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— Ce n'est pas un peu trop remarquable comme voiture ? me questionne Elijah en m'imitant.
— Si, mais avec ça, je peux atteindre les trois cent trente kilomètres/heure, ça peut être très utile pour fuir, crois-moi.
— Ah bah, je vois bien l'ordre des priorités ! s'exclame-t-il en rigolant.
Il est très bien mon ordre de priorité, je privilégie seulement la fuite à la cachette, mais c'est une stratégie parmi tant d'autres. Pour le coup, c'est juste une excuse pourrie, mais ça, il ne le sait pas encore.
Une fois en voiture, je démarre et je prends la route vers Bergamo, de toute manière, nous n'avons pas vraiment le choix, sinon nous allons croiser des voitures de police. Mais nous ne restons pas sur les grandes routes longtemps, dès que nous en avons l'occasion, nous regagnons les petites routes, les grosses rocades, c'est beaucoup trop risqué, surtout en ce moment, déjà que j'ai vu au loin une voiture de police, y rester plus longtemps, c'est un coup à se faire arrêter trop facilement. Je continue à rouler, toujours à une vitesse mesurée, même s'il est presque trois heures du matin, je ne joue pas avec le feu. Je crois que je n'ai jamais conduit aussi prudemment que ces dernières heures, c'est effrayant. Au moins, Elijah qui n'a jamais adoré ma conduite doit être content.
— On va où maintenant ? m'interroge Elijah quand nous avons rejoint les petites routes, ayant sûrement eu la même peur que moi sur les plus grosses.
— Qu'est-ce que tu penses de la Suisse ?
— Je n'ai rien contre, mais pourquoi changer de pays ? Nous ne risquons pas de nous faire repérer trop facilement ?
— Ça commence à être beaucoup trop risqué de rester en Italie, on se fera toujours rattraper. Surtout que plus nous les menons en bateau, plus ils se méfieront de nous et mobiliseront encore plus de monde à notre recherche, à force, nous allons nous faire choper. Nous sommes en train de jouer avec le feu actuellement et nous allons nous retrouver avec un retour de flamme dans peu de temps, ce n'est pas prudent. Même moi, je vais finir par me faire avoir, je ne suis pas aussi infaillible que je le pensais. Alors que si l'on change de pays, nous aurons un peu de répit, peut-être même suffisamment pour nous trouver une cachette. En plus, la Suisse est un petit pays entouré de frontières, ça nous donnera de nouvelles issues en cas de besoin, surtout si nous arrivons à atteindre un lieu stratégique où en quelques minutes, nous pourrons passer plusieurs frontières.
« L'idéal question point de fuite serait d'atteindre le Luxembourg, mais c'est presque trop petit, j'ai peur que nous ne trouvions pas de cachette viable, sans compter que ce n'est pas une destination de vacances. Je crois que par certain côté, la Suisse, c'est beaucoup plus prudent. Et l'avantage quand on change de pays, c'est que si l'on peut passer inaperçu à la frontière, ils ne comprendront pas tout de suite que nous y sommes, surtout si j'y ajoute mon grain de sel.
— Et comment tu comptes passer discrètement la frontière ?
— En avion, la voie terrestre devient trop compliquée.
— En avion ? Mais tu es complètement tarée ! s'exclame-t-il sous le choc.
— T'inquiète pas, tout va bien se passer.
— En avion... répète-t-il ne semblant pas s'en remettre. Honnêtement, je pense que ses derniers temps, je te fais un peu trop confiance !
— Ça fait longtemps que tu me fais trop confiance.
Je continue de rouler, mais au fil du temps, je commence à avoir un peu d'appréhension, l'aéroport n'est plus très loin, mais ils commencent à comprendre que nous ne sommes pas sur les lieux et qu'il va falloir nous rechercher ailleurs. Ils n'ont pas encore déterminé que nous avons pris la Porsche, mais s'ils réfléchissent correctement, ça ne devrait plus tarder, après tout, il y a peu de voitures qui sont sorties de leur zone entre le moment où nous y sommes rentrés et tout de suite. Je me retiens même d'accélérer, craignant trop d'être suspecte si je vais trop vite. L'aéroport n'est plus qu'à une petite dizaine de kilomètres, dans dix minutes, nous y serons. Mais dans dix minutes, ils auront largement eu le temps de remonter notre piste. Par contre, ça devrait quand même aller, encore faut-il qu'ils contactent la police de Bergamo, ça laisse un répit plus que suffisant.
J'espère juste que nous aurons le temps de décoller avant que la police surveille l'aéroport, sinon je me débrouillerais quand même pour masquer ma destination. D'ailleurs, ça me donne des idées, ils n'auront jamais aucun espoir de savoir où nous sommes.
Quand nous arrivons sur le parking de l'aéroport, la police ne nous a pas encore trouvés, ils ont seulement déterminé la bonne stratégie pour nous trouver, mais ils n'ont toujours pas de piste. Je me gare, ne prenant pas la peine de me cacher, ça ne sert à rien. Puis avant que nous sortions de la voiture, je trafique les caméras de surveillance pour qu'ils ne puissent pas voir notre destination, puis je rassemble toutes nos affaires et nous sortons. Même si l'aéroport est presque vide à cette heure-là, je préfère éviter de passer par la porte d'entrée, j'entraîne plutôt Elijah vers la piste et je l'aide à passer par-dessus le haut grillage avant de faire de même. Une fois sur le terrain de vol, je vais jusqu'au hangar à avion, n'ayant pas encore déterminé ce que je prendrai comme machine.
— Tu as déjà fait du saut en parachute ? demandé-je à Elijah déverrouillant informatiquement la porte du bâtiment contenant les petits avions.
— Euh non.
— Ça te dit d'essayer ? tenté-je, sinon j'ai quand même un plan B.
— Euh non. Sûrement pas en pleine nuit alors que je n'en ai jamais fait.
— Pas de problème, on va faire autrement.
J'ouvre automatiquement en grand la porte du hangar, afin de pouvoir en sortir n'importe quel avion. Même si je peux déjà en deviner le contenu, j'allume les lumières. En vrai, je n'ai pas pris la peine de regarder les caméras de surveillance pour savoir ce qu'il y a exactement comme avion, mais je suis agréablement surprise. Il y a bien sûr un Pilatus PC-6 ainsi qu'un Diamond DA40 et plusieurs autres petits avions d'entraînement militaires. Mais la grosse surprise réside dans le Pilatus PC-24. Je sais que je ne suis jamais très raisonnable et qu'un Jet privé n'est peut-être pas LA bonne idée...
Mais pour ma défense, c'est un avion avec informatisation et pilote automatique, ce qui peut s'avérer très utile. Sans parler qu'il peut atterrir sur tout type de terrains, un avantage incontestable dans notre cas, avec ça, nous n'aurons même pas besoin d'arriver dans un aéroport. Je reconnais que cette spécificité s'applique aussi au PC-6, mais il n'y a pas l'informatisation, ce qui, avec moi, est un gros inconvénient. Sans parler du fait qu'il est nécessairement moins rapide, qu'il n'a pas une aussi grande autonomie.
Et après vérification, le PC-24 a eu un plein de carburant récemment contrairement au PC-6, raison de plus pour prendre le premier. Je reconnais que plusieurs autres sont pleins, dont le Diamond DA40, mais une fois de plus, il n'y a pas le pilotage automatique et toutes les caractéristiques spécifiques aux Pilatus.
— Il n'y a rien de plus discret ? demande Elijah, quand j'ouvre la porte de l'appareil, en montant les autres avions.
— Si, c'est comme pour la voiture. Mais il nous servira vraiment celui-là. Allez, monte, nous n'avons pas beaucoup de temps.
Une fois qu'il est à bord, je fais de même, n'allant pas sur l'un des sièges passagers, mais plutôt au niveau du cockpit.
— Tu sais conduire un avion ? m'interroge-t-il soudain, n'ayant pas pensé à ce détail avant.
— Bien sûr, tu crois quoi ? Que j'allais enlever un pilot pour nous y emmener ? remarqué-je en m'installant.
— Et as-tu déjà piloté un avion ?
Ça, c'est la bonne question, bravo.
— C'est une broutille, affirmé-je pendant que je mets en route l'appareil.
— Après, tu me reproches de te faire confiance ! réplique-t-il presque hystérique. Et tu peux piloter ça toute seule ?
— Si je te demande un coup de main, ça passe ou pas ? Je rigole ! bien sûr que je peux le piloter seule, sinon je ne l'aurai pas pire.
Je manœuvre un peu le jet, puis je le sors tranquillement de hangar avant de le refermer. Je ne les prends pas pour des idiots, les policiers sauront comment nous sommes parties, mais s'ils peuvent mettre quelques minutes pour s'en rendre compte, ce serait parfait. En vrai, c'est presque facile à conduire un avion, quand on s'y connaît bien, ça se fait facilement. Heureusement pour moi qu'il y a des démonstrations de vol ainsi que des cours sur internet, mais c'est même plus simple que ce que j'aurai cru. La piste de décollage à la sortie est plutôt tournée vers le Sud et nous devons aller au Nord, mais je ne prends pas la peine d'aller jusqu'au bout pour faire demi-tour, je le ferai dans les airs, ça fait presque partie de mon plan.
— Accroches ta ceinture, conseillé-je à Elijah en commençant à prendre de la vitesse.
Il obéit immédiatement, semblant de moins en moins rassuré. Heureusement qu'il n'est pas aviophobique, parce que sinon il serait déjà en PLS. Après avoir accéléré pendant plusieurs centaines de mètres, je prends mon envol. C'est tellement satisfaisant de quitter le sol comme ça, c'est encore plus grisant qu'en étant passager. C'est juste exceptionnel. Je commence vraiment à regretter de ne jamais avoir pris de cours de vol, juste pour ma satisfaction personnelle. Mais je me promets intérieurement de le faire en rentrant. Comme ça, Elijah aura peut-être plus confiance en moi la prochaine fois.
En attendant, nous prenons de la hauteur assez rapidement et une fois que nous sommes entrés dans la couverture nuageuse, je pirate le radar de vol pour que notre trajectoire continue de se diriger vers le Sud alors que nous faisons demi-tour. L'avantage, c'est qu'en avion, ils n'auront absolument aucun moyen de vérifier si c'est vraiment notre direction ou non. Ils seront donc persuadés que nous allons en Tunisie jusqu'à ce que l'avion soit officiellement « posé » là-bas, alors que pas du tout.
Il faut aussi reconnaître qu'un avion, même en pleine nature, ce n'est absolument pas discret, je compte donc me débrouiller pour qu'il ne reste pas en Suisse, mais parte plus au Nord, en Angleterre par exemple. Reste à voir à quel point je peux contrôler un avion à distance... Sinon, je le ferais s'écraser dans la mer Noire... Ce sera juste triste pour la famille d'Elijah qui croira autant que les autorités qu'il est mort. La mienne ne croira jamais à une chose pareille, mais je ne suis pas sûre d'avoir le cœur de faire ça aux deux sœurs d'Elijah, elles ont déjà perdu leurs parents récemment. Je verrai bien ce que je peux faire. Chaque problème en son temps en quelque sorte.
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