Chapitre 5 : En quête de sens (3/3) - Silaria
Silaria se sentait déchirée, démunie, désespérée, sans pouvoir y faire quoi que ce soit. L'émotion était si brutale et soudaine qu'elle sentait son ventre se vriller et une violente envie de vomir la saisit. Elle se mit à pleurer sans comprendre la raison de son inaltérable chagrin.
Que se passait-il ? Etait-ce Aylin ? Nayle ?
Elle se sentait broyée de douleur, désorientée, écrasée par un manque cruel et injuste. Silaria courait à perdre haleine vers le foyer de la souffrance et entendit des gémissements horribles.
La source, c'était un homme affaissé, face contre terre. A côté de lui se trouvait une foule d'objets réalisés à la hâte, faits de glaise et de souffrance à l'image du Soleil et du cycle éternel. Silaria s'approcha et entendit ses mots qui se déversaient comme une litanie.
— ... Je t'en supplie, je t'en supplie accepte mes présents, accepte mon âme, mon énergie, ma dévotion. Je t'en supplie, ramène-la auprès de moi. Comment puis-je seulement vivre sans qu'elle, sans qu'elle soit à mes côtés ? Je t'en supplie, mon temps sur Terre, je te le donne, je te le dédie totalement. Je t'en supplie, donne-moi quelques instants de vie, non, un seulement suffira. Rends-lui son souffle, rends -lui son âme, je t'en prie.....
Devant lui, une statue du Dieu Ostérion recouverte de mousse, Avatar du Soleil et de la Renaissance Perpétuelle, demeurait silencieuse. Silaria haletait.
Déchirée, démunie, désespérée. Le manque toujours. Elle ne voulait pas être là, elle voulait disparaître, rejoindre son amour perdu, cette âme sœur qui n'était même pas le sien. Sa part humaine savait que cela n'avait rien de rationnel, que cette histoire n'était pas la sienne et que Silaria devait à tout prit retrouver son individualité, sa sérénité.
Pour lui, pour elle, elle ne pouvait faire qu'une chose.
Elle devait faire que cela cesse.
Elle tenta du mieux qu'elle pouvait de s'extraire de là, de mettre à distance ces sentiments terribles, de se concentrer sur son corps à elle, sur ses souvenirs du jour, sur ce qu'elle avait pu ressentir en marchant dans les allées de la ville, dans l'ombre des platanes.
Là, elle tenta de calmer sa respiration, d'amasser lentement la lumière réconfortante du soir, rendant le jour plus sombre et la lumière entre ses doigts plus forte, toujours plus chaude. Patiemment, malgré la douleur qui la ciselait, qui l'écartelait, qui continuait de troubler sa vision et sa concentration, elle continua de bâtir la sphère informe jusqu'à ce qu'elle lui brûla les yeux. C'était un véritable effort pour elle de retenir le flot mais elle savait que si elle relâchait un instant son attention, le sort s'évanouirait en un instant.
L'esprit tendu vers l'éblouissante magie recueillie entre ses mains, Silaria s'agenouilla prêt de l'homme affaissé et toucha son dos parcouru de sanglots. La lumière l'enveloppa un court instant, lors duquel il sembla prendre une longue inspiration, puis elle disparut dans l'environnement comme si elle n'avait jamais existé. L'homme était silencieux, sa respiration jusqu'alors saccadée devenait tranquille. Le désespoir avait pris la fuite et peu à peu, les échos vers Silaria se calmaient, se réorganisaient.
Elle soupira d'aise. La peine laissait à la place à des émotions plus supportables. De la stupeur, de l'incompréhension, puis de la honte.
— Vous n'avez pas à vous sentir gêné. Vous êtes près de la demeure d'Ostérion, chuchota-t-elle, pour tenter de dissiper son embarras.
Il releva la tête vers elle, perplexe. C'était un homme d'une cinquantaine d'années. Il se composa lentement une expression plus neutre, plus digne, cachant du mieux qu'il pouvait son chagrin et son visage défiguré par la tristesse.
— Je ne vous avais pas vue. Je ne savais pas qu'une prêtresse avait été attribuée. Cela fait plus d'un an qu'il est abandonné.
Silaria n'osa pas lui répondre. Que pouvait-elle lui dire de toute façon ? Il reprit la parole, presque hésitant :
— Ce que vous avez fait... avec la lumière. Comment est-ce possible ?
Comment pouvait-elle lui expliquer ? Elle ne pensait pas de toute façon que cela l'intéresse vraiment.
— Merci..., ajouta-t-il dans un souffle. J'ai l'impression que ça va mieux. Je ne me suis pas senti aussi apaisé depuis très longtemps. J'ai l'impression que les choses peuvent changer.
— Je dois vous le dire, cependant. Ce que vous ressentez-là ne durera pas. Mais essayez de vous focaliser sur son souvenir, sur ses fragments.
Il resta un moment accroché à ces mots, puis, d'un mouvement vif, il se releva. Fier et grand, on ne pouvait pas imaginer qu'il était le même homme que celui qui suppliait, la face dans la terre. Il la salua d'un geste de son chapeau et s'éloigna comme si rien ne s'était passé.
Silaria avait elle aussi recouvré son calme mais se sentait à présent fatiguée et lasse.
Elle s'approcha des petites statues votives, songeuse en pensant au visiteur.
Elle lui avait fait don d'une sérénité fugace et il l'avait remercié pour cela.
Même si elle gardait en elle une inexplicable sensation d'amertume et de mélancolie, elle se dit qu'avait réussi à calmer la tempête.
Pourquoi n'y avait-elle pas pensé avant ? Elle était plus fragile, moins endurante qu'un humain oui, mais elle pouvait aider les autres à sa manière, trouver sa place ici, justement parce qu'elle était l'engeance improbable d'un humain et d'un lyugan.
Silaria récupéra les statues difformes, restées au sol et les déposa à côté de la divinité.
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