnaître que je savoure ce moment, j'adore ça, c'est tout, je ne me pose même pas la question si je devrai ou non, je profite simplement. Je n'ai même pas envie de le lâcher, encore moins que nos lèvres se décollent.

Il le comprend très bien ou alors il ressent le même genre de chose que moi, ce qui est sûr, c'est qu'il m'entoure la taille de ses bras et m'attire encore plus à lui. Comme en réponse, je place mes mains dans sa nuque, presque pour l'empêcher de partir. Je sens alors battre son pouls sous mes doigts, tel un va-et-vient incessant qui est étonnamment réconfortant. Sentant son souffle saccadé sur mes lèvres, je finis par me décider à me décoller de lui légèrement. Je n'ai pas vraiment envie de le faire, mais si je continuais, il allait être obligé de rompre le contacte pour reprendre son souffle.

Je le regarde, comme si je le voyais pour la toute première fois, les joues rouges et les yeux brillants, plus beau que jamais. Même s'il n'y a qu'une faible distance entre nous, je reprends petit à petit mes esprits, découvrant presque l'énorme bêtise que j'ai fait en l'embrassant. Je sais bien que j'ai l'impression de ressentir des sentiments pour lui, des sentiments amoureux, mais je sais encore mieux que j'en suis pourtant incapable et que c'est littéralement impossible que ce soit réel, je ne peux pas ressentir de l'amour, c'est uniquement un dysfonctionnement.

Comme si je venais de me prendre une énorme claque, ce qui n'est pas loin d'être le cas, je recule de deux ou trois pas, m'éloignant encore davantage de lui. Il faut que je me concentre et surtout que je répare mes conneries, Elijah m'aime, ça ne fait pas le moindre doute, en soi, je m'en doute presque depuis le début, mais du coup, c'est pire que tout, puisque ce n'est pas réciproque et qu'il est maintenant persuadé du contraire...

Rien que pour ça, je suis monstrueuse. Mais je ne trouve rien pour ma défense et ayant prouvé depuis plusieurs semaines déjà que je suis une lâche face à lui, je l'abandonne. Je sais bien que c'est encore pire, mais je ne sais pas quoi faire d'autre et actuellement, tout ce que je veux, c'est réglé mon problème avant de me soucier du reste. Il faut vraiment que quelqu'un corrige mes imperfections, je n'ai plus le choix, ce n'est plus supportable. Ayant pris ma décision, je fais demi-tour et sors du bâtiment sans demander mon reste ni même dire quoi que ce soit à Elijah, même s'il mérite vraiment une explication. J'ai de la chance, il ne me suit pas, je le mériterais pourtant, mais mon comportement doit trop le choquer pour qu'il ose.

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