1001 (9.2)

 Presque motivée, je me lève, laissant mon plateau sur notre table, je ne compte pas rester longtemps avec Elijah.

— Qu'y a-t-il ? demandé-je directement en me plaçant en face de lui.

Je ne m'assieds pas, presque uniquement par défi. Et par principe, je croise mes bras sur ma poitrine, envoyant presque tous les signaux comme quoi je ne veux pas être là, peut-être que ça va l'inciter à parler plus vite.

— Il s'avère que j'ai trouvé quelque chose d'intéressant te concernant, remarque-t-il en ne se décourageant pas.

— Tu m'en diras tant.

— Assis toi, je pense que ça peut être long.

J'obéis docilement, avant de faire claquer mes ongles sur la table juste pour l'énerver, il ne faut pas déconner, je ne vais pas être sympa avec lui non plus. Je fais déjà beaucoup d'effort, et ce uniquement pour mon bien personnel, sinon aucune chance que je sois là.

— Tu comptes parler un jour ou te taire à jamais ? remarqué-je en voyant qu'il ne parle pas.

Je veux bien tenter d'être sympa, mais j'ai quand même d'autres choses à faire.

— Oui, oui, c'est bon, je vais parler, laisse-moi quelques secondes pour savoir comment expliquer ce que j'ai à te dire.

Je roule les yeux, il n'est pas sérieux, en plus, il veut me faire perdre du temps !

— Ça aurait été plus intelligent de réfléchir à ça avant de me faire venir.

— Sans doute oui, mais j'étais persuadé qu'il n'y avait pas la moindre chance que tu viennes. Est-ce que je peux te poser des questions ?

— Seulement si c'est indispensable, je suis juste là pour entendre ce que tu penses avoir découvert, pas pour subir un interrogatoire.

— Donc pas de question ?

— Fort probablement oui. Et inutile de passer par quatre chemins ou de chercher de beaux mots, dis-moi juste quelle est ta théorie conspiratrice, le reste ne m'intéresse pas, alors nous gagnons du temps, ajouté-je en voyant bien qu'il hésite encore.

— Es-tu humaine ? demande-t-il du tac au tac.

— C'est quoi cette question ? Regarde-moi, tu veux que je sois quoi d'autre qu'humaine ? Tu penses que je suis un extra-terrestre humanoïde là pour envahir la planète Terre ? Booooouuuu.

— Pas un extra-terrestre, un vampire.

J'explose de rire, je ne peux pas m'en empêcher. S'il y a bien un truc auquel je ne m'attendais pas, c'est bien ça ! Dire que j'ai vraiment cru qu'il savait que je suis un robot ! Je n'ai jamais entendu une connerie pareille ! Pourquoi j'ai eu peur déjà ? Comme s'il avait découvert mon secret ! Il en est très loin.

— Non, mais sérieusement, tu as vraiment pensé à une connerie pareille ?! Non, mais là, tu fais fort tout de même ! Tu as au moins des arguments pour sortir une chose pareille ?

Il rougit, mais ne se démonte pas.

— Oh oui que j'en ai, j'en ai même beaucoup.

— Allez, je suis curieuse, j'aimerais bien les entendre, histoire de savoir jusqu'où tu as poussé le délire.

Surtout pour savoir à quel point tu as remarqué des détails importants, que je sache si je dois vraiment me méfier de toi.

— Tu veux peut-être me convaincre du contraire, mais je suis persuadé que tu as un lien avec le projet RONII. Impossible par contre de savoir ce qu'ils font là-bas, mais j'y ai été et j'ai vu Craig Venter en sortir. Avoue que c'est étrange de voir un biochimiste de son rang sortir du bâtiment d'une entreprise complètement inconnu.

Maintenant, je comprends mieux ce qui l'a poussé à venir me parler... Il est vraiment allé très loin dans ses recherches, vraiment très loin, suffisamment loin pour trouver le siège du projet RONII et se rendre sur place. C'est vrai que ce n'est pas impossible à accomplir, mais c'est quand même très fort. Cependant, je suis déçue de moi-même de ne pas l'avoir vu, j'étais là-bas en même temps que Craig Venter ce week-end et je n'ai rien capté.

J'ai déjà eu de la chance, il a peut-être vu ou reconnu uniquement monsieur Venter, qui était là que pour une raison de financement du projet, il n'est pas assez intéressé pour y participer et il n'y a pas non plus de travaux de génétique. Et comme à chaque fois qu'un investisseur vient, je suis sûre place également pour montrer l'œuvre technologique que je suis dans son intégralité. C'est rare, mais Elijah a choisi le bon jour samedi.

En tout cas, il n'a pas dû me voir, j'ai dû partir avant, c'est déjà ça pour lui faire oublier toute cette histoire. N'empêche, j'ai eu de la chance qu'Elijah ne se soit pas rendu à San José lundi dernier, qui était un jour férié, et où il aurait pu voir un défilé de scientifiques de renom, là, au moins, il n'en a vu qu'un.

En attendant, il faut que je détermine si je devrai ou non connaître Craig Venter si je n'étais pas un robot ultra sophistiquer connaissant à la perfection tout le savoir de l'humanité. Il est connu, il a reçu beaucoup de prix pour ses travaux, la preuve Elijah a été capable de le reconnaître ; mais c'est possiblement de la culture personnelle. Je ne suis même pas certaine que Fauve a déjà entendu ce nom. Moi, en cours, je n'en ai jamais entendu parler, ça, j'en suis certaine. Aller, au pire, s'il est étonné et qu'il utilise ça contre moi, je n'aurai qu'à dire que j'ai travaillé dessus l'année dernière, après tout, ce n'est pas impossible, on a travaillé sur le séquençage informatique du génome.

— Je ne sais vraiment pas d'où tu sors cette histoire de projet RONII, mais avant toi, je t'assure que je n'en ai jamais entendu parler.

— Avoue quand même que la coïncidence est grande, il y a quand même un projet scientifique portant ton nom et il se trouve par hasard à San José ?

— On est dans la Silicon Valley, toutes les villes sont les unes sur les autres et il y a un nombre incalculable de projets scientifiques, je n'appelle pas ça une coïncidence.

— Si tu y tiens.

— C'est tout ce que tu avais comme argument ? Tu vois un généticien sortir du bâtiment d'un projet scientifique et tu en conclus que je suis un vampire ?

— Non, évidemment que non ! Mais le reste, c'est un peu plus des arguments fondés sur les légendes.

Aussi, il m'accuse d'être une vampire, il pense vraiment que je ne m'attends pas à ce qu'il me serve à la pelle des mythes ?

— Ça paraît logique.

— Tu es froide.

Normal, je suis à vingt-cinq degrés, mais tu ne m'as touché qu'une fois, tu fondes tes théories sur pas grand-chose. Plus inquiétant, il est quand même très observateur et il a bonne mémoire.

— Permets-moi de te contredire, ce n'est pas que je suis froide, c'est que j'ai les mains froides, c'est une grosse différence et ça touche plein de monde, promis.

— Je peux continuer ?

— Bien sûr.

— Tu es rousse.

Enfaîte, il n'y avait que son argument par rapport au projet RONII qui avait du sens. En plus, je ne veux pas dire, mais la plupart des légendes associent les roux à la sorcellerie, pas aux vampirismes.

— Tu as un problème avec les roux ?

— Non, mais d'après des légendes les vampires seraient roux.

Je lui dis ou pas que si les légendes étaient vraies, il y aurait cent soixante millions de vampires sur Terre ?

— C'est quoi cet argument ? Quoi d'autre ?

— Tu es pâle.

— Ça, c'est parce que je suis rousse, mais vu que tu as un problème avec les roux, tu ne peux pas comprendre.

— Je n'ai aucun problème avec les roux ! Bref... Tu es adoptée.

Il fait de la discrimination, mais il n'a aucun problème avec la rousseur. Je rigole. N'empêche, je n'en reviens vraiment pas d'avoir eu peur qu'il ait trouvé. Bon, je reconnais que ses deux premiers arguments sont bons, mais la rousseur et la pâleur, ce n'est vraiment pas du très haut niveau. L'adoption non plus d'ailleurs. Parce que ça ferait quand même beaucoup de personne vampire si c'était le cas, même ma mère adoptive en serait un.

C'est presque bête qu'il n'y ait pas de chiffres officiels sur l'adoption, j'aimerais bien les avoir juste pour me moquer mentalement d'Elijah. Mais là, ça ne vaut pas trop la peine, ce serait une grosse perte de temps de trouver le nombre exact d'adoption par an dans les 197 pays du monde et de trouver ensuite avec la moyenne d'âge du pays, pour savoir combien exactement, il y a encore de personnes qui furent adoptées. Mais a priori, il doit y avoir minimum cent millions d'êtres humains et si on le combine avec la rousseur, ça fait encore deux millions de vampires, c'est encore un peu beaucoup.

— Beaucoup de personnes dans le monde sont adoptées, tu sais ? Ce n'est pas quelque chose de rare a priori, franchement, je ne vois pas bien le rapport.

— Oui, bon, c'est ma logique, je n'ai jamais dit qu'elle était sensée.

Ah bah j'avais bien remarqué, je ne sais même pas si ta logique est celle de qui que ce soit d'autre, soyons honnêtes.

— Tu as peut-être été un peu trop loin, je veux bien être étrange, mais à ce point-là... C'est tout ce que tu avais comme argument ?

— Non, il m'en reste encore un ou deux.

Espérons qu'il n'ait pas gardé le meilleur pour la fin.

— Tu n'as pas d'imperfection, ajoute-t-il après avoir légèrement hésité.

— Ça, c'est un truc que j'ai toujours trouvé impressionnant, on dit toujours que son propre regarde sur soi-même n'est pas objectif, mais si tu veux mon avis celui des autres y est encore moins. J'ai des imperfections, comme tout le monde, c'est juste que tu ne les vois pas.

Je dois avouer que je n'en ai pas des centaines, surtout au niveau de ma peau. Encore physiquement, on peut négocier des imperfections aux yeux de la société actuelle, j'ai beau avoir des formes, ce ne sont pas tout à fait les formes qu'on trouve magnifiques, je ne suis ni assez maigre, ni assez grande, je suis quand même légèrement en décalage avec mon temps. Après tout, mes parents ont peut-être clairement fondé leur critère physique sur les critères de beauté de l'époque. Mais quand même, de là à dire que je n'ai pas d'imperfection, c'est un peu abuser, sinon il est lui-même en décalage avec notre époque pour ce qui est des critères de beauté.

— Mais regarde-toi dans une glace ! Ta peau a zéro imperfection, il faut bien le reconnaître.

C'est quand même lui qui dit ça, le mec qui est presque à un niveau surnaturel pour ce qui est des imperfections.

— Ça s'appelle prendre soin de soi, j'espère quand même que ça ne transforme pas en vampire, sinon beaucoup de personnes devraient avoir peur d'en devenir un, toi compris.

J'avoue, je lui ai presque fait un compliment, mais c'est pour la bonne cause, après tout, si je l'intègre aussi dans ses arguments foireux, il ne pourra plus les utiliser contre moi.

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