Chapitre 21 : Au coeur du désert
Temple de M'zouteria, Maroc. 12 juillet 1994.
La tempête de sable faisait rage à l'extérieur du temple, projetant des grains de sable brûlants contre ses parois érodées. La visibilité était réduite à quelques mètres, rendant tout repère dans le désert impossible. Jean-Pierre Polnareff et Jotaro Kujo étaient bien conscients qu'ils étaient piégés au cœur de la tempête.
Le nomade qui les avait guidés ici avait astucieusement rentré les dromadaires et les provisions, à l'abri de la tempête. Dehors, la tempête ne semblait pas vouloir s'affaiblir.
Il attendait. Patiemment, minute après minute, heures après heures, que la méfiance des deux étrangers soit endormie. Quand, dans sa somnolence, il perçut les respirations lentes et tranquilles de Jotaro et Jean-Pierre, il sourit.
Il était temps. Il y avait une chose que les étrangers ignoraient sur le système de fermeture des porte des temples du désert. Il fallait être initié pour savoir l'ouvrir, une fois qu'il était verrouillé.
Soudain, avec une agilité surprenante, il ferma la grande porte de pierre, scellant le temple et empêchant toute fuite. Le bruit du mécanisme de verrouillage résonna sinistrement dans la salle, alertant Polnareff et Jotaro.
Jean-Pierre fut le premier à se réveiller, se redressant brusquement de son sommeil agité. La tempête de sable avait obscurci ses pensées, mais il se sentait désormais éveillé, alerte. Il savait qu'il se passait quelque chose de terrible. Puis, il aperçut le nomade et sa méfiance grandit.
Pourquoi trainait-il à côté de la porte ? Pourquoi avait-il cet air si satisfait sur le visage ? L'espace d'un instant, Jean-Pierre se persuada que c'était son appréhension face aux étrangers qui l'entraînait à penser ainsi mais quand il entendit le rire sourd du nomade, un désagréable frisson lui parcourut l'échine.
Il secoua Jotaro, essayant de le réveiller discrètement, mais le brun était profondément endormi. C'est alors qu'un frisson glacé s'empara de son corps tout entier.. Une intuition sombre s'insinua en lui, une impression de danger imminent.
— Merde, chuchota-t-il. Jotaro, bouge !
C'est à ce moment-là que le nomade, le visage autrefois amical, prit un air sinistre. Ses yeux s'illuminèrent d'une lueur malfaisante.
— Messieurs, vous êtes enfin à ma merci.
Il n'eut plus de doute et tenta d'invoquer Chariot, une première fois, sans succès avant de persévérer, toujours sans résultat. Mais enfin, que se passait-il ?
Avec effroi, Jean-Pierre réalisa qu'il aurait été aisé pour leur guide de glisser quelque chose dans leurs gourdes respectives.
Le français releva les yeux vers le nomade qui riait.
Il avait l'intention de tuer les deux intrus. Alors que l'homme approchait, un éclair de panique traversa l'esprit de Polnareff. Il n'avait pas de stand, son corps était affaibli par les épreuves du désert. Jotaro, endormi, était dans un état vulnérable.
—Star Platinum...
Polnareff reconnut les mots, mais ils étaient à peine audibles. Jotaro rêvait de son stand, Star Platinum, comme s'il sentait que quelque chose de sinistre se tramait. Mais il ne se réveilla pas.
Le nomade s'approchait, une arme blanche à la main, prêt à attaquer. C'est alors que Jotaro, subitement réveillé par une prémonition sombre, bondit hors de son sommeil. Sa respiration était rapide, son regard perçant.
Il ne lui fallut pas deux secondes pour comprendre.
— Qu'est-ce que tu comptes faire ?! gronda-t-il d'un air menaçant.
L'expression du nomade se crispa, choqué par le réveil brutal du Joestar. Les tensions montèrent rapidement. Une confrontation mortelle était sur le point d'éclater dans cette salle isolée, au cœur d'une tempête de sable impitoyable.
— C'est bien dommage ma foi que vous ne soyez pas restés endormis, votre mort aurait été bien plus douce..
Il sembla changer d'avis et desserra les doigts, laissant tomber son large couteau sur le sol, qui heurta les dalles usées avec un cling sinistre.
— Au lieu de cela, vous allez subir les foudres de mon stand, Quicksand !
Alors, il croisa les bras, et apparut derrière lui un stand, à la tête d'animal. On eut dit un coyote noir, au corps humanoïde, drapé de tissus léger beiges, qui se confondaient avec le sable qui se mettait à entourer en volutes de poussière le manieur et le stand.
Aussitôt, le nomade leva davantage les bras, et le sable commença à s'infiltrer à travers le sol, à une vitesse hallucinante, Jotaro essaya de bouger mais un nuage de sable l'envoya valdinguer.
— Jotaro, dis-moi que tu peux invoquer Star Platinium !
Le brun fronça les sourcils, essayant d'appeler son stand, sans succès.
— Qu'est-ce que tu nous as fait ?! interrogea Jean-Pierre alors que le manieur, sous leurs yeux ébahis, formait avec le sable des lames tranchantes qu'il envoya sur eux.
Ils esquivèrent difficilement. Jean-Pierre se fit la réflexion qu'il avait l'impression d'avoir été drogué, et cela devait aussi être le cas de Jotaro qui semblait peiner à se déplacer.
— Franchement, résonna la voix amusée de l'ennemi, je ne m'attendais pas à ce que ce soit si facile. Vous avez été bien naïfs.
Le sable montait de plus en plus haut, atteignant déjà la moitié de leur mollet. Et Jotaro comme Jean-Pierre avaient beau essayer de marcher, leurs pieds s'enfonçaient dans ce sable, comme s'il s'agissait d'un marécage.
Pourquoi diable ne s'étaient-ils pas méfiés ?!
Les lames pleuvaient à des rythmes de plus en plus rapides et ils avaient de plus en plus de mal à rester debout.
Soudain, un de ses projectiles tranchants entailla profondément l'épaule de Jean-Pierre qui gémit, projeté vers le mur qu'il heurta violemment, avant de tomber sur le sol, sonné.
— Allez.. Star.. Qu'est-ce que tu me fais ?! grondait Jotaro en lui-même.
Jean-Pierre restait prostré, sa blessure se gorgeant de sang, de sable et de poussière.
Le brun fronça les sourcils. Stand ou pas, il allait lui faire sa fête.
Il puisa dans ses forces pour avancer vers le manieur qui intensifia le pouvoir de son stand et envoya en riant un nuage de sable sur le visage de Jotaro.
Il n'y voyait plus rien, et avait du mal à respirer. Une main décharnée sembla saisir son pied pour l'attirer sur le sol où le sable qui continuait sa montée, empiétait déjà sur ses membres.
Le manieur eut un long rire, ouvrit la porte, laissant Polnareff voir un ciel noir, parsemé d'étoiles. Le même ciel qui avait accompagné la mort de Kakyoin, des années plus tôt.
La tempête avait cessé, comme par magie. Seigneur, qu'il avait été crédule ! Bien sûr, il devait avoir provoqué lui même cette tempête. Ses yeux douloureux et pleins de sable, il s'affola en réalisant que Jotaro ne bougeait plus, le visage déjà à moitié enfoui dans le sable qui semblait se mouvoir, engloutissant avec appétit le corps du brun.
— Merde ! Merde ! cria-t-il, cherchant en lui les ressources nécessaires pour se lever, alors que la lourde porte se fermait, laissant le sable le emprisonner.
Il était fourbu, son épaule blessée lui faisait mal et le sable qui le retenait à la taille ne semblait pas vouloir le lâcher.
Se concentrant à l'extrême, il parvint à faire apparaître sur son torse le bras de Chariot.
Le temps pressait. Il se mit à attaquer de sa rapière le mur fragile, avec acharnement.
Le niveau montait de plus en plus vite et déjà, il ne voyait plus de Jotaro que le bout de ses vêtements, derrière un monticule. L'épée travaillait le plus vite que cela était possible mais il se sentait faiblir.
Il n'abandonnerait pas ! Pas maintenant !
Le mur commençait à se fissurer sous le poids exercé par le sable, et les assauts vigoureux de Polnareff. Son cou commençait à être submergé et le français avait mal au bras, le tenant au dessus de sa tête pour lutter jusqu'à la dernière seconde.
Quand ses narines s'emplirent douloureusement de sable, il suffoqua et songea qu'ils étaient perdus.
Mais le mur, affaibli par ses contraintes, céda soudain et le sable se déversa dans la pièce adjacente.
Jean-Pierre prit une grande inspiration qu'il regretta dans l'instant, se mettant à tousser comme un malheureux.
— Jotaro ! appela-t-il, désespérant d'entendre la voix basse su brun lui répondre.
Les yeux rougis, il cherchait à droite et à gauche, avant d'apercevoir, sous une avalanche de sable qui se stabilisait peu à peu, un vêtement noir qu'il reconnut.
Il se redressa, et s'élança difficilement vers le corps de son ami.
— Hé ! Jotaro ! clama-t-il en se cassant la figure sur le sable.
Il parvint à son niveau et soupira en le voyant ouvrir les yeux soudain, tousser littéralement un litre de sable mouillé avant de grommeler.
— J'te jure, je vais le buter cet enfoiré.
Jean-Pierre ne put retenir un rire amusé.
— Allons-y ensemble, je voudrais y avoir ma part aussi.
Jotaro soupira, regardant son ami.
— Merci. Ton épaule ça va aller ?
Le français soupira en passant sa main dessus.
— Ce n'est pas si grave, le seul problème, c'est une potentielle infection..
Le brun hocha la tête, gravement, avant de se redresser, de secouer énergiquement son manteau et d'en déchirer une large bande sur le bas.
— Qu'est-ce que tu fais ? interrogea Jean-Pierre, surpris.
— Je te bande ton épaule. Essayons de limiter la catastrophe, je doute que Gwen soit ravie de te voir revenir avec un bras en moins.
Le français se laissa faire, grimaçant quand les mains brusques de son ami serrèrent le tissu sur sa plaie.
— Où est-ce qu'on est ?
— Aucune idée. Dans une salle adjacente à celle où nous étions, sûrement.
Au moment où tous les deux se levèrent pour marcher vers le mur opposé, le sol s'effondra sous leur pieds et ils tombèrent dans le vide, accompagnés d'un nuage poussiéreux de sable.
***
Poitiers, France. 13 juillet 1994.
— Oui je sais mon ange, tu as faim, ça arrive.
Gwen posa devant Raphaël une assiette contenant des carottes bouillies, un peu de riz et du jambon blanc coupé en morceaux.
Le garçon, ravit, remercia sa mère avant de saisir avec appétit sa fourchette pour piquer directement dans le jambon.
Gwen soupira, en regardant Falco qui fixait le sol attentivement, à l'affût de toute miette qui finirait son existence terrestre sur le sol, sous la chaise haute de Raphaël.
Avec un sourire, elle vit le garçon tenir avec application son couvert. Cela aussi, c'était nouveau. Maintenant, il mangeait seul, plus ou moins proprement. Quand un morceau de jambon finit sa course sur le carrelage de la cuisine, Falco se précipita, avant que le stand de Raphaël n'apparaisse, faisant léviter le morceau jusqu'à son assiette alors que le chien se rasseyait, avec un jappement mécontent.
La jeune femme écarquilla les yeux et s'apprêtait à dire quelque chose quand le téléphone de la maison sonna.
Elle s'y précipita, espérant que cela serait Clémentine.
— Gwen ? j'ai vu que tu as essayé de m'appeler ? Tout va bien ?
La mère sourit, répondant, en gardant un œil sur la cuisine.
— Oui. Je voulais rediscuter avec toi de mon temps de travail.
— Ah bon ? Tu voudrais moins d'heures ?
— Non, plus au contraire. Jean-Pierre est en voyage avec un de ses amis et je préférerais travailler un peu plus pour m'occuper.
La vérité ne se trouvait pas tout à fait là, dans ces propos. Jean-Pierre n'avait pas été payé ce mois-ci, en toute logique et le temps partiel de Gwen ne lui permettait que de subsister difficilement. Elle avait fait les compte dans la matinée et avait découvert avec effroi que la fin du mois serait très délicate si elle ne trouvait pas vite une solution.
— Et ton fils ?
— Est-ce qu'il pourrait venir avec moi au bureau ? Il est sage et je ne peux pas le faire garder..
La supérieure de Gwen sourit au bout de la ligne.
— Pas de problème pour moi, Gwen, tout le monde a hâte de te revoir au bureau. Et ta terreur est la bienvenue !
La jeune femme soupira de soulagement, un poids s'ôtant de ses épaules.
— Merci beaucoup Clémentine. On se voit demain ?
La rousse énergique à l'appareil acquiesça chaleureusement.
— Oui, à demain, bonne fin de journée !
La mère la salua, la remerciant encore avant de reposer le combiné et se diriger vers la cuisine où Raphaël venait de finir d'engloutir son plat.
— Tu veux un dessert mon amour ?
Il sourit, secouant avec énergie sa cuillère.
— Oui, de la compote s'il te plaît Maman !
La châtain sourit en déposant devant son fils un bol de compote de pommes qu'elle avait préparé le matin même.
— Merci !
Rassurée, elle put manger avec soulagement son déjeuner, souriant en voyant Falco tendre sa patte à Raphaël, dans l'espoir d'obtenir quelque chose de lui.
***
Temple de M'zouteria, Maroc. 13 juillet 1994.
— Aie.. grogna la voix enrouée de Jean-Pierre, se mettant sur son séant. Où est-ce qu'on est ?
Il faisait sombre et il avait mal partout. Il se rappelait être tombé à travers le sol de la pièce, après s'être tiré des sables de la mort.
— Jotaro ? T'es là ?
Une voix étouffée lui répondit, semblant se tirer elle aussi de son sommeil un peu forcé.
Ils avaient dû perdre connaissance.
Sous les mains de Jean-Pierre, encore du sable.
— Il fait très sombre.. Tu n'aurais pas un briquet ?
— Si, répondit Jotaro, attrapant dans la poche de son pantalon un briquet en fer qu'il ne quittait jamais.
— On va pas aller bien loin comme ça.. râla Jean-Pierre en apercevant le visage pâle de son ami à la faible lueur de la flammèche.
Il passa ses mains autour de lui, jusqu'à heurter une surface dure, et sculptée ?
— Jotaro, j'ai quelque chose.. On dirait une colonne.
Remontant sa main le long de la pierre irrégulière, il finit par toucher un matériau qu'il reconnut immédiatement. L'extrémité était très grasse et il sourit.
— Je viens de trouver une torche, Jotaro.
— Approche.
Le brun alluma les bandes grasses et la lumière du feu les éblouit un moment.
— Fantastique ! s'exclama le français, enjoué.
Il regarda vers le plafond, imité par Jotaro.
Tout en haut, environ cinquante mètres au dessus de leur tête, ils percevaient une lueur.
— Le jour a dû se lever.
— On ne remontera pas par là.. Il faut trouver une autre issue.
Alors, ils regardèrent derrière eux et écarquillèrent les yeux.
— Oh, ça alors.. murmura Jotaro au moment où le manieur de Chariot sifflait entre ses dents.
— Mazette !
La salle était immense. Décorée richement, d'ornements sculptés avec finesse le long des colonnes, des plafonds, des moulures. Quelques objets précieux, apparemment en or, occupaient des étagères à droite ou à gauche, un reste de rideau qui avait du être confectionné dans la meilleure étoffe. Quelques armes d'apparat. C'était magnifique. Au sol, une couche de sable tapissait les dalles que l'on apercevait par endroit et Jean-Pierre déclara, d'un air admiratif :
— J'ai l'impression que personne n'est venu dans cette pièce depuis des siècles..
Jotaro hocha la tête.
— Gwen aurait adoré voir ça, ajouta le français avant de regarder Jotaro qui paraissait abasourdi.
— Sûrement..
— Qu'est-ce que tu proposes ?
— On devrait se munir d'une arme, par précaution. Et chercher..
— Un point d'eau, s'il y en a, compléta Jean-Pierre avec un soupir las.
Leurs gorges étaient asséchées, à cause du sable et de la poussière et ils étaient enfermés dans une salle somptueuse, certes, mais sans eau, et blessé pour Jean-Pierre.
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