Chapitre 5 : En quête de sens (2/3) - Silaria

Silaria reprit ses esprits et marcha jusqu'au « Foyer du Renouveau » à l'enseigne dorée et voyante. Les hauts murs du bâtiment seigneurial étaient intimidants mais l'intérieur était lumineux, simplement garni d'étagères, d'un bureau et de quelques chaises. Silaria se dirigea vers la femme à l'accueil.

Bonjour, je suis Silaria quae Anishar, je venais voir si vous ne pouviez pas m'aider, demanda-t-elle vaguement, trop fière pour annoncer plus directement le motif de sa visite.

—Bien sûr, bienvenue, dit-elle d'un ton affable, probablement très habitué à ces préambules. Vous êtes une enfant du seigneur puisque vous portez son nom. Vous avez de la chance, je peux vous proposer plusieurs choses. Vous savez écrire, je présume.

—Passablement.

Son enthousiasme faiblit.

—Vous n'étiez pas à l'école seigneuriale ? s'étonna-t-elle.

Elle ne répondit pas. Une telle éducation n'existait pas dans le faubourg. Quelques professeurs passaient leur enseigner les rudiments de l'écriture et de la lecture mais son orthographe était loin d'être parfaite.

—Ah, une mauvaise élève....

—J'apprendrai, je suis intelligente, affirma Silaria avec force

—J'imagine oui. Bon, nous avons ici des sessions de soutien qui commencent mais c'est un peu tard. Les inscriptions se finissaient la semaine dernière... On vous l'a pourtant signalé à l'orphelinat, précisa la femme avec autorité.

Silaria baissa les yeux, honteuse, sans raison. Elle ne savait pas trop quoi répondre pour entrer dans ses bonnes grâces.

—Bon, nous pourrons peut-être voir avec les précepteurs, dit-elle d'un ton suffisant. Donnez-moi votre lettre de tutelle seigneuriale, je vous prie.

Silaria la regarda avec des yeux ronds. Il existait vraiment un papier qui attestait de son statut ? Elle était fichée dans l'administration de la famille Anishar et elle n'en avait pas la moindre idée. Cette idée lui déplaisait. Si c'était vrai, le papier devait être dans un coffre de son orphelinat, parfaitement inaccessible.

—Voyons, vous êtes venue sans la demander à un Frère ou une Sœur ? Sans cela, je ne peux rien faire.

—Je n'y ai pas accès pour le moment. Voilà, je vous le dis, je viens d'un faubourg mais avec le confinement, je ne peux pas aller le récupérer.

Elle la regarda avec le même air suspicieux que l'artisan mais la compassion n'avait pas de place dans son esprit retors ; Elle suivrait les ordres, un point c'est tout.

—Comme je viens de le dire, je ne peux rien faire sans la lettre de tutelle seigneuriale.

Elle restait perplexe, refusant d'accepter que sans ce papier qu'elle venait de découvrir, elle ne pouvait même pas prétendre être une orpheline. Elle était devenue quelque chose d'encore moindre valeur ,encore plus insignifiante, et cela, elle ne pensait pas que c'était possible.

Une autre idée lui vint. Une idée qu'elle avait tentée d'enterrer toute la journée, mais qui malgré tout, émergea sur ses lèvres.

—Pouvez- vous, s'il vous plait m'indiquer « l'allée des cytises ».

La femme prit un air agacé. Cette demande ne relevait pas de ses fonctions. Malgré tout, elle répondit.

—Celle-là en particulier, je ne pourrais pas vous le dire mais le quartier avec tous ces noms de fleurs se trouve par ici, dit-elle en faisant un vague geste vers l'est de la Cité.

Silaria la regardait sans bouger, perdue. Alors, la femme se leva de mauvaise grâce.

« Attendez »

Elle disparut dans une autre pièce et revint avec un plan

« Voilà, nous sommes ici, vous devez vous rendre ici ».

Silaria regarda la carte avec émerveillement. Elle avait toujours adoré ces représentations détaillées, avec ses petits monts, ses châteaux, ses parcs et courants d'eau, tous ces noms qu'elle découvrait du bout des doigts.

La femme remarqua son émoi et lui lâcha.

—Bon... Prenez là si ça vous fait plaisir. L'imprimerie nous en produit toujours de plus belles et les papiers s'entassent. Celle-là n'est même plus tout à fait à jour depuis les travaux.

Silaria s'exclama :

—Merci infiniment !

—Oui oui, de rien. Bon revenez avec vos papiers la prochaine fois au lieu de nous faire perdre notre temps. Allez déguerpissez.

Son trésor en poche, son enthousiasme retrouvé malgré son second échec, Silaria marchait joyeuse vers sa nouvelle destination, perplexe de constater qu'ici, dans sa propre région, on devait prouver qui on était par un papier. Elle s'engagea sur un chemin escarpé et dut s'accorder une pause dans un quartier de maisons cossues. Dans l'ombre d'arbres majestueux, elles avaient chacune de vastes jardins protégés. C'était un endroit très calme en comparaison des autres.

Silaria examina avec attention le nom des ruelles.

Enfin, l'« allée des cytises ». Elle regardait aux alentours avec une curiosité mêlée d'appréhension.

Quelques maisons de bois, un lampadaire, un chat qui se léchait les pattes. Un grand arbre. Elle ne savait pas trop ce qu'elle cherchait dans cette banalité.

Et il n'y avait rien. Rien qui lui évoquât quoi que ce soit. Cette allée, c'était celle où on l'avait trouvée errante dans le froid. Mais il n'y avait pas de trace de cela, pas la moindre piste.

C'était bizarre qu'il n'y ait rien du tout. Elle s'était imaginé bien autre chose.

Elle s'était imaginé que, quand elle passerait là, sa mère surgirait. Que cette mère qui devait lui ressembler trait pour trait, lui dirait « Ma chérie, je t'ai attendue toutes ces années, je t'ai cherchée, tu sais. Comme je suis contente de te revoir » ; ensuite, elle la prendrait dans ses bras avant de lui cuisiner une délicieuse soupe bien chaude.

Mais non. Rien.

Tout ça, c'était ses rêves à elle. Il n'y avait rien dans cette ruelle.

Elle n'avait pas d'autres indices que son nom et cette pièce de cent oléos qu'elle gardait au cou, pas même un papier pour l'assurer que « Silaria quae Anishar », c'était bien elle. Elle se sentait vide mais se ressaisit en se frictionnant le visage. « Qu'attendait-elle ? Pensait-elle vraiment que les choses seraient si simples ? »

Et maintenant ?

Maintenant, elle laissa la rue et reprit la route vers le temple d'Ostérion. Elle se sentait désolée de s'imposer une journée de plus à Aylin et Nayle, mais d'un autre côté, elle se dit qu'elle n'était pas mécontente de ne pas être tout à fait seule. A cette pensée, elle fouilla les environs, trouva quelques champignons, des racines et des herbes, se promettant de leur concocter un délicieux repas pour leur retour. 

Mais à l'approche du temple, une douleur capta son attention. Elle jeta son sac et courut  à toute jambe jusqu'au bâtiment.

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