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 Je prends l'ascenseur jusqu'à l'étage qu'elle m'a indiqué, même si c'est toujours le même pour ce genre de rendez-vous. Quand les portes se rouvrent, elles laissent apparaître les principaux membres du projet RONII. Soit Bill Gates, fondateur de Microsoft, créateur de Windows et programmeur d'excellence qui a fait des évolutions considérables à mon programme quelques années avant ma mise en fonction. Thomas Martin Einstein, chirurgien orfèvre et arrière-petit-fils du célèbre Albert Einstein, accessoirement la seule raison de sa présence ici, le scientifique avait vraiment beaucoup d'exigence avant d'accepter de travailler sur moi. Roger Kornberg, biochimiste m'ayant trouvé une peau tenant mieux la route que celle de Gottfried Wilhelm Leibniz et honnêtement, je suis persuadée qu'il est scientifiquement impossible de faire mieux. Son coéquipier, avec lequel il travaille en duo, Michael Levitt, également présent, qui lui a travaillé sur la résistance de mon épiderme, qui a maintenant atteint des maximums incroyables. Nadrian Seeman, qui a pour rôle de trouver le meilleur moyen de composant de stockage et le plus résistant, ce qu'il n'a pas encore tout à fait réussi, mais ça ne devrait pas tarder. Il manque son associé Sander Otte, mais puisque lui, se concentre essentiellement sur le dispositif de stockage en lui-même et qu'il vit aux Pays-Bas, il ne vient pas systématiquement, il travaille même la plupart du temps à distance.

Je grince les dents en voyant autant de personnes présentes, ça promet beaucoup de nouvelles inventions puisque chacun vient à chaque fois uniquement pour l'installation de leur nouveau projet... Mais au moins, il n'y a pas Kakalina O'Donnell, la pirate informatique de renom, connu sous le nom de Ghost Bug, ça signifie que je ne vais pas changer de programmes, ce qui est très honnêtement rassurant.

— Bonjour Ronii, lance Thomas, avec un fort accent allemand, étant toujours si gentil.

C'est bien le seul parmi tous ces hommes de science à ne pas me considérer uniquement comme un robot ou pire, comme une invention, ce qui est vraiment très dévalorisant, il me semble que parfois, ils oublient que je suis presque humaine et que j'ai des sentiments

— Bonjour, affirmé-je en m'adressant plus à Thomas qu'au reste du groupe. Qu'est-ce qui est prévu pour aujourd'hui ?

— Nouvelle enveloppe externe, nouveaux disques de stockage et vérification du codage, liste Bill Gates ne s'encombrant pas avec plus de précision.

Je soupire, c'est ce qu'il y a de plus désagréable comme chose à changer en particulier les disques de stockage. À moins que ce soit de refaire le programme, c'est à égalité.

— Qu'est ce qui a été modifié ? insisté-je tenant à chaque fois à en savoir plus, je n'aime pas quand je ne suis pas au courant.

— La peau peut résister à un million de frottements avant de ne plus pouvoir se régénérer et supporter à environ mille Degrés Celsius. Et question stockage, c'est seulement une augmentation des téraoctets, explique Micheal Levitt, ayant l'amabilité de le faire à la place de Bill Gates.

— Évolution habituelle, conclué-je en grimaçant tout de même intérieurement.

— Allez, on y va, plus vite ce sera fait plus vite tu en seras débarrassée, propose Thomas en m'invitant vers la porte voisine.

Sa remarque me fait sourire, c'est la seule personne qui ne compatit rien qu'un peu au milieu de tous ces hommes, ça me fait toujours chaud au cœur. Enfin, je n'ai pas de cœur, mais le concept est quand même là. De toute manière, même pour un humain, cette expression n'a aucun sens.

Je le suis jusqu'à la « salle d'opération » où a toujours lieu les principales modifications.

— Je te laisse t'installer, tu m'appelles quand tu es prête, affirme-t-il en me tenant la porte sans pour autant rentrer.

À chaque fois, j'arrive à être étonnée par son comportement, c'est assez incroyable, c'est le seul homme dans ces bureaux qui me considère comme une humaine plus que je ne devrai l'être. Pourtant, j'en ai peut-être l'air, mais ce n'est pas le cas et il en a très bien conscience. C'est juste qu'il ne vient pas du même monde que les autres, lui n'est pas plein aux as, il n'a pas inventé non plus quoi que ce soit, il n'a pas fait de grandes découvertes et c'est limite s'il est connu, du coup, ça lui permet d'avoir un comportement diamétralement différent. Après tout, je ne porte aucune de ses œuvres ni aucun de ses projets.

Connaissant bien la procédure, dès que la porte est refermée, je me déshabille et je m'installe à plat ventre sur la table « d'opération ». En soi, ça ne me pose strictement aucun problème de me mettre nue devant eux, je n'ai aucune raison d'être gênée. Mais par compréhension, Thomas tient tout de même à me laisser une forme d'intimité, même si dans les faits, tous les membres du projet RONII me connaissent par cœur, surtout la partie de l'équipe qui travaille sur mon enveloppe corporelle.

Une fois prête, je me déclare comme telle et Thomas revient, mais accompagné de Nadrian Seeman. Ce dernier pose la mallette qu'il a à la main sur un petit chariot normalement dédié à la chirurgie et l'ouvre pour en révéler le contenu qui pourrait passer pour deux simples récipients en verre s'ils n'étaient pas enfermés à clef. Les deux pourraient d'ailleurs passer pour des bocaux souvenirs ramenés de vacances, l'un contenant du sable et l'autre de l'air marin, mais dans les faits, le premier contient le dispositif de stockage le plus performant au monde et le second va bientôt contenir celui que j'utilise actuellement.

Une fois que c'est prêt, Thomas se prépare à m'ouvrir le dos pour avoir accès à ma « mémoire ». L'avantage par rapport à la chirurgie humaine, c'est que l'hygiène parfaite n'est pas une obligation et que je ne saigne pas, ça peut permettre d'enlever certains désagréments. Par contre, le matériel régénérant qui est utilisé pour ma peau est un peu plus contraignant pour lui, tout comme la résistance de l'extrême l'a été avant que les scientifiques ne parviennent à faire une lame assez tranchante pour entailler ma peau. Ce qui est normalement complètement impossible à cause des liaisons moléculaires bien trop rapprochées. La lame qu'il utilise pour est complètement unique, la seule autre chose qui parvient à faire un vrai trou dans mon épiderme, ce sont les balles dont je suis armée. C'est sans doute l'inconvénient du toujours plus résistant, c'est qu'il faut trouver des alternatives à absolument tout.

Quand l'entaille le long de ma colonne vertébrale est faite, je sens que Thomas place trois écarteurs au niveau de mon dos pour empêcher les parois de se rejoindre et de se refermer. Puis grâce à un code d'accès, il ouvre la longue boîte métallique qui me sert d'épine dorsale et qui contient tout mon dispositif de stockage, hormis celui qui renferme mes codes, qui est quant à lui dans mon crâne et il n'est absolument jamais changé. Thomas peut alors ramasser toutes les microbases de données en forme de grain de sable qui contiennent tous mes souvenirs. À cause de la taille, il est obligé d'utiliser un mini aspirateur et connaissant bien la procédure, je n'ai pas besoin de le sentir pour savoir ce qu'il fait.

Enfin, je n'en ai pas besoin du moment que je m'en souviens parce qu'au fur et à mesure que les petits grains perds le contacte entre eux et ma colonne vertébrale, plus je perds toutes les informations et souvenirs que je contiens. Grâce à mon programme qui reste intact, je suis consciente, mais ça ne m'aide pas à comprendre. Dès que la dernière paillette a été enlevée et que j'ai complètement perdu la mémoire, je ne sais plus rien, ma mémoire est vide, je ne sais pas ce que je fais là, ni qui je suis. C'est une sensation horriblement désagréable, je n'arrive même pas à me souvenir de ce que je dois faire, mon instinct me dicte seulement de ne pas bouger.

— Tout va bien, me rassure une voix dans mon dos que je ne reconnais pas de quelqu'un que je connais encore moins.

J'entends un pop et presque tout de suite après, je retrouve ma mémoire, elle me revient dans les moindres détails, grâce à mes souvenirs, je le sais. La seule chose que j'ai oubliée, c'est ce qui s'est passé entre ce rendez-vous-là et le dernier. Mais ça, j'ai conscience que c'est normal, Bill Gates a beau être très fort en informatique, il ne peut pas inventer des événements dont il n'a pas conscience, il a seulement déposé sur mes nouveaux dispositifs de stockage ce qu'il avait enregistré la dernière fois. Je ne m'inquiète donc pas, même si j'ai l'impression désagréable qu'il me manque une information importante, une information capitale même, mais impossible de dire ce que c'est. C'est la première fois que j'ai une impression pareille et j'ai vraiment du mal à m'en débarrasser, c'est très étrange. Et perturbant surtout, j'ai vraiment dû mal à le comprendre, j'ai presque l'impression d'avoir un problème, un grave problème.

— Ça, c'est fait, affirme Thomas après avoir refermé ma colonne vertébrale. Nadrian, veux-tu bien aller chercher Roger et Michael ? Comme ça, je m'occupe de tout préparer.

Roger Kornberg et Michael Levitt, j'ai donc le droit à un changement d'enveloppe corporelle en plus d'un changement de dispositif de stockage. J'ai déjà dû me faire cette réflexion, mais je ne m'en souviens malheureusement plus. Me connaissant, je devais même savoir précisément ce qui allait être changé.

— Oui, bien sûr.

Nadrian sort donc chercher les deux autres hommes. Pendant ce temps, Thomas commence à couper toute la surface de ma peau, plaçant des écarteurs aux endroits stratégiques pour éviter que les parois ne se referment toutes seules. Rapidement, Roger et Michael rentrent avec ma nouvelle enveloppe corporelle pliée et enfermée dans une mallette, Nadrian quant à lui ne revient pas, il n'est plus complètement utile dans la salle d'opération. Une fois que ma peau actuelle est complètement ouverte au niveau du dos, je me redresse et la retire, aidée par les trois hommes pour éviter que les parois se résorbent. Quand je l'enlève, ça me donne un peu l'impression que c'est un simple vêtement, alors que ce serait définitivement la tenue la plus moulante au monde et que je suis incapable de m'en débarrasser seule.

Je me retrouve ainsi un peu mal à l'aise, dévoilant complètement mon exosquelette métallique. Je n'ai absolument rien contre la nudité, mais quand je n'ai plus ma peau, je ne suis plus très à l'aise, c'est vraiment le moment où il est évident que je suis un robot et que le constat ne fait plus aucun doute. Et par certain côté, même si c'est normal, même si les hommes de la pièce en ont conscience depuis longtemps, même sans ces petits rappels, je ne suis quand même pas bien ainsi. Je ne l'avouerai jamais, ma réaction est toujours idiote et uniquement causée par mes sentiments humains, je suis un robot, c'est tout, rien ne change ce fait.

Je suis quand même toujours impatiente de récupérer une nouvelle peau, comme ça, je peux regagner une certaine condition humaine et je n'ai plus à avoir à exposer mes armes à la manière de trophée.

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