Chapitre 47 : La vengeance de Passionne

Naples, Italie. 11 juin 2001.

Le soleil déclinait dans le ciel quand Mista jeta un regard à sa montre. 

— Ils sont en retard. 

Gwen, nonchalamment appuyée contre le mur soupira longuement et Giorno ne donna pas non plus de réponse au brun qui reprit : 

— Peut-être qu'ils se sont ravisés ?

— Ils vont venir, je le sais. 

La voix calme et posée de Giorno avait mis immédiatement fin à l'interrogation du manieur des Pistols. 

La brune, elle, les bras croisés sous sa poitrine, râlait intérieurement. Elle n'était pas spécialement tentée de découvrir le visage des survivants de la Squadra, cette équipe qui avait cherché à kidnapper Trish pour faire ployer le Boss.  

L'air se rafraichissait et elle frissonna. Que faisait Jean-Pierre en ce moment ? Il jouait peut-être avec Jolyne ? Secouant la tête, elle serra les lèvres, se rappelant qu'elle lui en voulait toujours terriblement. 

Soudain, au coin de la rue, apparurent trois silhouettes. Aussi atypiques, il ne pouvait s'agir que d'eux. En effet, les trois individus qui se plantèrent devant eux ressemblaient bel et bien à des tueurs. 

Le premier, et le plus grand des trois, darda sur eux un regard rouge à la sclère noire comme l'encre. Ses longs cheveux blancs, découverts, battaient légèrement sur son cou, au rythme de la brise. Sa tenue, intégralement noire, à l'exception des rayures blanches sur son pantalon ne devait pas facilement y laisser voir les taches de sang de ses victimes. 

Derrière lui, Prosciutto et Chiaccio avaient l'air un peu moins intimidants. Le premier, aux cheveux blonds plaqués sur son crâne, arborait un costume bleu sombre et le deuxième les fixait d'un œil noir derrière ses lunettes rouges qui juraient avec ses cheveux bleus coiffés en tourbillons.

— Giorno Giovanna. Le nouveau Boss. 

La voix grave et profonde de Risotto interpella la française qui se redressa, quittant le support du mur. 

— Nous sommes prêts à vous prêter allégeance. Mais nous n'oublions pas les morts que vous avez causées parmi la Squadra

Il paraissait amer, presque triste en disant cela, et pourtant, son regard ne laissait entrevoir qu'une sourde colère difficilement retenue. 

— Pesci, Illusio et Melone sont morts en s'attaquant à nous, c'est vrai, répondit Mista de but en blanc, mais nous devions protéger Trish. 

— Sans savoir à l'avance que vous trahiriez le Boss et que nous aurions le même ennemi commun, ricana Prosciutto. En revanche, vous n'y êtes pour rien dans la mort de Sorbet et Gelato. 

À l'entente de ce nom, Gwen se tendit et les regarda avec un air mauvais, murmurant :

— Il est dommage que je n'ai pas pu achever moi-même ce chien de Gelato.  

Sitôt qu'elle eut dit cela, les trois rescapés de la Squadra se tendirent eux aussi et Giorno leva une main en jetant un regard à la fois réprobateur et compatissant à la femme. 

Prosciutto et Chiaccio semblaient sur le point de se ruer sur eux, de rage mais Risotto, raisonnable, songea qu'il n'aurait aucune chance de victoire contre celui qui avait battu Diavolo et son stand King Crimson. Il fixa furtivement l'un et l'autre de ses compagnons et finit par diriger ses yeux vers Gwen Polnareff. 

— La mission de Gelato a été commanditée par Diavolo. Même si vous lui en vouliez à mort, sachez qu'il a connu un tourment atroce avant d'être froidement tué par celui que vous avez battu. 

— Et puis, ajouta-t-il, on ne peut pas dire que vous ayez chômé en matière d'assassinat. Si vous ne trouvez pas de situation, nous serions ravis que vous nous rejoigniez au sein de la Squadra.  

Gwen bouillait de l'intérieur mais se tut, ne voulant pas entraver les plan de Giorno qui regardait les trois mafieux. Il ne connaissait pas d'assassins plus efficaces que ceux-là. 

— Vous pouvez réintégrer sans peur vos anciens postes, prononça doucement le nouveau Parrain. La maison que vous voyez devant vous est la vôtre, voici les clés. 

Il fit un signe de la tête et Mista leur remit le trousseau de clefs. 

Risotto fixa un instant dans son immense main les clefs métalliques et osa : 

— Du temps de Diavolo, nous lui avions demandé un territoire où agir, afin de varier nos activités et d'avoir plus de revenus..

— Il vous l'avait refusé, je suppose. 

Prosciutto hocha la tête avec gravité. 

— Je vous l'accorderais, assura le nouveau Boss avant d'ajouter :

— Faîtes vos preuves pendant un certain temps et je vous accorderais le quartier. Je vous transmettrais la paperasse pour les détails. 

Les trois assassins hochèrent la tête, satisfaits.  

Tout semblait se dérouler comme prévu, jusqu'à ce qu'un éclat lumineux attira leur attention. Avant que quiconque puisse réagir, une explosion retentit, projetant des éclats de béton et des goudron dans les airs. Les membres de la Squadra et Giorno se mirent en position défensive, prêts à faire face à cette nouvelle menace.

— Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?! s'exclama Mista en dégainant son revolver, ses Sex Pistols déjà en action.

De la fumée se dissipa et quatre silhouettes émergèrent de l'ombre. Ils portaient tous des tenues distinctives et avaient des stands, manifestement.

— Giorno Giovanna ! tonne un des nouveaux arrivants, un homme à la carrure imposante et aux cheveux noirs hérissés. Vous avez peut-être vaincu Diavolo, mais nous ne laisserons pas sa mémoire être souillée par votre ascension !

Leurs regards étaient remplis de haine et de détermination. Il était clair qu'ils étaient là pour venger leur ancien Boss. Leurs stands prenaient forme, menaçants et prêts à attaquer.

— Tu les connais ? demanda Gwen en murmure à Risotto. 

Ce dernier haussa un sourcil, surpris qu'elle lui adresse la parole. Se reprenant, il répondit : 

— Oui. Aleramo Gallia stand Thunderstruck, capable de maîtriser l'électricité. Verecondo Rappa, stand Paint it Back, transforme la matière en substance noire et visqueuse non identifiée. Eginardo Fioretti, son stand Green Haze produit une brume hallucinogène et Elvia Petrocelli. Elle, son stand Santana se déplace et immobilise les gens en touchant leur ombre. 

La femme eut un léger haussement d'épaule, surprise qu'il connaisse ces détails.

Armonia, invoquée, lui révélait seulement qu'ils avaient tous les quatre des âmes viles et pernicieuses. 

Elle plissa des yeux. 

— Ils sont tout sauf d'innocents mafieux.  

— Giorno, laisse nous nous en occuper, clama Risotto.

Le blond, qui avait invoqué Gold Experience Requiem, hocha lentement la tête, reculant : 

— Je vous les laisse alors.  

Le combat s'engagea dans une déflagration de stands et de capacités. Thunderstruck lança des éclairs en direction de Giorno, mais Gold Experience les neutralisa en transformant l'électricité en une pluie de pétales de fleurs.

Les trois assassins se positionnèrent devant les trois autres et invoquèrent leurs stands respectifs. 

La femme, Elvia, sembla tout à coup s'animer et lança :

— Toi, Giustizia de mes couilles. Viens te battre. Que je te fasses regretter la mort de Giancarlo.

La brune s'humecta les lèvres. Qui était-il déjà celui-là ? Ah, cela lui revenait. Une vraie saloperie lui. 

— Avec plaisir, Elvia, lui répondit-elle, dégainant son poignard acéré.  

Gwen hocha la tête et fonça vers son adversaire, invoquant son stand pour contrer les ombres mouvantes de la femme. Les tentacules sombres se heurtaient aux attaques de son stand sonique, provoquant des étincelles à chaque impact.

Risotto, utilisant son Metallica, se concentra sur Paint it Back, transformant les fragments métalliques en lames tranchantes qui fusaient vers l'ennemi, déchirant la substance noire visqueuse.

Prosciutto, lui, faisait face à Green Haze. Il vieillissait à vitesse grand V le manieur qui semblait proprement effrayé de ce constat.

Thunderstruck poussa un cri de rage et le manieur intensifia son attaque, s'écartant de Chiaccio qui avait commencé à lui geler les jambes, lançant des éclairs plus puissants en direction de Giorno. Gold Experience réagit rapidement, transformant les éclairs en racines d'arbres qui s'enroulèrent autour de l'ennemi, l'immobilisant temporairement.

— Tu ne gagneras pas ! grogna Aleramo, essayant de se libérer.

— Vous ne comprenez toujours pas, répondit calmement Giorno. Ce n'est pas une question de gagner ou de perdre. C'est bien plus que ça.

Avec un effort concentré, il utilisa Gold Experience pour le projeter contre un mur, l'assommant. Chiaccio se chargea de geler son corps en statue avant de la détruire d'un coup rapide. Pendant ce temps, Gwen avait réussi à submerger Elvia, lui glissant lentement la lame contre la peau du cou.

— Tu as tué l'amour de ma vie, salope, râla-t-elle, ses bras empoignant ceux de la française. 

Gwen exhala avec rage :

— Votre Boss a tué mon fils et m'a pris tout le reste. Considérons que nous sommes quittes. 

Elle se dégagea de l'étreinte d'Elvia et bondit sur le côté pour éviter la projection de l'ombre. 

Elle esquivait habilement, une fois à droite, une fois roulant sur le côté ou sautant sur un lampadaire où elle prenait appui pour sauter par dessus. 

Mais la mafieuse était douée, sans conteste. Elvia se défendait bien face au coups de la française. 

La fidèle de Diavolo gagnait en confiance. Cette Giustizia n'était finalement pas si forte que cela. 

Au moment où elle pensait avoir enfin pris à son piège la manieuse d'Armonia, cette dernière prit une large impulsion sur ses pieds pour sauter en l'air et atterrir derrière Elvia qui se tourna vers elle, l'air interdit. 

Gwen lança son bras avec célérité vers le cou de la jeune femme et posa la lame métallique froide sur sa peau.

 — Tu vas mourir de la même main qui a décapité Giancarlo. 

Et, dans un élan de haine pure, elle l'égorgea finalement, le corps de la belle femme s'effondrant au sol, ses cheveux blond clair se teintant de rouge. 

Le calme retomba progressivement sur la scène, les ennemis vaincus gisant au sol. Giorno, Mista, Gwen, Risotto, Prosciutto et Chiaccio se regardèrent, le souffle court mais victorieux.

— Ils ne reviendront plus, déclara Mista en reprenant son souffle, je pense.

Risotto hocha la tête, respectueux. 

Ils se serrèrent la main, là, au milieu de la scène de sang et de mort et Gwen posa son regard sur la jeune femme qu'elle venait de tuer sans pitié. Devait-elle s'en vouloir ? Elle avait juste protégé ses amis. La ville aussi, et toutes les prochaines victimes qu'elle aurait fait. Et pourtant, elle se désola. 

Quand le contact d'une main la sortit de sa torpeur, elle réalisa que Mista la regardait soucieusement. Les trois membres de la Squadra s'étaient éclipsés.

— Je ne veux pas tuer parce qu'on me le demande, murmura-t-elle. Je veux juste.. protéger. 

Le brun suivit son regard et ses pupilles noires tombèrent sur le corps inanimé d'Elvia.

— Peut-être que tu l'as libérée de sa souffrance, finalement. 

Gwen serra les lèvres. 

— Ce n'est pas ce que je voulais dire. Avant.. je tuais.. juste. Je ne me posais pas de question, tant que j'arrivais à mon objectif. Et maintenant.. ça me semble juste terriblement cruel. 

Devant eux, devant le soleil qui les éblouissait, Giorno jeta un œil derrière son épaule pour les regarder.  

— C'était mon but, Gwen, en t'emmenant avec moi. 

La brune fronça les sourcils, confuse. 

— Ton but ?

Le blond eut un sourire énigmatique. 

— c'est une période de ta vie qui s'achève. Tu dois tourner la page. 

Il leur tourna le dos et commença à s'éloigner. 

— Il est temps d'enterrer Giustizia dell'ombra à présent.

Les dernières paroles prononcées par Giorno résonnèrent à l'intérieur de la française qui resta figée. 

Giorno avait raison. Elle ne voulait plus tuer, en tout cas plus dans ces conditions..

Emboîtant le pas aux deux mafieux, elle resta songeuse jusqu'à retrouver le calme au sein de la demeure principale de Passionne.

 Gwen errait dans les couloirs silencieux de la demeure de Passionne, ses pensées tourbillonnant autour de la récente bataille et des paroles de Giorno. La fatigue alourdissait ses pas, mais ce n'était pas seulement le poids de la fatigue physique. C'était la lourdeur de la réflexion, du questionnement intérieur. Elle sentait une transformation s'opérer en elle, un changement qui la rendait plus vulnérable, mais aussi plus humaine.

Plus humaine en tout cas, qu'elle ne l'avait été ces dernières années. 

Le coeur lourd, elle soupira longuement. Que c'était dur à porter, l'humanité.

Soudain, elle aperçut une silhouette familière à l'autre bout du couloir. Jean-Pierre Polnareff, son époux, se tenait là, la regardant avec une expression indéchiffrable. Ils se fixèrent un instant, le silence entre eux parlant plus que des mots. Gwen sentit son cœur se serrer. Elle savait maintenant ce qui le dérangeait tant chez elle. Ce n'était pas seulement sa soif de vengeance ou son habileté à tuer. C'était ce conflit interne, cette lutte entre son désir de protéger et la violence nécessaire pour y parvenir.

Elle le vit la parcourir du regard et s'arrêter sur sa manche gauche. Un regard rapide à cet endroit lui révéla la présence de sang. Celui d'Elvia, probablement. 

Elle baissa les yeux, incapable de soutenir son regard plus longtemps, continuant à avancer vers sa chambre où elle se ruerait vers la douche. Un mélange de honte et de tristesse l'envahit tandis que ses pas résonnaient dans sa tête avec une lourdeur inhabituelle. 

Elle passa devant lui sans un mot, ses lèvres serrées, son cœur lourd. Elle aurait voulu lui dire tant de choses, mais les mots restaient bloqués dans sa gorge. Elle espérait qu'il comprendrait sans qu'elle ait besoin de parler, mais en même temps, elle doutait qu'il puisse saisir toute la complexité de ses sentiments.

— Gwen.. appela-t-il doucement. 

Mais elle se mordit la lèvre inférieure, réprimant les larmes de honte et de culpabilité qui menaçaient d'assaillir ses yeux verts et pressa le pas.  

Jean-Pierre la regarda s'éloigner, ses yeux pleins de douleur et d'inquiétude. Il savait qu'elle traversait une période difficile, mais il se sentait impuissant à l'aider. Le silence pesait lourd entre eux, un fossé qu'il ne savait comment combler.

***

La nuit était définitivement tombée, songea Trish, contemplant sous le balcon à ses pied les lumière de la ville qui illuminaient les ténèbres. Au loin, si l'on tendait l'oreille, l'on entendait l'incessant roulement de la mer. Inspirant profondément, elle huma l'air chargé d'iode et frissonna. 

Il commençait à faire frais. 

Avec la délicatesse d'une caresse, elle sentit un textile se poser sur ses épaules. Elle sourit immédiatement, reconnaissant immédiatement sur la veste l'odeur de Bruno et se retourna pour lui faire face. 

— Tu es bien songeuse, lui dit tout bas le Consigliere. 

La jeune femme regarda celui qu'elle aimait triturer du bout des doigts la natte tressée de ses cheveux roses et releva les yeux vers lui. 

— Un peu, oui. Quoi de plus normal ?

Le sourire franc que lui renvoya Bruno fit battre son palpitant plus vite et il ne répondit rien, se contentant d'entourer la taille de la jeune femme de ses bras pour la ramener contre lui. 

Elle soupira d'aise, lui arrachant un rictus amusé.

Il embrassa tendrement son front puis agrippa son menton pour s'emparer de ses lèvres.

Abandonnée dans ses bras, elle lui rendit son baiser, entourant son cou de ses bras fin, inspirant profondément l'odeur suave du jeune homme. 

Quand elle posa, quelques secondes plus tard, sa joue sur le torse de Bruno, elle sourit. Le coeur de Bucciarati battait un peu plus vite que d'habitude et sa chaleur l'enveloppait, lui procurant une agréable sensation de sécurité. 

— Je t'aime.. chuchota-t-elle contre sa peau. 

Bruno glissa sa main sur la tête de la jeune femme, caressant lentement ses mèches souples, murmurant : 

— Je t'aime aussi.

Il restèrent longtemps enlacés ainsi, fixant les lumières de la ville avant que la jeune femme n'entrecroise ses doigts avec ceux de Bruno, en soufflant tout bas : 

— On rentre ?

L'éclatant sourire sur le visage du mafieux fut tout ce qu'elle reçut en réponse avant qu'il ne ricane en la soulevant de terre, et qu'elle enfouisse son visage rougissant dans son cou. 

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