1010 (10.1)

 — Si tu y tiens. Mais avoue que tu ne manges presque rien, la preuve, tu n'as même pas pris ton plateau, pourtant, en toute logique...

— Pourtant en toute logique quoi ?

Qu'il se méfie de sa réponse, il est sur un terrain glissant. Je suis peut-être un peu chiante sur les bords.

— Disons que tu ne sembles pas être anorexique.

Il s'en sort bien, mais j'ai vraiment envie de le faire chier.

— Insinuerais-tu que je suis grosse ?

— Non ! Pas grosse, disons simplement que tu as des formes et que tu es sportive, mais tant mieux, je déteste le physique des mannequins.

— Non, mais c'est juste pour voir, parce que si tu me trouves grosse et que juste avant tu dis que je n'ai pas d'imperfection, tu te mords peut-être un peu la queue.

— Avoue quand même que tu manges bizarrement.

— Je ne vois pas en quoi je mange bizarrement, je suis juste végane, ce n'est pas encore un crime à mon avis et beaucoup d'Américains y sont.

Peut-être aussi que la vraie raison de ce régime, c'est que je ne métabolise pas bien les produits d'origine animale, je peux en manger, ce n'est pas un problème. Mais je les digère en plus de vingt-quatre heures et les odeurs que ça dégage quand je parle sont très désagréables, elles ont beau être excessivement légères, de manière à ce qu'aucun humain le sente, j'ai un très bon odorat. Alors ça plus ça plus ça, la plupart du temps j'évite, en plus, je n'ai pas besoin de manger, c'est uniquement pour paraître humaine, alors j'évite au maximum les désagréments que ça peut entraîner.

— Raison de plus pour que tu sois un vampire.

— Attends, attends ! Si les vampires existent, ce qui n'est pas le cas, tu penses vraiment qu'ils seraient végans ? Je ne veux pas dire, mais dans les mythes, les vampires boivent du sang si tu l'aurais oublié et toi, tu prétends qu'ils seraient herbivores ? Franchement, je veux bien que les vampires végétariens soient à la mode dans les films et romans, mais il y a des limites ! Tu ne crois pas que les vampires mangeraient plutôt de la viande ?

Il rougit, il ne s'était vraiment pas aperçu de sa bêtise avant ?

— J'avoue que ce n'était pas mon meilleur argument, mais ça prouve quand même qu'il y a un truc qui cloche chez toi.

— Parce que tu penses vraiment qu'il n'y a pas un truc qui cloche dans l'alimentation mondiale ? Je suis désolée de tenter de sauver ce qu'il reste de notre pauvre planète.

Je le reconnais, c'est l'hôpital qui se moque de la charité, j'attends la fin du monde et je prétends que je veux sauver la planète en mangeant des carottes. Fauve m'entendrait, elle se foutrait royalement de ma gueule. Pour ma défense, c'est l'argument raccourci de la plupart des végans, je n'ai juste pas parlé de la cruauté envers les animaux, c'est vraiment le seul truc qu'il me manque.

— Tu as conscience qu'on est des omnivores ? On n'est pas fait pour se passer entièrement de produits animaux.

Argument recevable. Mais moi je pourrais même me passer d'eau, alors de viande, je n'en parle même pas.

— On va éviter de faire un débat sur la bonne façon de s'alimenter, ça ne nous mènera nulle part. Sinon tu as d'autres arguments pourris par rapport à mon vampirisme imaginaire ?

— Non, je pense que j'ai fait le tour, mais même si tu n'es pas un vampire, je sais que tu es quelque chose, tu n'es pas normal contrairement à ce que tu voudrais me faire croire, tu caches quelque chose et le seul fait que tu sois venue me voir prouve bien que j'ai raison.

— Bon, moi j'y vais, j'ai assez perdu mon temps comme ça. Et sache que je suis venue uniquement par politesse et que je suis restée par curiosité ! Je me tire, on se verra en cours, malheureusement, ajouté-je en me levant.

— Ronii, attends, tu n'as pas répondu à ma question, m'arrête-t-il presque immédiatement après que je lui ai tourné le dos. Est-ce qu'au moins je peux savoir si tu es humaine ?

— Oui, je vais te répondre, je suis aussi humaine que tu es con, déclaré-je en le regardant par-dessus mon épaule.

Je reconnais que je lui avoue presque mentalement mon absence d'humanité. Il faut bien avouer qu'il est très intelligent, il n'utilise pas cette intelligence de la manière que j'espérerai, mais une chose sûre, il est très loin d'être con. Par contre, ça, il ne sait pas que j'en ai conscience et vu comme je l'ai pris pour un idiot pendant toute cette conversation, il doit penser que je le trouve complètement débile, donc à ses yeux, ma phrase me rend extrêmement humaine.

J'avoue, je me plains beaucoup, mais ça m'a énervé cette histoire, heureusement qu'il n'a pas cherché à me parler pendant notre unique cours de l'après-midi, sinon il m'aurait achevé. En plus, à cause de lui, je n'ai même pas eu le temps de manger, si j'avais su, j'aurais pris mon plateau. Je n'ai même pas pu parler de ce qu'il s'était passé à Fauve, ce qui fait partie également des choses qui me frustrent. Bon, peut-être que devant ses amies, je n'aurai pas osé aborder le sujet, mais tout de même, Elijah a gâché ma pose midi.

— Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

— Il voulait savoir si j'étais un vampire.

Elle rit tout en démarrant et partant du parking du lycée.

— Ça va, il est loin de la vérité, remarque-t-elle en se moquant très clairement de la théorie.

— Au contraire, certains de ses arguments n'en sont pas loin du tout. J'avoue qu'il y en a beaucoup qui sont à côté de la plaque, mais d'autres...

— Il a remarqué quoi ?

— Le fait que je ne mange pas grand-chose, mon manque d'imperfections et le fait que je sois froide. Et ce en plus d'avoir trouvé le siège du projet RONII.

— Il a été là-bas ?! s'exclame-t-elle réellement surprise, elle-même ne sait pas exactement où il se trouve, elle connaît uniquement la ville, mais c'est un tout petit indice sur une surface de 461,5 km².

Pour elle, ça doit vraiment représenter un exploit, même moi, je n'ai toujours pas compris comment il avait fait son coup.

— Ouais, ce week-end, il ne m'a pas vu, mais il a vu et reconnu le financeur qui venait me voir.

— Déjà bien.

— On va dire ça, il ne faut juste absolument pas qu'il y retourne.

Malheureusement, sur ça, je n'ai pas vraiment de contrôle, surtout que même sans me voir, il peut très bien remarquer des choses très intéressantes, comme à tout hasard, d'autres scientifiques, qui à force vont finir par le mettre sur la bonne piste. Surtout qu'il y a régulièrement du beau monde qui passent constater l'avancer de leurs travaux lorsqu'ils ont une équipe dessus ou même tout simplement travailler eux-mêmes sur un projet. Je sens bien qu'en une ou deux fois seulement, Elijah peut voir assez de personnes pour avoir toutes les pièces du puzzle.

— Oui, mais à part pour le projet RONII, tout va bien, tente Fauve pour me réconforter.

— En quelque sorte, il ne faut pas oublier que ce qu'il a mis en avant, ce sont presque les seuls critères visuels qui font de moi un robot !

— Il a loupé tes super connaissances.

— Ça m'étonnerait, il n'en a juste pas parlé, mais il a bien dû remarquer mon intelligence pendant qu'on travaillait sur cette foutue thèse.

— C'est vrai que c'est limite... Et tu ne veux pas tenter de prévenir le projet RONII ?

— Pour qu'il fasse quoi ? Je suis censée me débrouiller toute seule, je te rappelle, sinon comment veux-tu que je sois efficace si à la moindre petite menace, j'ai besoin d'aide pour l'écarter ? Surtout que pour le coup, c'est juste une personne un peu trop fouineuse, ça devrait me poser aucun problème.

— C'est vrai que de ce point de vue là...

Le silence s'installe entre nous deux pendant quelques minutes, nous réfléchissons toutes les deux et moi j'espère trouver une vraie solution à mon problème.

— Et si en plus d'être dangereux pour le pays, il était dangereux pour ton secret ? propose-t-elle soudain.

J'y ai moi-même pensé, après tout, ça tiendrait la route, mais ça le rendrait seulement encore plus embêtant que prévu et pour le coup, impossible d'avoir le soutien de qui que ce soit.

— Peut-être, mais ça ne m'avance à rien, même s'il est dangereux pour moi, en plus des attentats, je ne sais toujours pas comment m'en débarrasser ou quoi que ce soit d'autre. Actuellement, je suis au pied du mur, je ne sais pas si tu l'as remarqué.

— Tu n'as pas vingt mille possibilités. La première, simple, claire, rapide, tu le tues, comme ça la question est réglée.

Si ça continue, c'est sans doute ce que je vais faire, il me faut juste un peu plus de temps de réflexion avant de passer à l'acte. Mais je ne dirai jamais ça à ma sœur, non pas parce qu'elle serait trop sensible, mais plutôt parce que j'espère ne pas avoir à tuer gratuitement quelqu'un. Enfin, pour le coup, ce ne serait pas vraiment gratuit, ce serait même plutôt mérité, mais je préfère quand même le faire que dans un cas extrême, pour l'instant, il est à la limite du cas extrême, mais il ne l'a pas franchi encore.

— La deuxième, tu laisses faire et tu pries pour qu'il ne trouve rien et qu'il ne fasse rien, ajoute-t-elle en sachant très bien que je ne crois pas en Dieu. Et la dernière, tu lui dis tout en lui demandant de ne rien dévoiler à qui que ce soit et tu le menaces par rapport aux attentats, après tu pries pour qu'il ne fasse vraiment rien.

— Super les possibilités, autant lui mettre une balle dans la tête, ce sera plus rapide ! rigolé-je à moitié, la deuxième moitié de moi-même hésite très sérieusement à le faire.

— C'est sûr. Ravie d'avoir pu t'aider.

Elle encourage sa propre sœur au meurtre en l'en sachant très bien capable, je ne veux pas savoir ce que ça révèle d'elle.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top