III. Octogone & parfum
ROMÉO
Trois glaces à la fraise et quelques sourires plus tard, nous étions enfin prêt à travailler.
- Je pense que l'on doit sortir une nouvelle comédie romantique, ça a toujours un effet positif. Tu te rappelles du pic de mariages durant l'année qui a suivi la sortie des films 50 nuances de roses, 50 nuances de roses plus sombres et 50 nuances de roses claires ? Déclare Juliette fière d'elle comme s'il s'agissait de l'idée du siècle.
- J'en ai déjà discuté avec le chef des produits dérivés et on a pas le temps.
Les histoires d'amour sur grand écran sont notre meilleure arme. Notre dernier succès en date ? La lovestory de Becky et Monsieur Rose. Le scénario était simple, un prince tombe sous le charme d'une fille lambda à laquelle les spectateurs s'identifient et hop le tour est joué. Ces films ont un pouvoir puissant et un parfum de conte de fée flotte dans les airs durant les semaines qui suivent leur sortie. Les passants prêtent davantage d'attention à ceux qu'ils croisent, s'imaginant rencontrer l'amour de leur vie à chaque coin de rue, augmentant sensiblement le nombre de rencontres.
Je sors de mes pensées et relève la tête vers Juliette qui épluchait les dernières statistiques de FeelingsEntreprise. La blonde me tend son document et je constatequz la chute des chiffres du service de l'Amour corrèle avec l'explosion de ceux du Service de la Tristesse.
- Tiens, tiens, tiens...
La jeune femme me fixe intensément, me faisant comprendre que je dois rapidement mettre un terme au suspens.
- Les gens sont davantages susceptibles de tomber en dépression lorsqu'il y a moins d'Amour...
- Scoop, ironise-t-elle.
- Non mais sérieusement imagine c'est un complot ? Je suis sure que Tybalt est derrière tout ça.
- Roméo, je sais que tu t'entends pas bien avec mon cousin mais ce sont de graves accusations tout de même.
J'avais conscience de mes propos néanmoins Tybalt Capulet, chef du Service de la Tristesse, était tout à fait capable de manigancer contre nous. Pour être honnête, Juliette était la seule Capulet à qui j'adressais la parole. L'animosité entre nos grands-pères respectifs suite à une altercation se transmettait de générations en générations. Le cousin de Juliette et moi nous étions querellés plusieurs fois à tel point que je l'avais provoqué en octogone mais le combat n'avait jamais eu lieu.
Je me relève brusquement sous l'oeil perplexe de la directrice des Premiers Amours. Dans la précipitation je me cogne contre l'étagere et fait tomber pour la quatrieme fois de la journée son contenu.
- Ça ne tombera pas plus bas, je conclue en haussant les épaules.
Je lui tends la main et elle l'a saisie avec appréhension.
- Tu m'emmènes où comme ça ? Demande-t-elle tandis que nous pénétrons dans un ascenceur doré.
- Rendre visite à nos collègues.
Les portes de fer s'ouvrent quelques secondes plus tard à l'étage de nos rivaux et je réalise avec stupeur que l'accès à leur bureaux est filtrée. La mission se complique. Usant de mon audace naturelle, je pousse la porte de verre mais un agent de sécurité me repousse.
- Ça va pas être possible monsieur, annonce l'homme, c'est la réunion du service Tristesse là et ils veulent pas être dérangés, ordre du cher.
- Pas de badge, pas d'entrée, complète sa collègue.
- On s'est ridiculisés c'est bon t'es content ? on peut rentrer au bureau maintenant ? soupire Juliette.
- Est-ce que vous avez des toilettes ? Je demande aux employés, ceux de notre étage sont en rénovation.
- Mais-
Je donne un léger coup de coude dans les côtes de Juliette avant qu'elle ne ruine mon plan. L'homme de deux mètres - et un peu moins en hauteur - nous indique une porte au bout du couloir vers laquelle j'entraine ma collègue. Après m'être assuré que personne ne puisse entendre mes propos, j'expose à mon acolyte le stratagème qui s'est échaffaudé dans mon esprit : nous cacher dans les conduits d'aération au dessus de leur salle de réunion pour les espionner en toute discrétion. La petite blonde fait les gros yeux et refuse catégoriquement.
- Ils vont probablement débrieffer leurs stratégies anti-Amour pendant leur réunion, on doit y assister.
- T'es parano.
- Monte sur mes épaules, je l'incite en m'abaissant au sol.
- C'est mort, elle s'énerve, tu m'embarqueras pas là dedans Inspecteur Gadget.
- Tu veux sauver l'Amour oui ou non ?
Elle hésite un instant puis capitule en gromellant des paroles incompréhensibles mais probablement malveillante à mon égard. Elle s'installe et je me relève rapidement. N'ayant pas anticipé la faible hauteur du plafond, la tête de Juliette se heurte contre ce dernier et elle m'insulte sans retenue cette fois-ci. Lorsque son poids commencent à me peser, je la coupe.
- Dépêche-toi je suis pas super-man,
- Gentleman en plus, elle marmonne.
Elle fait glisser ses mains sur le plafond carrelé et retire la trappe bloquant l'accès au circuit au dessus des bureaux de la Tristesse. Elle s'y engouffre et je l'imite en me hissant à la seule force de mes bras. Nous rampons l'un derrière l'autre jusqu'à ce que nous nous retrouvions face à un croisement.
- On va à droite, c'est mon instinct qui me guide, déclare-t-elle.
Je l'a suis sans broncher et bien évidemment nous sommes obligés de faire demi-tour. Le plan ne pouvait pas être parfait, y'a que dans les films que ça fonctionne ça. Par je ne sais quel miracle nous nous retrouvons enfin dans une impasse au bout duquel se trouve une petite grille nous donnant un angle de vue parfait sur la réunion des suposés traitres. Je n'avais jamais vu l'intérieur de leur locaux. A vrai dire, il s'agit d'une parfaite réplique des nôtres, simplement des teintes grisâtres remplacent le somptueux rose des murs du Service de l'Amour.
Nous les écoutons avec attention mais aucune information intéressante pour notre affaire ne ressort. Au bout de quelques minutes, Juliette pique du nez. Elle a probablement perdue le fil de leur propos barbant. Quant à moi, je lève les yeux au ciel à chaque prise de parole de Tybalt. Sa voix bien trop parfaite pour être naturelle m'horripile.
- Vous trouvez pas qu'il y a une odeur bizarre ? Déclare soudainement ce dernier.
La réunion s'interrompt et tous confirment les dires de leur chef. Bande de fayot.
- Ouais ça pue l'Amour, lance l'un des directeurs.
A l'évocation de notre service, ils éclatent tous de rire ce qui m'exaspère au plus haut point. Je n'avais pas pensé une seule seconde qu'en se cachant dans les conduits, le renouvellement de l'air diffuserait mon délicat parfum qui fait chavirer les coeurs.
- Il doit y'avoir un problème avec la clim, conclut une directrice en s'approchant dangeuresement de la grille nous cachant.
Juliette s'affole en silence et mon rythme cardiaque s'emballe. Comment on va justifier auprès de Cupidon notre tentative d'espionnage nulle ?
- Laisse, ordonne Tybalt, on appelera les réparateurs plus tard.
Je soupire de soulagement et me tient tranquille durant les dernières minutes de leur entrevue qui s'avère infructueuse. Lorsque la salle se vide, nous rebroussons chemin jusqu'au toilettes. Une fois au sol, Juliette me jauge de haut en bas.
- Je te l'avais dis qu'ils étaient innocents.
Je n'ai pas le temps de répliquer qu'un des agents de sécurité sort d'une des cabines. Il nous interroge du regard et nous quittons rapidement les lieux en sifflotant avant qu'il ne pose de questions auxquelles je ne saurais répondre.
🦋
Roméo&Juliette a été ajoutée à l'une des listes de lectures de RomanceFR !
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