Chapitre 7 - Sortie Nocturne (2/2) - Nayle

— Ah, soupira le géant, nous ne serons pas tranquilles tant que nous n'aurons pas mis les mains sur ce perturbateur. On nous écrase de pression et même les marchands commencent à nous regarder d'un air soupçonneux. Comme si c'était de notre faute. Ce n'est pas nous qui prenons les décisions.

— Oui, soupira l'homme le plus calme. Pour l'heure, il se terre, mais nous l'aurons.

Avait-il une piste ? Nayle ramassa son pli, cachant son vif intérêt.

— Nous l'aurons, répéta-t-il. Il est bloqué en ville. Le confinement a été déclaré peu de temps après que le bateau sur lequel il était  soit arrivé à quai.

— A moins d'être une souris, de pouvoir se téléporter, de se rendre invisible, ou d'être un nageur hors pair, je ne vois pas comment il aurait pu s'échapper avant d'accoster, lista le plus joyeux en comptant sur ses doigts avec ironie.

— Soit, les lyugans sont capables de se rendre invisibles et les draïgans sont d'excellents nageurs, on aurait dans ce cas confinée la Cité pour rien, affirma le plus jeune.

L'homme au ton tranquille le reprit avec bienveillance.

— Franchement, pourquoi un lyugan se serait mêlé des affaires du royaume ? Et j'ai peine à croire qu'un draïgan irait à l'encontre du roi. Ils sont depuis l'aube des temps loyaux comme des fourmis à leur reine, j'ai peine à croire que ce soit de leur fait. Non, je vous le dis, nous cherchons un humain, et cet humain est quelque part à Narranda, fit-il en écartant les bras pour embrasser toute la taverne.

— Peut-être pas. Il a su se jouer des gardes au sein même du palais ainsi que de ceux qui l'attendaient au port de Narranda, ce n'est pas quelqu'un d'ordinaire.

— Mais rien n'a été signalé aux portes de la ville. Avec un tel contrôle aux sorties de la ville et avec les rondes le long des remparts, j'ai peine à croire que qui que ce soit puisse sortir.

Nayle resta songeur en repensant aux paroles des conseillers. Si le voleur était protégé par le décret d'un membre du Conseil, il resterait toujours introuvable. S'il disparaissait bel et bien, cela confirmerait que des opposants à la Couronne avaient infiltré le Conseil.

— Si nous ne retrouvons pas l'homme, il y a plus de chance que ce soit l'objet plutôt qui réapparaisse d'une manière ou d'une autre. A quoi bon voler quelque chose de précieux si c'est pour le couver secrètement comme un dragon ? Croyez-moi, si ce n'est pas le voleur qui se révèle, quelqu'un d'autre en tirera profit ! A ce moment, on remontera la piste jusqu'à la petite frimousse imprudente de ce satané voleur, dit l'homme costaud en raflant la mise, ce qui provoqua des exclamations déçues et énervées.

— Je pense que l'on a tout intérêt à retrouver le grimoire...

Un grimoire ? La phrase du jeune soldat se perdit dans une plainte douloureuse car son voisin venait de lui donner un coup dans les côtes. 

Il y eut un silence gêné. Parler de ce que tout le monde sait, cela n'avait rien de criminel et ils paraissaient tous en avoir besoin : leur attitude montrait qu'il se passait quelque chose de gros, de tellement gros, que cela leur donnait envie d'en débattre. Mais divulguer ce genre d'informations, c'était de la trahison. Brusquement, la convivialité cédait la place à un silence lourd.

Partie après partie, les uns et les autres cédèrent leur place, la mine défaite et les mains cachées dans leurs poches vidées. Nayle finit au terme de chants, de bières et de conversations dernier sur cette table qui l'avait accueilli et renseigné. La soirée touchait à sa fin et il rassembla ses gains avec minutie, resserrant le cordon de sa bourse.

— Tu es un tricheur n'est-ce pas ? lui demanda l'homme qui s'était montré un instant plus tôt le plus blagueur.

Il avait à peine terminé sa phrase qu'il renversait sa chaise et s'élançait sur lui.

Nayle se contenta d'esquiver mollement l'assaut, ce qui déséquilibra le soldat en colère. Le garçon s'enfuit avant que les choses dégénèrent, abandonnant sans regret sa bourse garnie de pièces. Il avait horreur des combats et se précipita donc au plus vite hors de la taverne avant que son opposant reprenne totalement contenance. Il releva sa capuche et se mêla à la foule nocturne, ignorant les voix déformées par l'alcool qui le cherchaient. Son humeur avait changé et il avait seulement hâte de retrouver son hamac pour enfin se reposer mais le chemin du retour lui parut compliqué tant son esprit restait embrumé par l'exaltation de la soirée.

Pourtant, en approchant de l'ancien temple, il retrouva tous ses esprits.

A la lueur des étoiles, il découvrit avec étonnement Silaria assise en tailleur sur un rocher. Elle avait les yeux fermés et une myriade de lumières dansait autour d'elle comme une horde de lucioles. Nayle regardait fasciné son visage brillant d'une pureté angélique et approcha sa main de l'une des boules de lumières : ses doigts rencontrèrent du vide mais une sensation de bonheur le submergea en même temps qu'il eut l'impression d'être complètement mis à nu.

Silaria ouvrit aussitôt les yeux et les apparitions se volatilisèrent dans l'obscurité comme si elles n'avaient jamais existé. Pourtant, Nayle gardait en mémoire le reflet vif de ses prunelles violettes fixées sur lui avant qu'elles aussi se fondent dans l'obscurité de la nuit. A nouveau, un sentiment de malaise l'envahit.

Avait-elle senti sa curiosité ? Sa fugace admiration ? Avait-elle éprouvé son contact ? L'idée l'embarrassa. Dans le doute, il lâcha.

— Excuse-moi, je ne souhaitais pas te déranger.

Elle ne répondit pas et il en profita pour prendre congé.

En se glissant dans sa couchette, il se dit qu'il aurait préféré qu'elle ne le voit pas. Sa différence le rendait parfois nerveux.

Au moment de basculer dans le rêve, il se dit que la soirée avait été riche en information mais qu'il avait complètement oublié d'élucider l'un de ses mystères : Kyl Thuriglar était-il passé avant lui ou quelqu'un avait-il pris ses bottes ? Et pourquoi diable se les seraient-ils laissés voler ? 

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