100010 (34.2)

 Reste à savoir pourquoi Salaï les a choisis eux tous particulièrement au lieu d'autres, quelle est leur logique ? À première vue, ils n'ont aucun sens, mais Salaï a bien dû vouloir faire passer un message, un dernier message. Mais à qui était-il adressé et dans quel but, ça, c'est un mystère. De ce que je sais sur mon père, il avait déjà perdu tous ces proches ou presque, il ne lui restait donc peu de personnes à qui adresser un message codé, mais malgré tout, je suis incapable de deviner le destinataire, ce qui pourtant, pourrait m'aider à comprendre la signification de ces quatre mots.

Et je n'ai même pas de réponse à mes propres questions. Même si j'interprète mal ce qui s'est passé il y a presque cinq cents ans, ça ne me permet pas d'avoir des réponses, ni même des pistes. Et même si je ne reconnais pas convenablement l'écriture de mon père, que c'est quelqu'un d'autre qui l'a écrit, ça n'a pas plus de sens, et mes questions resteraient les mêmes tout comme les réponses. À qui était adressée cette lettre, restée cacher cinq siècles ? Aucune idée, même pas une toute petite idée exploitable...

Et si mon père me l'a écrite ? murmure la voix de la déraison dans ma tête. Mais je la fais taire, comment aurait-il pu se douter que je viendrai un jour, et pire encore, comment aurait-il pu savoir que j'existerai vraiment un jour ? Ce n'est pas possible, vraiment pas. Mais après tout, nous ne sommes plus à une ou deux recherches près, on peut réfléchir sous cet angle, ça ne nous coûtera pas grand-chose.

Donc, si la lettre m'est adressée, ce serait pour que je trouve quelque chose, dans cette maison en toute logique. Salaï n'aurait pas pu m'envoyer chercher quelque chose loin en y pensant juste avant sa mort, là, c'est une dernière pensée, un dernier espoir avant de mourir, quelque chose qu'il a pensé dans ces dernières minutes de vie et pas avant. C'est peut-être même dans cette pièce tout particulièrement, comme quelque chose de remémorer à la vue d'un détail dans la pièce ou à la pensée de quelque chose dans la maison, mais c'est proche, j'en suis certaine.

Il ne reste donc qu'à chercher une explication aux mots écrits... Je doute qu'il faille les traduire, je serais étonnée que « l'explication des symboles moraux de Pythagore » nous mène bien loin. Il existe bien un livre italien du sixième siècle portant ce titre et vu le sujet, ce ne serait pas étonnant qu'il soit dans la maison ou qu'il y ait été fut un temps. Mais nous avons déjà regardé la bibliothèque et nous aurions remarqué si quelque chose clochait, surtout que nous l'avons vérifié tous les deux... Il n'y avait rien qui clochait, mais j'y aie vu ce titre, j'en suis certaine. C'est presque impossible de dire si c'est un livre d'époque, mais ça vaut le coup de retourner voir.

Je me doute bien qu'il y a peu de chance, c'est très compliqué d'arriver cinq cents ans trop tard. Je joue clairement au petit bonheur la chance actuellement et ça a le don de m'énerver. Nous pourrions très bien avoir raté quelque chose dans les autres pièces et qu'ici, il n'y ait rien de plus, tout est possible vu la situation actuelle. Nous sommes dans le noir complet et les seuls indices que nous recevons sont codés, comme si notre tâche n'était pas déjà assez complexe... Mais même si l'espoir est très, très mince, ça vaut la peine d'aller voir, je ne pourrai pas savoir en avance si j'ai raison ou non. Et ce serait trop bête de ne pas exploiter la seule piste que nous avons actuellement.

— Qu'est-ce que ça signifie ? demande Elijah pensant sûrement que ça a un sens valable alors que pas du tout.

— J'en sais absolument rien, on va retourner dans la bibliothèque voir et je ne sais pas où ça va nous mener.

— C'est le titre d'un livre ?

— Exacte.

Sur ce, je remets en place au maximum tout le bazar que j'ai créé, gardant uniquement la lettre avec moi. Puis j'entraîne Elijah dans le couloir et au même moment, je me rends compte qu'une brigade de police milanaise va être envoyée ici pour nous.

C'est une blague ou comment ça se passe ? À quel moment ils ont retrouvé notre trace ? Je les surveille depuis plusieurs heures et il n'y a strictement aucune avancée, forcément et là, sans prévenir, ils savent exactement où nous sommes. J'ai raté une étape, je crois. Franchement agacée, je remonte le fil des appels de police ces dernières heures, ils ont forcément retrouvé la voiture que nous avions volée.

Très vite, je comprends, un couple, faisant la randonnée/camping que j'ai repérée à décider de se disputer, à minuit passé, au point de vouloir se barrer, et comble de la malle chance, ce couple est l'heureux propriétaire de la Fiat Panda que nous avons volée. Ça aurait pu être n'importe quelle autre voiture, ça n'aurait pas eu la moindre importance, il aurait fallu faire fort pour repérer le changement de plaque d'immatriculation, mais bien sûr, c'est tombé sur la mauvaise. C'en est donc suivi une enquête de police et tutti quanti qui les a menés jusqu'ici. Mais évidemment, moi, je ne me suis absolument pas méfiée de cette éventualité. Sauf que maintenant, nous sommes dans la merde.

Et nous avons deux solutions, soit nous partons maintenant, sachant que tant que nous sommes en cavale, nous ne pourrons plus revenir, les policiers risquent de surveiller attentivement les lieux. Soit je tente d'exploiter la seule piste que nous avons sachant que nous pouvons facilement nous retrouver coincés à cause de ça, sans compter que ça peut finir sur le même résultat que la première. Quelle possibilité attirante, c'est incroyable !

N'ayant pas trop le choix, je prends quand même la deuxième possibilité, au moins, je serai fixée. Et au pire du pire, si vraiment nous ne sommes pas assez rapides et que les policiers arrivent trop vite, nous pourrons encore nous enfuir par-derrière, nous aurons juste perdu bêtement toutes nos provisions et nos affaires. Je reste donc sur mon idée de base, prévenant juste rapidement Elijah de l'évolution de l'enquête. Il ne semble pas totalement convaincu par mon plan, mais apparemment, il a confiance en moi.

Une fois de retour dans la bibliothèque, je ne mets que quelques petites secondes à trouver ce que je cherche, tout en haut à droite, me souvenant bien de l'avoir vu. J'enlève le livre de sa place en me hissant sur la pointe des pieds et quand je le retire, j'espère au fond de moi que ça va déclencher un mécanisme. Comme ça, nous aurons peut-être enfin atteint notre objectif. Mais ce n'est pas le cas, nous allons sans doute plutôt nous retrouver avec une énigme nous indiquant où aller ensuite... Je dois avouer que je suis un peu déçue, je fouille tout de même le livre au cas où il y est des lettres à l'intérieur, mais il n'y a rien, même pas des notes et encore moins la moindre trace de mots qui n'ont pas été écrits par Filippo Beraoldo.

Qu'est-ce que ça valait la peine de perdre un temps précieux qui nous aurait permis de fuir pour ça. Passablement agacer, je repose le livre. Je n'avais absolument pas prévu de le faire délicatement, mais j'ai peut-être été un peu Brutus puisque l'ouvrage heurte bruyamment le fond, avant de tomber de l'autre côté. Je ne sais absolument pas ce que j'ai fait, mais c'est sûr et certain que j'ai déclenché un mécanisme, puisque l'étagère pivote très légèrement, s'ouvrant du côté gauche, juste assez pour laissez-passer une personne.

Je n'aurai jamais pensé qu'il y avait un mécanisme et encore moins que j'allais le déclencher ainsi, j'étais juste défaitiste, mais c'est une très bonne nouvelle, ça signifie que je n'ai pas exploité cette piste pour rien. Par contre, je suis vraiment surprise que je n'aie pas entendu qu'il y avait une salle de trop, je me suis fait avoir bêtement en pensant que ce que j'entendais, c'était la pièce voisine et non un lieu secret. Je me suis clairement fait avoir comme une idiote heureusement que mon erreur est rattrapée. Épatée, je me tourne vers Elijah, heureuse. Il me regarde aussi, mais plus étonné que joyeux.

— On a trouvé ! m'exclamé-je aux anges avant d'avancer vers l'ouverture pour pouvoir voir ce qu'il y a à l'intérieur.

Je l'approche de l'ouverture et découvre une petite pièce tout en longueur, devant mesurer seulement un mètre et demi de large, avec presque aucun meuble hormis un lit poussiéreux sur lequel est tombé le livre et un bureau ainsi qu'un vieux chevalet de peinture. Ça ressemble très franchement à une chambre, peut-être très rudimentaire, mais une chambre. Reste à déterminer à qui elle a appartenu et pourquoi elle était ainsi cachée. Mais a priori, vu les indices qui m'y ont conduite, elle a dû être créée par l'un de mes pères. Je serai tentée de supposer qu'elle a été faite pour moi, mais ça me semblerait tout de même un peu idiot alors que De Vinci n'a jamais eu les capacités de me créer, mais après tout peut-être. En tout cas, je ne suis pas près d'avoir la réponse.

En attendant, il faut mettre à profit le temps qu'il me reste pour voir si les lettres sont ici. Me tournant vers les endroits les plus probables, j'inspecte les tiroirs du bureau. La plupart sont remplis de croquis de dessins, que je ne prends pas le temps de regarder, mais que je récupère tout de même. Seul un est fermé, mais je le déverrouille en quelques secondes et je révèle une boîte en fer, assez grande, une vingtaine de centimètres et cubique, que je récupère sans hésiter, c'est exactement ce genre de chose que je recherche. J'ouvre la boîte pour découvrir l'intérieur, rempli de lettres, la première ayant l'écriture miroir de De Vinci. Voilà exactement ce que je recherche, aucun doute là-dessus. Impossible de savoir ainsi si elles y sont toutes ou si ce sont des originaux, mais je suis bien obligée d'y croire, je n'ai plus vraiment le temps de chercher d'autres indices vus comme j'ai déjà eu du mal à trouver celles-ci.

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