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 Je soupire, étant à deux doigts de lui dire que je suis persuadée qu'il s'appelle Phœnix. Mais ça impliquerait de continuer de lui parler alors que je n'ai qu'une envie, c'est de partir très loin et éviter que le prof nous voie côte à côte maintenant que les groupes sont formés.

— Comme tu voudras, accepté-je presque en soupirant.

J'allais partir rejoindre le groupe que j'ai en vue, mais le prof réduit tous mes espoirs à néant, en annonçant :

— Maintenant que tous les groupes sont faits, je vais vous laisser un peu de temps pour choisir l'un des sujets et je vais passer dans les rangs pour prendre note.

Je les déteste, le prof, et Elijah, les deux. Mais je dois reconnaître que je hais un peu plus Elijah que monsieur Hernandez. Contrainte et forcée, je me rassois à ma table, ne laissant pas le moindre choix à Elijah et juste par principe, j'éloigne ma chaise le plus loin possible de la sienne. Je ne suis même pas assise que le prof commence déjà à faire le tour des groupes, apparemment, il n'a pas la même définition que moi d'un peu de temps.

— Tu me détestes non ? vérifie Elijah, ayant très franchement l'air d'être désintéressé par ce que dit l'enseignant.

Après sans doute qu'il ne l'écoute pas contrairement à moi, mais tout de même, il pourrait quand même être un peu moins complètement désintéressé.

Bon, il faut aussi avouer qu'un rien m'énerve chez lui, mais vraiment, je n'ai pas envie de faire la causette avec lui. Le seul truc que je veux faire avec lui, c'est de le frapper, vraiment, mais je ne peux pas tout à fait malheureusement puisque si je le fais, je ne serai pas délicate, mais vraiment pas.

— Mais la ferme.

C'est sans doute le maximum de l'amabilité que j'ai en stock.

En plus, le prof arrive, alors ce n'est sûrement pas le moment de discuter.

— Ronii, Elijah, vous avez choisi votre sujet ?

— Oui, les évolutions d'intégrales, annonce-t-il presque fièrement.

Comme s'il ne m'énervait pas déjà assez, Elijah ose prendre la parole avant moi pour annoncer le sujet alors que nous ne nous sommes pas du tout concertés. De mon côté, comme une conne j'ai attendu avant de répondre pour paraître plus naturelle. Lui, bien sûr, s'est simplement précipité pour dire son choix, m'empêchant de prendre la méthode pseudospectrale. En soi, ce n'est pas grave parce que de toute manière, j'aurai à faire une thèse sur chacun des sujets, mais ça me soûle tout particulièrement qu'il est choisi sans mon approbation, j'aurai fait la même chose, mais c'est lui qui s'est tapé l'incruste dans mon groupe, pas l'inverse.

Par principe, je pousse un soupir bien audible pour être sûre qu'il l'entende et qu'il sache que ça me fait vraiment chier, voire encore mieux que le prof comprenne ma désapprobation. Mais l'un comme l'autre ont l'air de s'en moquer royalement, je ne suis même pas sûre que le prof est fait le lien de cause à effet. Elijah, quant à lui, a eu une microréaction, mais vu comme il s'efforce de ne rien laisser paraître, ça ne va pas me servir. Super ! Bien sûr, je suis calme, je n'ai aucune envie de meurtre. Je vais juste attendre la nuit tombée pour agir. Je ne le ferai pas. Trop de risques de répercussions. Quelqu'un pourrait comprendre le lien. Même si je ne laisserai aucune preuve, ça risque quand même de créer quelques désagréments alors mieux vaut éviter.

— C'est bon maintenant que le prof ne gêne plus, tu vas peut-être pouvoir répondre à ma question, déclare-t-il quand le prof est passé à la table suivante.

— Si tu t'en moques du sujet et que tu as pris le premier pour être tranquille, je te préviens, je ne compte rien faire, alors tu te démerderas tout seul ! certifié-je encore en colère.

— Comme tu voudras et j'ai pris un sujet qui m'intéresse, je ne suis pas complètement débile contrairement à ce que tu crois, et je ne suis pas ici pour rien contrairement à certaines. Et si tu y tiens vraiment, je peux travailler tout seul, ça ne me gêne pas, je t'ai juste demandé pour faire équipe par sympathie. Alors ?

— Avoue aussi que le prof ne t'autoriserait pas à travailler seul.

— Toi non plus, je te signale.

— Peut-être, mais là n'est pas la question, comme tu l'as si bien dit, je te déteste, alors pourquoi, vu que tu l'as remarqué, veux-tu te mettre avec moi ?

— Justement parce que tu me détestes sans raison et que j'aimerai bien comprendre, est-ce interdit ?

— C'est à toi de juger, c'est ton impression qui est plus importante que ce que je pense vraiment. Après tout, les intuitions sont souvent vraies.

— Ce n'est pas une réponse ça, rétorque-t-il alors que le prof a bientôt fait le tour de la salle et ne va plus tarder à commencer son cours.

— Et ta question ne fait pas partie du genre de chose qu'on est censé demander. Alors comme ça, on est quitte.

— Je sens que l'on va s'amuser, soupire-t-il semblant enfin regretter son choix de partenariat.

— Je croyais que tu voulais travailler seul ? Dans ce cas-là, je ne vois pas pourquoi l'état de notre relation poserait un problème, remarqué-je en feignant l'étonnement ayant très bien conscience depuis le début qu'il ne va pas vouloir que je ne fasse rien.

— Tu vas bosser aussi rêve pas, réplique-t-il en semblant déjà regretter ses paroles.

— Je ne rêve pas, je veux juste éviter de commettre un meurtre. Et ai-je besoin de te rappeler que c'est toi qui as dit vouloir travailler seul ? Je n'invente rien et ce ne sont pas mes mots.

— Si le prix a payé pour que tu bosses c'est ma vie, je veux bien. On se retrouve chez toi ou chez moi ?

Il est con ou juste carrément idiot ? Sérieusement !

— Chez toi. Par contre, il me faut ton adresse, menté-je, sachant très bien qu'elle est dans son dossier scolaire, sauf évidemment s'il a menti sur ça aussi, ce qui n'aurait rien d'étonnant.

Je n'ai d'ailleurs pas pensé à vérifier le certificat de vente ou de location voir si tout est bien en règle... Il va falloir que je vérifie, ça me fera une petite occupation pendant le cours.

Il note l'adresse sur un petit bout de papier et me le tend. C'est la même que sur son dossier, c'est déjà ça.

— On se retrouve ce soir, ça te va ? propose-t-il presque trop enthousiasme.

Je le sais depuis le début qu'il est étrange, mais c'est de pire en pire avec le temps, je comprends pourquoi même les humains ne s'en approchent pas.

— Si tu y tiens.

Presque comme une délivrance, le prof commence enfin son cours, ce n'est pas trop tôt, au moins, si Elijah est malin, il arrêtera de faire la causette, c'est déjà trop qu'il soit à côté de moi à cause de cette histoire stupide. Heureusement qu'au prochain cours de physique, nous reprendrons nos places normales, je ne pourrai pas supporter sa présence si près plus longtemps, c'est déjà assez suffisant que je doive travailler avec lui.

En attendant, pour me forcer à oublier sa présence, je fais encore plus de choses que d'habitude, me mettant comme souvent un match de basket, écoutant les toutes nouvelles musiques parues sur internet et contrôlant l'acte de propriété à l'adresse où vit Elijah pour savoir si tout est en règle. Il s'avère qu'il n'y a aucun problème, l'adresse est au nom de Charlotte Stone, sa grande sœur vu la correspondance de noms au niveau des parents, il doit vivre chez elle, ce qui n'a rien d'anormal, ses parents doivent encore être à Washington. Je pourrai approfondir plus le sujet, mais vraiment, je ne suis pas d'humeur alors que je tâche déjà d'oublier sa présence à côté de moi, je m'intéresse donc à l'actualité mondiale, c'est assez distrayant pour que je ne prête pas attention à la réalité.

Malgré tout, quand la sonnerie retentit, c'est une délivrance, enfin je peux partir loin de ce mec, ce n'est pas trop tôt. Je me lève de ma chaise, range mes affaires en vitesse, presque même trop vite, et pars, sans me faire prier, hors de question de rester plus longtemps, j'ai besoin d'espace.

J'allais rejoindre Fauve à la sortie de sa salle, quand quelqu'un me retient par le bras, m'envoyant une décharge électrique dans tout le corps. Ce n'est pas vraiment douloureux, mais c'est quand même particulièrement fort, impossible que ce soit simplement de l'électricité statique. Par surprise, je lâche un cri d'instinct, avant de me retourner et de manquer de frapper la personne en question. Je me retiens, malheureusement, pour le coup, je n'aurai vraiment pas regretté d'avoir frappé quelqu'un. Puisque bien sûr, la seule personne assez culottée pour faire une chose pareille, c'est Elijah. J'étais certaine qu'il était dangereux, je savais bien que je ne me trompais pas. Pour le coup, j'aurais préféré faire erreur. À mon grand regret, maintenant que je l'ai vu, je ne peux plus faire passer ça pour du réflexe, ce sera juste de la violence pure et surtout des ennuis.

— Lâche-moi, tout de suite, ordonné-je entre mes dents pour tenter d'éviter d'exploser.

— Euh oui, désolé, juste pour être sûr, on se retrouve chez moi à seize heures ? On n'en a pas discuté tout à l'heure et je ne peux pas avant... déclare-t-il, semblant perturber par ma voix, j'ai peut-être été plus menaçante que prévu.

— Oui, je peux partir maintenant ? Et pour info, tu n'as pas besoin de me retenir pour me parler, j'ai un truc fantastique qu'on appelle des oreilles.

— Désolé.

Désolée pour toi plutôt, tu joues avec le feu mec.

Je le laisse en plan et rejoins Fauve qui est à quelques mètres de là et qui a assisté à toute la scène.

— Tu m'expliques ce qu'il s'est passé, là ? demande-t-elle dès que je suis à ses côtés, ayant sans doute entendu mon petit cri.

— Il a un taser ou un truc comme ça, affirmé-je, encore choquée.

— De qui ?

— Elijah, enfin Phœnix, enfin tu vois !

— Tu es sûre de ce que tu dis ? s'étonne-t-elle surprise, paraissant ne pas y croire, tandis que nous sortons du bâtiment pour rejoindre ma voiture.

— Oui !

— Ce n'était pas de l'électricité statique ? vérifie-t-elle en ne semblant pas complètement me croire

— Mais oui, je sais ce que fait l'électricité statique, tu sais pas à quel point je suis perfectionnée, je sais faire la différence entre deux intensités, remarqué-je en m'installant en voiture avant de démarrer définitivement de mauvaise humeur.

— Oh merde, si ce mec a un taser, il est vraiment dangereux.

— C'est ce que je te dis depuis le début !

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