1000 (8.2)
L'épisode de ce matin m'a encore plus démotivée d'aller chez lui, je commence même à envisager de ne pas finir cette foutue thèse. Au pire, si je me tape un zéro, j'arriverai aisément à la rattraper, mais le truc, c'est que le prof aura encore moins de chance de me permettre de travailler seule... Tant pis pour moi, il ne me reste plus que quatre jours à tenir, je dois être courageuse. Mon courage va juste avoir des limites. Cette fois, c'est lui qui m'ouvre, ce qui par certains côtés nous fera gagner du temps, mais il profite des dix petits mètres qui séparent l'entrée du salon pour faire la causette.
— Pourquoi as-tu été adoptée ? demande-t-il juste après m'avoir fait rentrer.
— Mais tu as fini ? Sérieusement, je te demande pourquoi tu as déménagé ? Non, alors maintenant, fous-moi la paix.
— Tu es originaire d'où ?
— Je ne veux pas en parler, ce n'est pas assez clair ? Je te rappelle qu'on doit finir notre thèse, elle est à rendre jeudi, je te signale.
— J'ai bien le droit d'être curieux non ?
— Tu n'es pas curieux, tu es insistant et chiant, ce n'est pas du tout pareil, la curiosité a des limites je te signale.
Il n'insiste pas plus, mais je vois bien dans son regard qu'il n'en a pas du tout, mais alors pas du tout fini, je sens que je vais bientôt avoir le droit à un nouvel interrogatoire, mais j'ai sans doute un peu de temps, peut-être même que si je me débrouille bien, je vais pouvoir fuir avant. Mais avant de fuir, il faut bosser, heureusement, je suis efficace. Cette fois, nous finissons notre deuxième brouillon, il ne nous restera plus qu'à tout mettre au propre, je vais bientôt être enfin débarrassée, au plaisir de ne plus jamais travailler avec lui.
À mon grand désespoir, il finit son deuxième brouillon, qui est enfaîte la partie que j'ai faite, avant que j'aie fini de retravailler sa partie... Pourquoi au juste j'ai directement fait quelque chose de presque parfait ? Si j'avais moins bien rédigé, il n'aurait pas déjà fini. Parce qu'en attendant, il a eu le temps de ranger, ce qui à coup sûr, va lui permettre de me raccompagner jusqu'à la sortie. Si j'avais su...
Dès que j'ai moi-même terminé, je me dépêche de tout fermer pour fuir le plus vite possible, mais je ne suis pas assez rapide.
— Maintenant, j'ai le droit de te poser des questions
— Je pars.
— Juste une ou deux. Tu sais pourquoi tu as dû être adopté ? m'interroge-t-il toujours insistant.
Je ne sais vraiment pas ce qu'il a comme problème ce mec, mais il y a quelque chose. Je ne sais pas, c'est le refus qui l'encourage à continuer à ce point-là, mais il est à un stade assez incroyable quand même, il ne tient vraiment pas à lâcher l'affaire. Manque de bol, moi non plus, sauf que je tiendrai le coup beaucoup plus longtemps que lui, surtout, il risque de voir son espérance de vie s'écourter, c'est uniquement parce que je n'ai pas encore trouvé l'occasion qu'il est toujours vivant.
N'ayant vraiment plus la patience, je monte en voiture sans lui répondre et en le laissant « tranquille », mais cet idiot trouve la bonne idée de retenir ma portière avant que je ne la ferme. J'hésite très sérieusement à la fermer un bon coup sec, comme ça, je lui broie tous les os de la main droite et ça le dissuadera sans doute de revenir me parler. Mais le sang, c'est très chiant à nettoyer et je tiens trop à ma voiture pour ça, en plus les procès c'est affreusement agaçant, bref, une grosse perte de temps inutilement, alors je m'en dispense. Dommage.
— Bon Elijah, je ne sais pas si tu es complètement con ou si vraiment tu fais exprès de ne pas comprendre, mais je ne veux pas parler avec toi. Alors, lâche-moi les baskets, sinon je ne peux pas te promettre que tu retrouveras tous tes doigts, affirmé-je en attrapant la poignée de la portière.
Bon, ce serait chiant de le blesser comme ça, mais en cas d'absolue nécessité, je veux bien m'arranger quand même, après tout, l'occasion est belle. Heureusement, il semble tenir à ses doigts, puisqu'il lâche la portière. Sage décision, les doigts font partie des membres les plus durs à réimplanter et ce n'est même pas complètement fiable. En attendant, maintenant que je peux, je me barre, je claque la porte un bon coup avant d'effectuer un demi-tour en vitesse juste devant chez les Stone, manquant de l'écraser volontairement au passage, mais aussi, il m'a cherchée et je gère assez mon véhicule pour ne pas abîmer ma carrosserie. Et je rentre enfin chez moi, ce n'est pas trop tôt.
Je rumine la conversation pendant tout le trajet. Ses questions ne révèlent peut-être pas grand-chose, mais elle prouve son insistance et ça, ça m'agace tout particulièrement. Et je suis incapable de savoir exactement ce qu'il a appris, ce qui est presque encore pire. Devant obligatoirement attendre un moment avant de pouvoir fouiller en profondeur pour tenter de dénicher ce qu'il sait, je le chasse de mes pensées, au moins le temps du repas avec ma famille.
Par contre, après, dès que je suis posée dans mon canapé, je débute toutes mes investigations, je devrai pouvoir obtenir quelque chose d'intéressant. Après tout, il tire forcément ses interrogations soudaines de quelque part et je devrai quand même réussir à en trouver des traces, il n'y a pas de raison. Dans les faits, je n'y crois pas, je n'y crois plus, c'est fini l'espoir, je suis désolée de le dire, mais je commence vraiment à croire que ses compétences informatiques sont au-delà de ce que je pensais au début. Mais je tente quand même ma chance, après tout, maintenant, ses connexions internet sont surveillées. Et surtout, je veux absolument savoir ce qu'il a appris et il est hors de question de le laisser me prendre de cours en me posant des questions, je ne compte pas lui en dire de trop si jamais je suis obligée de répondre à ses interrogations.
Je m'occupe donc d'éplucher ses recherches internet du week-end, regrettant déjà de ne pas les avoir surveillés, ça m'aurait évité quelques tracas. Sachant déjà qu'il a été sur le Dark Web, je commence par ses connexions personnelles. Comme j'aurai pu le deviner, il n'y a rien, absolument rien, c'est vraiment impressionnant, voire incroyable. Je me tourne donc vers toutes les connexions des PC publics de Berkeley et ses alentours, mais il n'y a aucune connexion à son nom, ou plutôt à ses noms, j'en viens même à vérifier ceux de ses sœurs, mais vraiment, il n'y a rien.
N'abandonnant pas pour autant, j'examine toutes les recherches des ordinateurs libres d'accès, on ne sait jamais, il pourrait très bien avoir pompé la connexion de quelqu'un d'autre, ça ne m'étonnerait même pas de sa part. À un certain stade, je ne serai même plus surprise par ses capacités, je suis même prête à croire qu'il arrive à contourner le pare-feu des ordinateurs. Mais là aussi, même en fouillant avec application, c'est le néant, c'est presque aussi impressionnant qu'agaçant, un exploit. Je vais bien trouver quelque chose, j'y crois, j'ai de l'espoir, on va dire.
Ayant bien deviné qu'il avait déjà depuis longtemps supprimé toutes ses recherches, je me tourne vers le FBI. Je n'aime pas me rabaisser à leur pomper leur information, mais tant pis, après tout, je suis leur source et eux, contrairement à moi, ont surveillé ses recherches en direct. Et à mon grand désespoir, ils n'ont détecté aucune fucking activités sur le week-end... C'est vraiment pire que ce que je croyais enfaîte cette histoire, c'est vraiment à un niveau... effrayant...
Maintenant au moins, j'ai la preuve qu'il dérive son réseau et commençant à le connaître, je ne doute pas une seule seconde qu'il utilise suffisamment de points relais pour être intraçable. Déjà qu'il fait ses manipulations de manière assez discrète pour que ni moi, ni le FBI n'est jamais rien remarqué, alors à un certain stade, ça de plus, ça de moins, ça ne change absolument plus rien du tout... En plus, je pense qu'il est suffisamment malin pour ne jamais utiliser les mêmes points relais et pour prendre des ordinateurs normaux comme point d'appui. Peut-être même que grâce à notre proximité avec le Mexique, il parvient carrément à changer de pays, faisant ainsi ses magouilles à partir d'un pays beaucoup moins surveillé en termes de recherches internet.
En tout cas, si j'avais une empreinte informatique, c'est ce que je ferai. Et même si j'ai beaucoup plus de connaissances informatiques qu'un officier général expert en cybersécurité travaillant au Pentagone, je ne doute pas qu'il en sache suffisamment pour connaître cette astuce et possiblement l'avoir donné à son fils, voire à tous ses enfants.
Traduction, impossible de trouver quoi que ce soit, je n'ai même pas détecté de traces de son cheminement en me connectant à son ordinateur. Je n'ai même pas vu de début de programme de ce type dans ses fichiers, il le refait vraiment à chaque fois à la perfection, un exploit prouvant un gros entraînement.
Je pense que je peux presque déclarer officiellement que je ne saurai absolument jamais ce qu'il a recherché à mon propos, du moins jamais en passant par l'informatique. Chouette. Quelle bonne nouvelle ! Maintenant, mon dernier espoir, c'est qu'il est sauvegardé toutes ses recherches sur sa clef USB. Ce qui honnêtement me surprendrait vraiment, mais c'est peut-être possible après tout, qui sait. Moi, si j'étais humaine et tout aussi stalkeuse qu'actuellement, je n'enregistrerais pas mes recherches, j'utiliserai simplement ma mémoire, mais peut-être que ma réflexion est erronée. En tout cas, ça ne coûte rien de tenter quand même, c'est mon dernier espoir.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top