Chapitre 3 : Le droit au bonheur

Poitiers, France. 14 novembre 1990.

Jean-Pierre tenait toujours le poignet de Gwen et se surprit à penser à quel point sa peau était douce. Il souriait, regardant cette jeune femme au visage écarlate qui semblait partagée entre plaisir et honte.

— Passer un moment avec une aussi jolie femme serait un honneur.

Elle se sentait flattée, certes, mais surtout heureuse qu'il ait accepté son invitation. 

Ils restèrent comme ça un moment durant lequel Gwen perdit son regard dans les yeux bleus de Polnareff. Quand il lâcha son poignet, elle se sentit comme refroidie. Mais, souriant toujours, elle dit timidement :

— Je connais un bon café dans le coin. 

Le jeune homme acquiesça, récupérant son livre. 

Au fil du Clain ? interrogea t-il. 

Elle hocha doucement la tête :

— On dirait que vous connaissez. 

— C'est mon café préféré. 

Gwen rougit un peu. 

— C'est le mien aussi.  

Polnareff, son livre à la main, déclara :

— Allons-y. 

Il était environ 17h, le soleil n'était pas très haut dans le ciel et ne réchauffait pas beaucoup mais Polnareff avait suffisamment chaud pour regretter avoir pris sa veste en laine. 

Il la fourra négligemment dans son sac en tissu qu'il portait sur une épaule et sifflota pour prévenir Falco de leur départ imminent. 

Jean-Pierre rejoignit alors les côtés de Gwen qui avait commencé à avancer dans la direction qu'il connaissait bien. 

Le son de ses pas léger sur le sol émut Polnareff. Voilà que pour la première fois depuis longtemps, il était accompagnée d'une présence humaine. 

Alors qu'ils marchaient, le manieur de Silver Chariot sourit et baissa le regard sur le visage de Gwen.

Elle était pâle, mais pas excessivement. Ses lèvres roses étaient fines et ses longs cils encadraient des yeux brillants. Silencieusement, il descendit ses yeux jusqu'à ses mains. De belles mains fines, aux doigts agiles et long. Des mains de pianistes en somme, se dit-il pour lui même.

Il regarda son chien courir tranquillement devant eux et remarqua que les yeux de Gwen restaient rivés sur Falco. 

— Vous aimez bien les chiens ? 

Gwen se tourna vers lui, souriant largement. 

— Oh oui ! J'ai toujours rêvé d'en avoir un comme le vôtre.

Polnareff fut amusé par cet élan d'enthousiasme. Il retrouva, en un instant, son caractère particulièrement enclin à flirter. 

— Excusez-moi, Gwen, mais je ne peux m'empêcher d'admirer votre élégance et votre grâce. Votre présence dans ce parc illumine littéralement l'atmosphère.

Gwen, légèrement surprise par ce compliment, sourit timidement en rougissant. Polnareff se fit la réflexion qu'il aimait déjà la voir rougir sous ses compliments. Mais ce à quoi il ne s'attendait pas, c'était qu'elle réponde sur la même longueur d'onde.

— Oh, merci Jean-Pierre, c'est très gentil de votre part. Vous n'êtes pas mal non plus. Vous êtes charmant, et votre style est unique.

Ce fut au tour de Jean-Pierre de sentir son coeur se réchauffer. 

Ils arrivaient au café aussi Gwen regarda un instant la rivière en souriant. 

Un peu maladroitement, il proposa :

— Est-ce qu'une place en terrasse vous convient ? 

La jeune femme acquiesça. 

— Seulement si cela vous va aussi. 

Polnareff sourit largement, tirant la chaise pour qu'elle s'y assoit. Un peu gênée, Gwen s'assit en remerciant doucement le jeune homme. Ledit individu qui profita de cet instant pour humer son parfum. Elle sentait délicieusement bon. Une odeur fraîche et légère, qui le faisait penser aux fleurs des champs. Du coquelicot peut-être ?

Il s'assit en face d'elle et Falco s'allongea tout naturellement aux pieds de la française. 

— On dirait qu'il vous a déjà adoptée. 

Gwen planta ses yeux verts dans les pupilles azur de Polnareff et, avec un sourire mutin, déclara :

— Méfiez-vous que je ne reparte pas avec lui. 

Jean-Pierre prit un air faussement outré avant de se pencher légèrement en avant et de dire :

— Si cela était le cas, soyez assurée que je ne vous laisserais pas vous échapper. 

 Gwen sentit un délicieux frisson la parcourir en réaction à l'odeur dégagée par le jeune homme en face d'elle. Il sentait la lavande ? La lessive ? Gwen eut un petit rire qu'elle ne put complètement camoufler. 

— Mais pourriez-vous me retenir ? 

— Humm... j'avoue avoir assez confiance en mes capacités pour me sentir capable de retenir une si jolie créature. 

Jean-Pierre sourit triomphalement en voyant la jeune femme rougir sous son compliment. 

Le serveur arriva à ce moment, interrompant leur dialogue. 

— Que désirez-vous consommer ?

Polnareff détacha son regard un instant de Gwen pour sourire au serveur et lui dire :

— Je prendrais un capuccino. Et vous ? demanda t-il en regardant la jeune femme qui avait repris des couleurs normales. 

— Euh... Un macchiato s'il vous plaît. 

Le serveur marqua leurs commandes et s'en alla. 

— Alors, Gwen, que faîtes-vous dans la vie ?

La jeune femme croisa les bras sur la table et sourit. 

— Je suis chercheuse en archéologie. Je suis rattachée à l'université de Poitiers pour mes recherches. 

Polnareff sourit, intéressé.  

— C'est intéressant comme métier ! Vous voyagez beaucoup ? 

Gwen sourit doucement. 

— Assez oui, mais jamais pour de très longues périodes. 

— Vous avez une spécificité particulière ?

Gwen secoua doucement la tête. 

— Non pas vraiment mais mes recherches principales tournent autour des objets célestes trouvés sur notre Terre et un peu des civilisations d'Amérique Latine.

Jean-Pierre acquiesça avant de l'entendre demander :

 — Et vous ?

Le jeune homme sourit.

— Je suis traducteur. Je travaille dans une maison d'édition et je traduis des livres de l'anglais vers le français.

— Quels genres de livres traduisez-vous ? 

Il regarda pensivement la jeune femme en face de lui. 

— Toutes sortes. Mémoires, romans, thrillers, nouvelles...

— Cela fait longtemps que vous travaillez là-bas ? 

Polnareff nia. 

— Non, j'y travaille depuis février de l'année dernière. 

Le serveur vint leur déposer leur tasse et ils le remercièrent avant qu'elle ne demande gentiment :

— Si ce n'est pas trop indiscret, quel âge avez-vous ? 

— 25 ans. Et vous ?

— J'en ai 23. 

Polnareff sourit derrière sa tasse avant de dire :

— Alors, comme nous sommes relativement proches en âge, peut-être ferions-nous mieux de nous tutoyer ? 

Gwen hocha la tête doucement, en reprenant une gorgée de son macchiato. Quand elle reposa sa tasse, Polnareff retint un léger rire en voyant sur les lèvres de la jeune femme, un peu de mousse de lait.

— Gwen, tu as un peu de mousse sur les lèvres. Permet-moi de t'aider.

Polnareff, prenant un mouchoir en papier, s'approcha doucement de Gwen et essuya délicatement la mousse de ses lèvres, en évitant de rompre l'intimité du moment. Les yeux de la jeune femme étaient encore plus profonds et magnifique vus de près et Gwen se perdit un instant dans l'océan de bleu des pupilles en face des siennes. Elle sentait presque son souffle sur sa joue et quand il recula, après quelques secondes, elle vira au rouge pivoine. Elle appréciait le geste mais ce qu'elle pouvait être embarrassée ! 

— Merci. 

Elle cacha par réflexe ses lèvres derrière sa main, tentant de reprendre contenance.

Charmeur, et amusé, Polnareff la regarda faire avant de dire :

— Ne t'en fait pas, Gwen. C'est tout à fait charmant, et cela ne fait que renforcer ta beauté naturelle.

Gwen, touchée par cette remarque, sourit en retour, malgré sa gêne grandissante.

— Euh... finit-elle par balbutier timidement, je ne sais pas quoi dire ?

Polnareff, souriant avec une lueur d'amusement dans les yeux, répondit avec légèreté.

— Tu n'as pas besoin de dire quelque chose.  

La conversation finit par reprendre et Polnareff apprit qu'elle habitait non loin, qu'elle n'avait plus de famille et que peu d'amis. Elle était assez solitaire et avait avoué au jeune homme qu'elle avait été intriguée par sa solitude apparente. Ils s'éternisèrent, après leur tasse de café et quand le soleil commença à se coucher, Polnareff sourit en proposant :

— Que diriez-vous d'une petite marche sur le bord du Clain ? Nous pourrions ensuite allez dîner quelque part ?  

 Gwen acquiesça vivement, heureuse qu'il propose de poursuivre leur moments passés ensemble.

Ils marchèrent longuement, jusqu'à un petit restaurant sans prétention où ils dinèrent, Falco toujours à leurs pieds. 

Quand, vers minuit, Polnareff se leva de sa chaise, suivi de Gwen, et qu'ils sortirent du restaurant, le froid saisit la jeune femme qui ne fit malgré tout aucune réflexion. Mais elle n'eut pas le temps de protester qu'une chaude veste noire, en laine vint se déposer sur ses épaules. 

Falco marchait tranquillement à côté d'eux et elle rougit, s'apprêtant à l'enlever de ses épaules. 

— C'est gentil, mais...

Polnareff lui coupa la parole en appuyant ses deux mains sur ses épaules. 

— Laisse. Cela me fait plaisir, et en plus, j'ai bien trop chaud comme ça.

Elle acquiesça alors lentement, le remerciant.

— Merci. 

Ils marchèrent encore un long moment, discutant, parfois se taisant et quand Polnareff se retrouva devant la porte de l'appartement de la jeune femme, il sourit en lui disant :

— J'ai passé une merveilleuse après-midi en ta compagnie, Gwen. 

— Moi aussi.

Il sourit, un peu gêné à son tour :

— Je vais te laisser alors. Passe une bonne nuit. 

Il recula un peu avant qu'elle ne lui attrape le poignet. 

— Attend, je te rends ta veste. 

Polnareff la regarda avec douceur. 

— Garde là, je viendrais la récupérer un autre jour, si tu veux bien. 

Elle bégaya un peu :

— Je serais ravie de te revoir. 

— Tant mieux. 

Puis, il fut surpris de la sentir se rapprocher de lui pour furtivement lui embrasser la joue. La pression légère de ses lèvres sur son visage lui parut divine et il resta une microseconde béat.

 — Bonne nuit, Jean-Pierre. 

Le jeune homme sourit, prenant doucement la main de Gwen pour la caresser imperceptiblement et déposer dessus un baiser léger. 

— Bonne nuit, Gwen. À bientôt.

Et il s'en alla, satisfait de la tournure de la situation. 

Poitiers, France. 13 décembre 1991.

Gwen et Jean-Pierre s'était retrouvés plusieurs fois déjà dans un café ou dans un restaurant, et se voyaient tous les jours au parc. Leurs conversations étaient de plus en plus riches, fournies, profondes. Ce jour-là, Gwen lui avoua une vérité qu'elle trouvait terrible, elle possédait un stand. 

Jean-Pierre avait explosé de rire, à son grand désarroi. Est-ce qu'il ne la croyait pas ? Ou il la pensait folle ? Cela lui avait fait de la peine avant que Polnareff ne la regarde dans les yeux en appelant Silver Chariot. 

— Moi aussi, Gwen. 

Elle en était restée abasourdi et Jean-Pierre avait passé un bras autour de ses épaules pour lui murmurer :

— Maintenant, je suis persuadé que c'est le destin qui m'a mis sur ta route.

— Je suis tellement soulagée que tu aies un stand aussi, ça m'enlève un sacré poids ! 

Polnareff avait caressé furtivement la joue de la jeune femme en remettant une mèche de ses cheveux derrière ses oreilles. 

— Et à quoi ressemble ton stand si ce n'est pas trop indiscret ?

Gwen avait sourit avant de murmurer tous bas :

Armonia

Une silhouette bleutée apparut, entourée d'une aura d'argent. Elle avait l'air humaine, vraiment, mis à part sa texture vaporeuse. Des lunettes aux verres gris cachaient ses yeux et sa tenue était similaire à celle des déesses grecques de l'Antiquité.

— Mon stand, Armonia, utilise la musique pour créer des portails qui me permettent d'aller où je veux, dans un rayon d'un kilomètre. Je peux aussi générer des boucliers et effectuer des attaques soniques. 

Polnareff avait tendu la main pour essayer de toucher le stand avec le bras matérialisé de Silver Chariot. 

— Mais... Ton stand n'est pas palpable ?

La jeune femme avait sourit, en acquiesçant. 

— Personne ne peut toucher le son. Ce serait comme essayer de se battre contre de l'air.  

Le jeune homme avait hoché doucement la tête. 

— Ton pouvoir est... impressionnant.  

Gwen avait rougit, encore et ils avaient passé toute la soirée ensemble. Au moment de la raccompagner chez elle, Polnareff et Gwen se tinrent devant la porte de l'appartement, leur soirée s'étant déroulée merveilleusement bien. Une légère tension flottait dans l'air, alors que la nuit tombait doucement.

— Jean-Pierre, je me suis vraiment beaucoup amusée ce soir. Tu es vraiment quelqu'un de spécial et je ne veux pas que la soirée se termine si vite... Est-ce que... est-ce que tu veux rester dormir ?

Le coeur du jeune homme s'emballa, il n'était pas certain que ce soit une bonne idée. Bien sûr, cela lui faisait plaisir qu'elle l'invite mais en ce moment, une certaine idée lui traversa l'esprit qu'il s'empressa de tenter de chasser.

— Gwen, je... je serais ravi de rester avec toi. Mais, je tiens à respecter ton espace et ton confort et je ne veux pas précipiter les choses.

Il n'était pas aveugle, et elle non plus, ils se rendaient bien compte qu'il y avait quelque chose entre eux maintenant. Il se sentait attiré par elle, indéniablement.

Gwen, doucement, posa sa main sur le bras de Polnareff et le regarda avec sincérité.

— Jean-Pierre, je comprends totalement tes préoccupations, mais j'ai l'impression de te connaître depuis toujours. Tu es une personne si spéciale pour moi, et je me sens en confiance avec toi.

Polnareff frissonna quand la main douce de la jeune femme se posa sur son torse. Elle le sentit et ne s'étonna pas tellement quand le bras du jeune homme se glissa dans son dos pour la ramener contre lui et murmurer à son oreille :

— Puis-je ?

Gwen rougissante, acquiesça. 

— Oui, Jean-Pierre. 

Il sourit en coin, heureux et se pencha vers elle pour coller ses lèvres sur sa joue.

Elle frémit et Polnareff le sentit à son tour en caressant le dos de celle qu'il aimait.

— Gwen. Je serais honoré de passer la nuit avec toi. 

Il se recula légèrement et regarda avec tendresse les joues et les lèvres roses de Gwen. 

— Mais... je ne veux pas aller trop vite. 

Elle sourit, saisissant sa main, souriant avant de dire :

— Merci. 

Il entra, et Falco se trouva une place tout attitrée sur le canapé alors que les deux amoureux s'allongeaient dans le lit de la jeune femme. 

Gwen se blottit contre le français alors qu'il resserrait ses bras autour d'elle. 

— Bonne nuit Gwen.

— Bonne nuit à toi aussi. 

Et Polnareff déposa un baiser sur le front de Gwen qui se sentit fondre.

Poitiers, France. 24 décembre 1991.

— Jean-Pierre ? 

— Mmh ?

Gwen, allongée nonchalamment à côté du jeune homme sur le tapis épais de la maison de Polnareff, regardait le plafond. L'air était paisible, un feu crépitait dans la cheminée et les deux "amis" se tenaient paisiblement dans le salon. De temps à autre, le silence reposant était brisé par les sons que laissaient échapper les flammes qui attaquaient le bois.

— Qu'est-ce que c'est cette trace ? demanda t-elle, intriguée.

Le propriétaire de Falco, qui d'ailleurs dormait paisiblement à leurs pieds, sourit tristement avant de dire :

— Ah... ça. C'est... Ma petite soeur, un jour, qui avait lancé sa chaussure sur le plafond. Je lui avais demandé de la nettoyer mais...

Il se tut et reprit, sa voix nouée par l'émotion. Les souvenirs enfouis de sa vie avec Sherry affluèrent dans son esprit. Après tout, il n'avait encore jamais pris le temps de raconter à Gwen son enfance, et était resté très discret sur ce sujet. Sa gorge se serra et il regarda dans les yeux la jeune femme. Ses pupilles smaragdines reflétaient une certaine curiosité. 

Elle perçut néanmoins la lueur de tristesse qui parcourut les iris océan de Polnareff. Alors qu'elle s'apprêtait à lui dire qu'il n'était pas obligé de lui répondre, il eut un sourire triste et murmura :

— Elle n'a jamais eu l'occasion de le faire. 

Gwen sentit chez celui qu'elle aimait une profonde tristesse et un émoi puissant. Timidement, alors qu'il se tournait vers elle, elle se rapprocha de lui et enserrant son torse de ses bras. Elle comprit. Sa soeur était morte, à un jeune âge, étant donné que Jean-Pierre était lui-même encore jeune. Elle avait vécu une chose similaire puisqu'à l'âge de onze ans, elle avait perdu son petit frère, âgé de sept ans. 

Gwen regarda encore le plafond, et, son visage posé sur l'épaule de Polnareff, elle murmura :

— Jean-Pierre. Porter le fardeau du passé seul n'est jamais une bonne idée. Je suis là. Si tu veux me parler, me raconter. Mais je ne te force à rien, d'accord ?

Polnareff sentit ses yeux s'humidifier un peu et il serra contre lui Gwen avant d'ouvrir les lèvres et de raconter.  

Il raconta son enfance, son père et sa soeur. L'amour qu'il leur portait. La maladie de son père et sa disparition soudaine, alors qu'ils n'étaient qu'adolescents. Il lui raconta quels supplices avait vécu Sherry, avant d'être sauvagement assassinée. Il lui rapporta son ressentiment, sa peine immense et sa haine infinie. Son départ précipité de la France. Son voyage et sa rencontre avec Dio. Sa manipulation et le cauchemar de n'être plus maître de lui-même. Sa rencontre avec ceux qui allaient devenirs ses premiers amis. Sa défaite face à Abdul et son retour à la raison, après que Jotaro lui ai retiré le germe de chair. Sa quête de vengeance achevée, l'épopée vers l'Égypte avec ses excellents amis. Leurs combats, leurs aventures, leurs moments de joie. Il lui raconta la mort d'Abdul et d'Iggy, qui lui avaient sauvé la vie. La douleur de leur perte. Sa séparation avec Jotaro et Joseph. Sa solitude en revenant en France. Et sa rencontre merveilleuse avec une jeune femme audacieuse.

Gwen était restée silencieuse, l'écoutant sans l'interrompre. Comment était-il possible qu'une aussi bonne personne vive de si terribles choses ? C'était injuste. Jean-Pierre était la personne la plus gentille qu'elle ait jamais rencontré. Et il avait vécu tant de malheur. Savoir qu'elle avait pris une telle place dans sa vie lui mit du baume au coeur, qu'elle avait fatigué, à cause de sa compassion pour lui. Il souffrait, et comme elle l'aimait, en ce moment, elle prenait sur elle une partie de sa souffrance. 

Quand il eut fini, ses yeux fatigués versèrent quelques dernières larmes avant qu'il ne ferme doucement ses paupières. 

Gwen passait tendrement sa main dans ses cheveux décoiffés, qui retombaient sur son front. La tête de Polnareff était enfouie dans le cou de la jeune femme qui, par sa présence tranquille, atténuait les souffrances du jeune homme.

Il respirait profondément, vanné par son récit. Les caresses douces de la jeune femme l'apaisaient et le berçaient. Finalement, avant qu'il ne puisse s'en rendre compte, il s'endormit et Gwen resta immobile longtemps, regardant et veillant sur le sommeil de Jean-Pierre. 

Quand il se détendit dans ses bras, elle fut un moment songeuse, se replongeant dans sa propre histoire. Elle n'avait pas connu ses parents et avait grandi avec son jeune frère dans un orphelinat. À la perte de son frère, son monde s'était écroulé. Elle avait passé de longs mois prostrée dans sa douleur, incapable de la mettre de côté. C'était la musique qui l'avait sorti de cette retraite. L'apprentissage du piano avait été salvateur et les plus grands compositeurs semblaient avoir écrit pour elle les mélodies qui pansaient son coeur blessé.

Elle fixa de ses pupilles vertes le plafond blanc, comprenant pourquoi Polnareff ne nettoyait pas cette trace de chaussure. Serrant davantage contre elle le corps endormi de Jean-Pierre, elle huma son odeur. Il sentait la lavande, comme la première fois qu'elle l'avait abordé. La fragrance douce du jeune homme la tranquillisait, lui donnait une impression de sécurité. Là, dans ses bras, rien ne pourrait jamais lui arriver.

Et la réalité de ses sentiments la percuta de plein fouet. Elle aimait Polnareff. Elle l'aimait à la folie et ne voyait plus son avenir sans lui.  

Le silence finit par la bercer elle aussi et, fermant les yeux, elle plongea dans le sommeil.  

Poitiers, France. 25 décembre 1991.

Ce fut un frisson désagréable qui réveilla Gwen. Elle était allongée au sol, sur un tapis qui, malgré son épaisseur, lui laissait réaliser qu'elle avait mal au dos. La respiration calme de Jean-Pierre parvenait à ses oreilles et elle remarqua qu'il dormait toujours, la tête appuyée sur la poitrine de la jeune femme. 

Rougissant légèrement, elle frissonna encore et invoqua tout bas son stand. Le feu était éteint depuis longtemps et un coup d'œil à la fenêtre qu'elle apercevait lui appris que c'était le matin. Elle avait dormi d'un seul trait, et le jeune homme aussi. Elle demanda à son stand tout bas de raviver le feu et essaya, très lentement, de s'extirper de l'étreinte serrée de Polnareff. 

Quand le feu reprit dans l'âtre de la cheminée, se levant doucement, Gwen s'étira légèrement avant de se diriger vers la cheminée où les flammes dansaient gracieusement. Leur chaleur réconfortante réchauffait l'atmosphère, créant une ambiance sereine et apaisante. Gwen contemplait les flammes dansantes, fascinée par leur danse hypnotique.

Les flammes réveillaient en elle un sentiment de quiétude et de gratitude. Elle pensa à tous les moments partagés avec Jean-Pierre, les aventures qu'il lui a racontées la veille au soir, les épreuves qu'il a surmontées avec courage et détermination. Son cœur se remplit d'admiration pour cet homme exceptionnel, aux côtés duquel elle avait trouvé la paix et la joie.

Alors qu'elle observait les flammes crépitantes, elle laissa ses pensées s'envoler. Elle s'assit lentement, le regard empli de tendresse, observant le visage paisible de celui qu'elle aimait et qui reposait paisiblement à ses côtés. La douce lueur du matin illuminait le salon, dansant à travers les rideaux, créant des jeux d'ombres et de lumière sur le tapis moelleux.

Le temps semblait suspendu, et Gwen se laissait bercer par la beauté tranquille de l'instant présent. Les soucis et les doutes s'évanouissaient, laissant place à une profonde sérénité. Elle était consciente de la chance qu'elle avait d'avoir fait entrer Jean-Pierre dans sa vie, et elle pressentait que ce lien qui les unit était précieux et durable.

Le bruit des flammes qui crépitaient se mêlaient au doux battement de son cœur, et Gwen se sentit emplie d'une gratitude infinie pour l'amour qui les entourait à présent. Elle laissa son regard se perdre dans les flammes dansantes, savourant cet instant de quiétude et de contemplation, prête à accueillir le jour qui venait avec un cœur rempli de bonheur et de promesses.

Se levant, elle déposa une couverture sur Polnareff et se dirigea vers la petite cuisine. Silencieusement, elle fit un état des lieux des placards de la cuisine et sourit en coin. Il y avait tout ce qu'il fallait. 

Quand, deux heures plus tard, Polnareff émergea, il s'étonna de se réveiller sur le tapis du salon. Qu'est-ce qu'il faisait là ? Il repoussa la couverture, surpris de constater que le feu était encore allumé.

Il se souvint soudain de la veille, de son long monologue et de la sensation merveilleuse des bras de Gwen autour de son torse et dans ses cheveux. Il s'était senti tellement aimé, apprécié, consolé dans ses bras frêles qui ne le jugeaient pas. Son coeur se serra quand il se demanda où elle était. Est-ce qu'elle était partie au début de la nuit ? 

Le réveil progressif de ses sens aidant, le jeune homme finit par sentir une bonne odeur venir de la cuisine. 

Il se leva et, lentement, se dirigea vers l'origine de la bonne odeur. Il poussa doucement la porte de la cuisine et vit alors Gwen, de dos, en train de sortir du four une plaque chaude avec des gants. Sur la table, il y avait une carafe fumante au fumet de cannelle. Quelques chocolats dans une assiette. 

Le regard de Polnareff dériva sur la silhouette svelte et élancée de la jeune femme. Elle était si belle et la vision de Gwen, à l'aise dans cette maison, l'émut. 

À ce moment, son visage s'illumina d'un sourire radieux alors qu'il la contemplait, ému et émerveillé. Il resta béat quelques secondes, captivé par la scène qui se déroulait devant lui. La tendresse et la gratitude se mêlèrent dans son regard, reflétant l'amour qu'il ressentait pour cette femme exceptionnelle.

Il s'approcha doucement d'elle, silencieusement, l'admiration dans les yeux, et posa délicatement une main sur son épaule. Elle sursauta, se retournant pour l'apercevoir et lui adresser le plus beau sourire qu'il ait jamais vu. 

— Ah ! Tu m'as fait peur ! Je me suis permise de fouiller un peu. J'espère que ça ne te dérange pas ?

Elle parut un peu timide, et un peu honteuse en disant cela mais Polnareff était stupéfait par la gentillesse sans borne de cette femme qui hantait ses pensées. 

Ses mots se firent chuchotements, chargés d'émotion :

— Gwen...  

— Oui ? demanda t-elle en voyant qu'il ne parlait pas et se contentait de la regarder dans les yeux. Est-ce que tout va bien ?  

Jean-Pierre sentit presque les larmes envahir ses yeux. 

— Je... je suis sans voix. Je suis... vraiment ému. Merci. 

Gwen sourit doucement, passant délicatement un de ses doigts sur le front de Polnareff pour chasser de devant ses yeux une mèche de cheveux. 

— Je suis heureuse que ça te plaise, vraiment. 

Son cœur déborda de bonheur face à ce geste simple mais chargé de tendresse. Il réalisa à cet instant combien Gwen était présente pour lui, combien elle apportait de la douceur et de la chaleur à sa vie.

— Merci, Gwen, merci d'être là, de me combler de bonheur à chaque instant. Je ne peux plus imaginer ma vie sans toi.

Il laissa sa main glisser de son épaule jusqu'à entrelacer ses doigts avec les siens, se sentant profondément connecté à elle. Son regard se perdit dans le sien, exprimant une affection sincère et un amour profond.

Lentement, il passa son autre main sur la taille de la jeune femme qui, réceptive à cette approche, se rapprocha de lui. Il sentit le souffle de la jeune femme se faire un peu plus court et sourit en lui disant doucement :

— Gwen... Je veux me réveiller à tes côtés tous les jours de ma vie.

Dans un geste tendre, il se pencha et déposa ses lèvres sur les siennes. La jeune femme se détendit immédiatement, répondant à ce baiser, leur premier. Elle glissa ses mains sur le torse du français et expira profondément, heureuse. Ce baiser bien qu'un peu timide, était parfait. Quand il recula, Gwen se sentit presque orpheline de ses lèvres, réalisant qu'elle voulait encore l'embrasser. Mais ce qu'il lui dit la fit rougir doucement. 

— Je t'aime, Gwen. Chaque jour avec toi est un cadeau précieux. Tu... tu as illuminé ma vie morose.  

La jeune femme voulut répondre qu'elle l'aimait aussi mais il dit, sourire en coin :

— Et merci pour ces brioches qui réchauffent mon coeur autant qu'elles réchaufferont mon estomac.  

Un sourire radieux se dessina sur les lèvres de Gwen, qui pouffa légèrement de rire tandis que leurs regards se rencontraient et se comprenaient au-delà des mots. 

— C'est un plaisir, Jean-Pierre. Et je t'aime aussi. 

Le manieur de Silver Chariot sourit, posant son front sur celui de Gwen. 

— Je crois..., murmura t-il, que c'est le plus Noël de ma vie.

Elle sentit son coeur s'enflammer de bonheur et de reconnaissance envers le destin ou le Dieu qui avait mis ce français sur son chemin. 

Le jeune homme posa encore chastement ses lèvres sur celles de la jeune femme qui se blottit contre lui, heureuse, profondément.

Lorsque le baiser s'acheva, cette fois, Gwen retrouva ses esprits. 

— Jean-Pierre, si nous ne mangeons pas maintenant, tout va refroidir. 

 Il ricana. 

— Ce serait fort dommage. 

Elle sourit en lui enfonçant gentiment son coude dans les côtes. 

— Assied toi au lieu de dire des âneries. 

Ils s'assirent, face à face et Polnareff s'interrogea sur le contenu du petit déjeuner. 

— Du chocolat chaud à la cannelle, des brioches de Noël aux raisins et aux fruits confis et des chocolats, annonça la jeune femme. 

Il sourit, remerciant encore Gwen. 

Un chaleureux petit déjeuner les réconcilia tous deux à la fête de Noël. Quand ils se levèrent de table, Jean-Pierre proposa une promenade pour marcher un peu et faire sortir Falco qui trépignait. 

Il proposa à la jeune femme de se doucher et lui donna un t-shirt trop petit pour lui et un gros pull qu'elle mit en dessous du manteau de feutre qu'elle portait la veille. Quand Polnareff fut prêt lui aussi, ils sortirent de la maison pour découvrir le monde immaculé, recouvert de neige. 

Ils continuaient leur promenade dans les rues de Poitiers, où une fine couche de neige recouvrait les trottoirs et les toits des maisons. Les flocons virevoltaient doucement dans l'air, créant une ambiance éthérée.

Polnareff marchait aux côtés de Gwen, le froid mordant de l'hiver rendant leurs joues rosées. Falco gambadait joyeusement à leurs côtés, sa fourrure dorée se saupoudrant de flocons de neige. Ils se laissaient porter par l'atmosphère enchantée, s'émerveillant devant la beauté de la nature revêtue de blanc.

Alors qu'ils avançaient, Gwen ralentit soudain le pas, attirant l'attention de Polnareff. Il se tourna vers elle, curieux de cette pause soudaine. Un sourire malicieux éclaira son visage, et elle le regarda avec une lueur d'amour dans les yeux.

— Savais-tu, Jean-Pierre, j'ai toujours rêvé d'embrasser l'amour de ma vie sous la neige ? murmura-t-elle d'une voix douce, ses paroles portées par le vent glacé.

Polnareff resta figé un instant, étonné et ému par les mots de Gwen. Un frisson d'excitation parcourut son être, tandis qu'il réalisait l'ampleur de ce moment. Son regard se posa sur les flocons qui descendaient lentement du ciel, créant un paysage d'une beauté envoûtante.

Un sourire sincère et tendre se dessina sur le visage de Polnareff, illuminant ses yeux d'une lueur étincelante. Il approcha doucement Gwen, la prenant délicatement dans ses bras, comme si le temps s'était arrêté. Les flocons de neige se déposèrent sur leurs épaules et dans leurs cheveux, créant un cadre magique pour leur étreinte. 

Gwen s'avança vers lui, saisissant le col du manteau de Polnareff et posant ses lèvres sur les siennes.

Leurs lèvres se rencontrèrent avec douceur et passion, scellant ce moment dans le souvenir tout neuf de leur amour. Leurs cœurs battaient à l'unisson, emportés par l'intensité du moment et l'effervescence de leurs sentiments partagés.

Au milieu de la neige qui tombait, dans un décor hivernal d'une beauté saisissante, ils s'embrassaient, enveloppés dans la chaleur de leur amour. Les flocons de neige dansaient autour d'eux, témoins silencieux de cet instant magique où deux âmes s'étaient trouvées et s'étaient unies.

Et dans cet échange de baisers passionnés, Gwen et Polnareff savaient, au plus profond d'eux-mêmes, qu'ils avaient trouvé l'amour véritable, celui qui ferait battre leur cœur et illuminerait leur vie.

— Ne pars pas, reste avec moi, murmura Polnareff sans vraiment réaliser ce qu'il disait, l'esprit embrumé.

— Où veux tu que j'aille avec toi ?

Il rit doucement, la serrant contre lui. L'écho de son rire résonna sur les murs des bâtiments autour d'eux, ensorcelant le coeur de la jeune femme. La voix douce de Polnareff lui répondit :

— Jusqu'au bout du monde.

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