Chapitre 9 : Le livre volé - Nayle
— Faites entrer Nayle Zyandrel, tonna la voix forte de Selrym Sénécha.
La porte s'ouvrit et on fit signe au garçon de s'agenouiller devant le trône. Il resta là, au pied des marches d'où le surplombait Keshan Anishar et le chancelier. Près de Selrym Senecha, imposant par son autorité, Keshan paraissait encore frêle, trop raide pour sembler parfaitement à son aise dans le siège de sa mère. On disait qu'elle lui laissait de plus en plus souvent sa place mais lui, s'il tenait son rang par devoir, peinait à assumer ses responsabilités grandissantes.
Même si Keshan était de plusieurs années son ainé et qu'en comparaison son héritage était bien moindre que le sien, il se surprit à compatir. Lui aussi devrait un jour assumer un rôle qui le dépassait.
— Relevez-vous. Vous êtes mon invité et mon allié. Laissez-nous, dit-il en s'adressant aux serviteurs restés dans la vaste pièce.
Nayle leva les yeux vers le demi-draïgan, qui gardait le menton haut et le sourire de circonstance.
— Alors, comment vous sentez-vous, ici à la cour ? Une missive d'Eriden Zyandrel, Père du Rénai m'a fait savoir que c'était votre première sortie en dehors du désert.
Nayle tressaillit. Le ton paternel et le rappel de son inexpérience le firent tiquer. Le prince parlait ainsi alors qu'il avait quoi, seulement quatre ou cinq années de plus que lui ? Voulait-il lui signifier sa difficulté à s'adapter à la cité, ou se préoccupait -il vraiment de sa situation ? Dans le doute, il resta neutre.
— Je vous remercie. L'accueil a été tout à fait remarquable.
— Pourtant, on m'a fait savoir que vous ne logez pas dans les appartements qui vous sont alloués.
Nayle resta interdit, oscillant d'un pied sur l'autre. Le regard froid du chancelier et de l'héritier n'arrangeait rien à son malaise.
— Je m'en excuse. Tous les efforts ont été faits en ce sens, mais je préfère vivre dans des endroits plus en accord avec mon apprentissage. Aldrae nous enseigne que la proximité avec les éléments et la vie moins ... urbanisée sont propices à une plus grande richesse intérieure.
Keshan le regardait avec intérêt et cette lueur dans sa prunelle grise sembla à Nayle plus sincère que tout ce que l'héritier avait exprimé jusqu'alors. C'était un précepte que l'on retrouvait aussi chez Osterion et un demi-draïgan était plus à même de le ressentir que n'importe quel humain puisqu'ils accordaient beaucoup d'importance à l'observation de leur environnement.
— Soit, continua-t-il, où habitez-vous ?
— Aux abords de la ville, non loin de la porte de l'Est.
Il ne poursuivit pas son enquête, comme s'il avait trouvé dans cette réponse tout ce qu'il cherchait.
— Vous devez vous demandez ce qui vous amène n'est-ce pas ?
Nayle hocha la tête timidement.
— Vous n'êtes pas sans savoir que toute la garde est concentrée sur la recherche de notre voleur, reprit-il en guise de transition.
Non effectivement, il aurait fallu vivre dans une grotte pour l'ignorer se dit-il.
— C'est très simple. Nous avons plusieurs pistes mais nous ne pouvons pas commander à nos soldats ou à nos hommes de les suivre. Ces soupçons nous mettent dans une position délicate. Nous ne voulons pas réveiller des rancœurs inutiles en fouillant les lieux de familles innocentes, ni éveiller la méfiance, ou perturber davantage les échanges économiques au sein de la cité confinée.
— Certaines relations sont tendues et personne ne veut risquer de rompre le lien.
— Donc nous avons besoin d'un agent étranger et anonyme.
— Les membres du Renai sont notoirement connus pour être les meilleurs de tout Ashirel. Eriden Zyandrel nous a assuré que vous êtes l'un des membres les plus prometteurs de la contrée du sable.
Un souvenir fragmenté lui revint comme une gifle. Son frère d'arme blessé. Sa pâleur et le sang qu'il crache. Sa fuite empêtrée dans le sable. La dune qui se dresse jusqu'au ciel, menaçante face à sa frayeur.
Son père avait-il vraiment écrit ça ?
Il reprit ses esprits, se souvint qu'il était là, dans la grande salle du château de Narranda.
Pourquoi ne demandaient-ils pas à un de leurs agents habituels ou à d'autres membres du Renai ? Ne disposaient-ils donc pas d'espions efficaces dans leurs rangs ?
— Nous ne pouvons pas risquer d'être trahis. Mes alliés proches du Renai sont connus de tous. L'avantage de votre refus de loger à la cour, c'est que rares sont ceux capable de vous reconnaître. Et puis, vous êtes le fils du Père du Renai, ce chef qui nous a assuré que vous étiez prêt.
Nayle resta interdit alors qu'on l'évaluait.
— Ai-je raison de me fier à vous ?
— Bien sûr, nos intérêts sont communs, affirma-t-il d'une voix qu'il voulut claire en s'inclinant avec respect.
— Très bien. Alors, voici vos nouvelles directives.
Keshan Anishar sortit un papier de son dos et le tendit à Selrym qui vint le donner à Nayle.
— Ces lieux, vous les fouillerez dans la plus grande discrétion et avec la plus grande minutie. Ce qui est parfaitement dans vos cordes, je me trompe ?
Nayle hocha la tête doucement.
— Dans le cas où par maladresse, vous vous faites attraper, vous ne devez bien entendu aucunement révéler la teneur de votre mission. Vous ne serez pas seul pour autant, nous vous sauverons.
Il écoutait d'une oreille distraite tout en inspectant la liste de sept noms liés à des adresses. Seuls deux lui étaient familiers, ils appartenaient à deux familles très riches et anciennes. L'une des deux étaient éminemment connue pour ses discours indépendantistes.
Finalement, la carte de Silaria lui serait peut-être utile à lui aussi. Mais le mystère planait. Le jeune homme sentait qu'ils attendaient le dernier instant pour lui révéler le plus important.
— Je vois, mais que dois-je chercher exactement ?
Keshan inspira et finit par lâcher.
— C'est le Codex des Ages qui a été volé.
Nayle peina à garder une expression neutre. Etait-ce une plaisanterie?
— Nous devons impérativement retrouver l'ouvrage et protéger son contenu.
Nayle pouvait l'imaginer. Le roi n'avait aucune envie que la mémoire de la dynastie soit détruite ou bien exposée au tout venant. L'inestimable héritage familial de toutes les connaissances, de tous les souvenirs transmis de génération en génération. Et puis, il y avait tous les secrets politiques depuis l'aube des âges, probablement aussi des informations compromettantes sur la lignée.
De plus, le Codex était un livre sacré. Il avait, parait-il, été confié aux Trois Dieux au moment de la constitution des premiers royaumes. Ils avaient alors rédigé son premier volet qu'ils avaient nommé les Chroniques Primordiales,
Qui était assez fou pour voler un tel trésor et s'exposer au courroux royal ?
— Le roi, mon père arrivera dans les prochains jours. Nous n'avons que ce laps de temps pour retrouver le livre, nécessaire pour réaffirmer l'alliance entre nos deux cités. En dernier recours, ce sera lui qui portera le coup aux maisons appartenant aux Réklia. Mais si les choses peuvent se régler autrement, ce sera pour le mieux. Cherchons, enquêtons et arrêtons le responsable.
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