Chapitre 44 : Désaccords des cœurs blessés

On approche de la fin de cette histoire (quelques chapitres encore) ! En y repensant.. J'étais censée faire un OS en 4-5 chapitres.. Et j'approche de la cinquantaine 😅. Mais si vous êtes arrivés jusque là, c'est qu'a priori, l'histoire vous a plu, et c'est un plaisir pour moi que vous lisiez ce 44ème chapitre. Merci pour les votes/lectures/ commentaires !

***

— Vous pouvez essayer de vous lever à présent. 

Le silence presque religieux qui suivit cette déclaration paraissait hurler aux oreilles de Polnareff. 

Il darda son regard bleu sur le jeune homme en face de lui. Giorno Giovanna, quinze ans, chef de la mafia depuis la veille. Il avait revêtu depuis une tenue similaire à l'ancienne, noire, qui lui donnait un air à la fois plus sévère et plus âgé.

C'était à peine croyable ce qu'avait été capable d'accomplir ce jeune adolescent si maure pour son âge. Jean-Pierre Polnareff soupira intérieurement, regardant ses jambes. Ses nouvelles jambes, cadeau de la part du nouveau Parrain, pour l'aide qu'il leur avait apporté.

Avec émotion, le français savourait également la restitution de sa vue complète. Et s'il se regardait dans le miroir, il ne voyait plus, comme seul souvenir de sa lutte contre Diavolo, que la cicatrice qui lui barrait le visage. 

C'était bête, sûrement, mais il avait peur de se lever. Peur de se rendre compte qu'après quatre ans cloué à un fauteuil roulant, il ne savait plus utiliser ses jambes. 

Et s'il ne prononça pas un mot, Giorno comprit et sourit. 

— Il faut essayer. Je peux vous soutenir si besoin, pour les premiers pas. 

Jean-Pierre répondit doucement, se résignant à accepter cette aide bienvenue. 

— Je veux bien, merci. 

Alors, le chef de la mafia glissa un bras en travers du dos du français pour l'aider à se lever. 

Quand Jean-Pierre se rendit compte que non seulement il était debout, mais qu'en plus, il n'avait pas mal, un profond émoi le saisit. La gorge serrée, il fit quelques pas, les premiers depuis de longs mois. 

Lorsque Giorno laissa Jean-Pierre se déplacer seul, au bout de quelques secondes, ce dernier n'y tint plus et fondit en larmes. 

— Merci.. merci.

Le blond eut un fin sourire. 

— C'est nous qui vous remercions, Jean-Pierre. Sans vous, sans la flèche que vous avez protégée tout ce temps, nous n'aurions jamais pu l'emporter sur lui. 

Alors sans un mot supplémentaire, et désireux de laisser Polnareff seul face à sa joie de retrouver sa liberté de mouvement, il se dirigea vers la porte. 

Même en ayant choisi Bruno comme Consigliere, Giorno croulait sous le travail. Déjà, il fallait asseoir son autorité auprès des Caporegime qui étaient en droit de douter des capacités d'un jeune de quinze ans pour diriger la famille. Ensuite, il fallait assurer à la Squadra di Esecuzione qu'ils n'avaient rien à craindre de Giorno et que leur travail leur serait rendu, sous réserve qu'ils prêtent allégeance à leur nouveau Boss. 

Il allait être très occupé dans les prochains jours par la réception de tous les gang composant la famille. Et il lui fallait faire un peu de tri. Certains ne méritaient ni de rester dans la famille, ni de survivre. 

À l'instant où il allait ouvrir la porte, il s'arrêta en entendant la question de Polnareff. 

— Comment va Gwen ?

Le blond se tourna vers le français avec un air adouci. 

— Elle n'a pas encore repris connaissance. J'enverrai quelqu'un vous prévenir quand cela sera le cas. Pour le moment, reposez-vous, sortez si vous voulez prendre l'air, vous êtes ici chez vous.

L'état de la française était plus préoccupant que celui de son mari, songea Giorno en quittant la pièce et en longeant le long corridor, le son de ses pas étouffé par l'épais tapis aux arabesques délicates. 

Le combat contre Diavolo avait pris fin quatre jours plus tôt et depuis, la femme ne se réveillait pas. Elle avait été soignée, par Giorno, bien évidemment et son corps ne présentait plus le moindre traumatisme, excepté l'effrayante cicatrice qui parcourait son corps, du cou jusqu'au bas ventre. Il ne pouvait rien faire contre ces marques-là. Mais peut-être que son esprit était plus atteint par les épreuves plus qu'il n'y paraissait. 

Ou alors, la possession par l'esprit de la flèche avait eu un impact sur son subconscient. Dans tous les cas, elle dormait toujours profondément, même si Trish et Mista, qui s'entendait comme larrons en foire, maintenant, s'accordaient à dire qu'elle ne tarderait plus à émerger. 

En entrant dans l'immense bureau qui était le sien, il aperçu Narancia, tout sourire qui lui dit : 

— Il y a quelqu'un pour toi, Gio'. Puis-je le faire entrer ?

Le blond hocha la tête, s'asseyant au milieu de la pièce sur son fauteuil et regardant la porte s'ouvrir sur celui qu'il attendait. 

Fugo Panacotta. Celui qui les avait quitté, à Venise, devant l'église San Giorgio Maggiore, de peur de trahir le Parrain de la mafia. 

Le blond arborait un air plutôt penaud alors que Giorno lui lançait un regard neutre. 

— Fugo. 

— Giorno. 

Le silence s'étira avant que Fugo ne s'avance vers lui, main sur le coeur pour dire : 

— Je voudrais présenter mes respects au nouveau chef de la famille, en implorant la miséricorde pour le manque flagrant de soutien dont j'ai fait preuve. 

Giorno regarda son ancien coéquipier sans rien dire et ce dernier ajouta : 

— Je n'ai pas cru à la réussite de votre mission mais je suis vraiment heureux que vous en soyez tous sortis vivants et vainqueurs. 

Il se tut un instant et conclut :

— Je vous ai trahi, vous tous. Aussi, je ne vais pas me cacher ou fuir. Faîtes de moi ce qu'il vous plaira, je m'y plierais. 

Le blond appuya son menton sur son poing fermé en souriant. 

— Je ne vais pas t'en vouloir d'avoir douté, Fugo. N'importe qui en aurait fait autant. Tu es pardonné. 

 Fugo esquissa un sourire ravi. 

— Merci infiniment, boss.

Giorno ajouta, tendant sa main vers lui : 

— Tu reprendras les missions avec un autre gang et tu devras faire tes preuves avant d'espérer rejoindre le rang des Lieutenants et intégrer l'Unità Speciale mais je ne doute pas que tu y arriveras sans mal. Nous nous reverrons vite, Fugo. 

Le jeune homme se contenta d'acquiescer en embrassant la main du chef de Passionne, espérant en son for intérieur qu'il pourrait rejoindre ses anciens camarades sous peu de temps au sein de l'unité spéciale.

Il quitta la pièce, apaisé d'avoir la vie sauve et l'opportunité d'une deuxième chance.

***

Gwen émergea lentement du sommeil profond, ses paupières lourdes luttant contre la lumière douce qui inondait la chambre. L'endroit était spacieux, richement meublé avec des tapis épais et des meubles en bois sculpté. Malgré le confort visible, un sentiment de malaise la submergea. Les souvenirs du combat contre Diavolo étaient flous, fragmentés, et une impression obsédante persistait : tous étaient morts.

Sa respiration s'accéléra alors que la panique menaçait de la submerger. Elle se redressa précipitamment, sentant ses pieds nus toucher le sol froid. Ignorant la douleur sourde qui traversait encore son corps, elle se dirigea vers l'armoire massive près du lit et s'habilla rapidement avec les vêtements qu'elle y trouva. Des pensées rationnelles commencèrent à se frayer un chemin dans son esprit agité : s'ils étaient morts, elle ne se réveillerait pas dans une chambre aussi somptueuse, avec ses blessures guéries. Elle jeta un regard au miroir présent dans la pièce. 

Elle avait maigri, depuis tout ce temps à traquer les mafieux. La cicatrice de l'attaque qui avait coûté la vie à Raphaël était invisible, bien cachée sous le col roulé qu'elle avait enfilé. 

Rassurée par cette réflexion, elle ouvrit la porte de la chambre et sortit dans un couloir tout aussi richement décoré. Ses pas résonnaient doucement sur le sol en marbre alors qu'elle avançait, cherchant désespérément un signe de vie.

— Gwen ! s'exclama soudain une voix familière.

Elle se retourna pour voir Mista et Trish se précipiter vers elle. Trish, le visage marqué par l'inquiétude, la serra dans ses bras.

— Tu es enfin réveillée ! Comment te sens-tu ?

Gwen sentit un soulagement immense en voyant leurs visages amicaux.

— Je... Je vais bien, je crois, répondit-elle, encore un peu désorientée. Où sont les autres ?

Avant que Trish puisse répondre, Narancia surgit de nulle part et l'enlaça avec enthousiasme.

— Gwen ! Tu es enfin réveillée ! C'est un miracle !

Gwen sentit une vague de chaleur et de réconfort en voyant le bonheur sur les visages de ses amis. Elle prit une profonde inspiration, se laissant apaiser par leur présence.

— Merci, Narancia. Merci à vous tous. J'avais peur que... que vous soyez tous...

— Non, nous sommes là, tous en vie, l'interrompit Mista avec un sourire rassurant. Et c'est en grande partie grâce à toi.

Gwen sourit faiblement, encore submergée par l'émotion. Elle regarda autour d'elle, le luxe de l'endroit lui rappelant la réalité de leur nouvelle situation.

— Et Giorno... où est-il ?

Trish pointa le bout du couloir.

— Il est dans son bureau, probablement occupé. Mais je suis sûre qu'il sera ravi de te voir réveillée si tu veux y aller.

Ensemble, ils se dirigèrent vers le bureau de Giorno, et la laissèrent devant alors qu'elle frappait doucement au battant de la porte. 

— Entrez ! répondit la voix de Giorno. 

***

Jean-Pierre avançait lentement dans les couloirs luxueux du quartier général de Passionne, appréciant la sensation de ses nouvelles jambes sous lui. Chaque pas lui rappelait le cadeau incroyable que Giorno lui avait fait. Pourtant, une inquiétude persistante rongeait son esprit. Il n'avait pas pu voir Gwen depuis la fin du combat, et cela le troublait plus qu'il ne voulait l'admettre.

Au détour d'un couloir, il s'arrêta en entendant des voix. Deux hommes de Passionne discutaient à voix basse, ignorant sa présence.

— Tu as entendu ? Giustizia dell'Ombra a été identifiée. C'est Gwen Polnareff.

— D'où tu sais ça toi encore ?!

— C'est vrai, je te jure, j'ai entendu les lieutenants Guido et Una en parler entre eux.

— Non.. C'est vrai alors ? J'aurais jamais pensé que c'était elle.. 

Jean-Pierre se figea, son cœur battant plus fort. Giustizia dell'Ombra, le nom de l'assassin notoire qui avait éliminé tant de membres de Passionne au fil des années, était en fait Gwen. Un frisson glacé lui parcourut l'échine. Sa douce épouse, l'amour de sa vie, était devenue une tueuse redoutable.

Il s'éloigna discrètement, le souffle court. Les souvenirs des moments passés avec Gwen se mélangeaient à cette nouvelle terrifiante. Était-ce pour cela qu'elle lui avait semblé tant changée au Colisée ? Qu'il n'avait pas reconnu son regard ?! Une partie de lui voulait comprendre, tandis qu'une autre ne pouvait supporter la vérité.

Poursuivant sa route, Jean-Pierre rencontra Bruno qui arborait un sourire radieux.

— Jean-Pierre, bonne nouvelle, Gwen s'est réveillée !

Jean-Pierre, troublé, força un sourire et remercia Bruno avant de continuer sa recherche. Il devait parler à Gwen, comprendre ce qui s'était passé durant toutes ces années. Pourquoi devenir un assassin ? C'était insensé. La Gwen qu'il connaissait n'aurait jamais rien fait de tel. Était-ce vraiment possible que Mista et Trish se trompent ? Ses pensées tournaient en boucle, cherchant désespérément une explication qui ferait sens, une raison qui lui permettrait de reconnaître sa femme au-delà des actions qu'on lui attribuait.

Finalement, après une heure entière d'errance dans l'immense labyrinthe du palace, il la trouva dans la grande bibliothèque, feuilletant distraitement un livre, appuyée sur le rebord de fenêtre. Il s'arrêta dans son mouvement, confus. N'avait-elle même pas eu envie de le voir, à son réveil ? Elle n'avait pas cherché à le trouver quand lui venait de passer de longues minutes à dénicher son repère.

Alors qu'il songeait cela avec amertume, elle releva la tête en le voyant entrer, et un éclat de joie illumina ses yeux. Il avait les cheveux lâchés et elle se rendit compte à quel point ils avaient poussés en quatre ans.

— Jean-Pierre ! s'exclama-t-elle, se redressant précipitamment. Tu marches... et tes yeux... c'est incroyable ! 

Elle s'approcha de lui, un sourire au lèvres, songeant à quel point elle était heureuse de le voir debout et en forme relative, si l'on oubliait son air pâle.

Mais Jean-Pierre restait distant, son visage fermé. Gwen, déconcertée par son absence de réaction, sentit une incompréhension sourde monter en elle. Elle avait espéré un moment de retrouvailles heureux, mais son regard trahissait autre chose.

Elle fronça les sourcils en regardant Jean-Pierre, posant doucement une main sur son torse. 

Violemment, plus en tout cas qu'il ne l'avait voulu, il repoussa le bras de la brune et lui lança soudain brusquement, sa voix vibrante d'émotion :

— Pourquoi ne m'as-tu pas dit que tu étais Giustizia dell'Ombra ?

Gwen, choquée par la question, serra les poings. et resta un instant silencieuse, jaugeant du regard son époux.

— Parce que ce n'était pas important ! J'ai fait ce que je devais faire pour survivre, pour avancer. 

Jean-Pierre se rapprocha, le visage empreint de douleur et de colère. Il surplombait Gwen de sa hauteur et elle vint presque à regretter qu'il soit debout devant elle. Quatre ans sans vivre avec qui que se soit, ça rendait son mari terriblement intimidant. Il la repoussa violemment contre le rebord de la fenêtre, lui lançant un regard noir.

— Tu es devenue une tueuse, Gwen. Une meurtrière. Combien de vies innocentes as-tu prises ?

Gwen sentit une rage froide l'envahir. Elle avait espéré un soutien, une compréhension de la part de Jean-Pierre, mais tout ce qu'elle trouvait dans son discours étaient des reproches. Furieuse, elle se refusa à répondre à sa question, croisa les bras sur sa poitrine et répliqua, en reculant contre le rebord.

— Et toi, Jean-Pierre ? Où étais-tu ? lança-t-elle avec amertume. Parti à la recherche de cette foutue flèche, me laissant seule avec Raphaël ! Tu crois que c'était facile pour moi ?

Jean-Pierre secoua la tête, ses yeux brillant de larmes retenues.

— Je voulais te protéger, Gwen. Je pensais que retrouver la flèche nous apporterait la paix.

Gwen rit amèrement, une lueur dure dans les yeux.

— La paix ?! Tout ce que ça a apporté, c'est plus de sang et de douleur, Jean-Pierre. Et je ne regrette rien. Absolument rien. Ces vies n'étaient pas le moins du monde innocentes.

Le silence tomba lourdement entre eux, rempli de non-dits et de blessures anciennes. Jean-Pierre, incapable de répondre, l'air furieux, tourna les talons et quitta la pièce, laissant Gwen seule avec sa colère et sa tristesse.

Sitôt que la porte claqua avec violence, Gwen s'effondra sur le premier fauteuil et ne retint plus ses larmes. Elle avait imaginé autre chose comme retrouvailles, c'était certain. Elle était tellement en colère qu'il ne comprenne pas. Qu'il ne sache pas à quel point elle souffrait d'avoir survécu cette nuit là, d'avoir été impuissante face à la mort de son fils ! Et il lui en voulait. 

Mais il ne pouvait pas être plus en colère qu'elle ne l'était. Contre elle, contre Diavolo, contre le monde entier. La rage sourde qui la consumait depuis des années finit par la faire exploser et elle se rua sur la première étagère pour en renverser tout le contenu au sol, les livres s'écrasant en un fracas démesuré alors qu'elle se laissait glisser au sol, vaincue par la tristesse et la honte alors que ses yeux verts succombaient sous un torrent inarrêtable de larmes. 

***

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top