Chapitre 1 : Inévitable introspection

Paris, France. 25 décembre 1975.

— Jean-Pierre ! Jean-Pierre ! Réveille toi !

Une voix un peu aigue et surexcitée sonna au oreilles du jeune garçon endormi. Il eut bien du mal à sortir de sa torpeur et entrouvrit ses yeux bleus avant de les fermer immédiatement. 

— Allez !! Allez ! Lève-toi s'il te plaît ! 

Mais il ne voulut rien entendre. Il était bien là, dans son lit, bien au chaud. 

Le responsable de son réveil lui retira maladroitement sa couverture et lui sauta dessus avant de gigoter dans tous les sens. 

— Debout, debout ! Ou je dis à Papa que t'es le plus grand flemmard du monde ! 

Jean-Pierre soupira lourdement. 

— Sherry... grommela t-il. Tu me fatigues. Pourquoi tu t'excites comme ça ?!

En disant cela, il se redressa sur son séant et bailla en frottant ses yeux. Ses cheveux gris, mi-longs, frôlaient ses paupières encore lourdes de sommeil. 

— Mais parce que c'est Noël crétin. 

Le jeune garçon se réveilla tout à fait, avant de répliquer :

— C'est toi l'abrutie. Où t'as vu qu'on réveillait les gens comme ça ? 

 La petite fille, assise sur le lit haussa les épaules. 

— Chais pas. Dépêche toi ! Papa nous attend ! 

Le jeune garçon sourit en voyant sa soeur à la lourde tignasse noire bouclée surgir de son lit pour se précipiter vers le salon. 

À son tour, il sortit les pieds de sa couette et, en pyjama, se dirigea vers la pièce de vie. Son père était là, et eut un sourire en voyant son fils encore ensommeillé. 

Émeric Polnareff était le portrait craché de sa fille, Sherry. Les mêmes yeux bleus, les mêmes cheveux noirs bouclés. Il était grand et il coiffait habituellement ses cheveux en une queue de cheval basse. 

— Bonjour Jean-Pierre.

— B'jour Papa. 

Il esquissa un sourire. 

 — J'ai préparé le petit déjeuner. On ouvrira les cadeaux juste après. 

Sherry sautilla de joie tandis que Jean-Pierre souriait, enthousiaste. Peut-être que son père lui avait offert la nouvelle canne à pêche qu'il voulait depuis des mois ?

Tous les trois commencèrent à se diriger vers la cuisine pour prendre le petit déjeuner de Noël, tandis que le regard azuréen du garçon accrocha la photo encadrée sur la petite cheminée du séjour. On y voyait une très belle femme grande aux longs cheveux gris tressés. 

Jean-Pierre avait hérité des traits de sa mère. Mais le plus étonnant, sur cette photo, c'était l'ombre qui se tenait derrière la femme. Une ombre en armure, ressemblant en quelques points à celle que le garçon pouvait appeler. Il ne savait pas comment s'appelait cette présence. Mais il était certain d'une chose. Sa mère avait disparu du jour au lendemain, et c'était forcément lié à cette présence. 

Le chocolat chaud du matin de Noël était un des moments préférés de Sherry et Jean-Pierre. Leur père prenait quelques jours de vacances pour profiter de leur présence, et rien ne pouvait rendre les deux enfants plus heureux que de passer cette fête avec leur père. 

Quand vint le moment d'ouvrir les cadeaux, Sherry hurla de joie en ouvrant l'un d'eux. 

— Merci Papa !!! Elles sont trop belles ! 

Dans les petites mains de la fillette, il y avait une paire de boucle d'oreille, en forme de demi coeur rouge, qui formaient un coeur complet quand on les rapprochaient. 

Emeric sourit et dit à la fillette :

— Ce cadeau, c'est ton frère qui te l'as offert. 

Jean-Pierre rigola quand sa soeur lui sauta au cou pour lui dire que ces boucles d'oreilles étaient les plus belles du monde et qu'il était le meilleur des grands frères. 

Le garçon, âgé de dix ans, et de trois ans l'aîné de sa cadette, sourit, doutant qu'elle les porterait toute sa vie, comme elle se plaisait à le crier. 

 Quant à lui, lorsqu'il attrapa un long paquet, il sourit, alors que son père le regardait déchirer le papier sans délicatesse. 

Son père lui avait acheté sa canne à pêche ! 

Sainte-Engrâce, France. 3 mai 1980.

— Allez, Papa, Jean-Pierre !

Le père de Sherry et Jean Pierre sourit.

— Un peu de patience Sherry. Est-ce que tu as pris un chapeau ?

— Non. 

Il fronça les sourcils. 

— Prend un chapeau, il risque de faire chaud. 

— D'accord ! 

— Et un pull ! Dans cette région les orages peuvent arriver tout à coup ! 

Sherry grimpa quatre à quatre les marches de l'escaliers et courut dans le couloir pour aller vers sa chambre. Ayant aperçut du coin de l'œil une silhouette habillée en marron et beige, elle s'arrêta et recula de deux pas. 

Jean-Pierre était penché vers la glace, dans la salle de bain, en train d'arranger sa coiffure extravagante. 

Le jeune homme sourit en voyant la tête de Sherry dans l'encadrement de la porte. 

— Tu dois pas aller chercher un chapeau toi ?

Sherry tira la langue à son grand frère. 

— Occupe toi de tes fesses, cingla t-elle le laissant pantois. 

— Comment tu me parles ? 

Sherry ricana en s'enfuyant dans le couloir alors que Jean-Pierre tentait de remettre une mèche rebelle en hauteur. 

— La personne coiffée comme un clown ne mérite pas meilleur vocabulaire !! cria t-elle.

Le jeune homme vit rouge. 

— Je t'emmerde, Sherry. 

— Oh ! Jean-Pierre ton vocabulaire ! gronda une voix forte depuis le rez-de-chaussée. 

— Pardon Papa, bougonna l'adolescent. 

Sherry repassa devant la porte de la salle de bain en courant et en rigolant alors que Jean-Pierre en surgissait pour la poursuivre dans les escaliers. 

— Ahhhh Papa, au secours ! Il veut m'attaquer ! 

Elle se cacha derrière son père qui sourit. 

— Bon, trêve de plaisanterie, on a une randonnée qui nous attend. On y va !

Les trois Polnareff grimpèrent dans la voiture familiale et Emeric démarra. 

Le Pays Basque avait du charme, assurément, songea Jean-Pierre en arrivant au niveau du lac. 

— Les gorges de Kakuetta ! annonça avec triomphe leur père. Je suis souvent venu ici avec votre mère. 

Sherry laissa un cri d'admiration lui échapper. L'eau du lac était bleue, turquoise et les parois des gorges étaient taillées dans une roche blanche qui éblouissait un peu. 

— C'est vraiment beau ! déclara t-elle en regardant son frère. 

— C'est vrai, admit-il. 

Sherry pouffa en le regardant :

— Pff ta coiffure ressemble à rien. 

Jean-Pierre rétorqua :

— Bien sûr que si, elle me rend irrésistible ! 

La jeune adolescente eut un rictus amusé et déclara :

— Irrésistible pour les poissons peut-être.

Elle explosa de rire, suivi de son père qui murmura :

— Cette coiffure n'est pas moche elle est...

— Distinguée, coupa Jean-Pierre.

— Surprenante, dit simultanément Emeric en souriant.

Sherry se tordait de rire et Jean-Pierre, sa canne à pêche sur l'épaule bougonna quelque chose dans sa barbe inexistante en s'éloignant. 

— Jean-Pierre ! l'appela t-elle. Le pique-nique ! Je peux pas tout porter !! 

Le jeune homme ricana en lui adressant un signe de la main sans se retourner. 

— Débrouille toi, moi je vais aller charmer les poissons.

Sherry lui cria :

— Je plaisantais Jean-Pierre ! T'es très beau comme ça ! 

Mais le gris avait décidé de bouder un moment et Emeric soupira en attrapant deux des trois sacs. 

— Parfois vous êtes épuisants... 

Sherry regarda son père en souriant, rajustant sur sa tête son large chapeau de paille. 

— Mais on s'aime beaucoup quand même ! 

Emeric regarda sa fille s'éloigner pour rejoindre son frère, sa robe de lin bleu volant au rythme de sa course. 

Avec un sourire, il se mit à marcher, pour les rejoindre.  

Paris, France. 24 décembre 1981.

— Je suis désolé. Nous n'avons rien pu faire. Il était déjà en phase finale quand nous l'avons pris en charge. 

Le silence sembla entourer le jeune Polnareff. Il ne voulait pas y croire. Voilà que leur père, lui aussi, était parti. Il voulut s'effondrer mais il retrouva soudainement l'ouïe en entendant des pleurs à côté de lui. 

Sherry pleurait. L'adolescente de treize ans pleurait amèrement et la seule chose que Polnareff put faire pour elle fut de passer son bras sur ses épaules pour la serrer contre lui. Voilà maintenant qu'ils étaient tous les deux seuls. 

Pour la première fois de leur vie, la famille Polnareff n'allait pas respecter la tradition de Noël. Ni Jean-Pierre ni Sherry n'eurent le coeur à le fêter cette fois là. 

Paris, France. 2 septembre 1982.

— Tu es sûre de toi ? demanda soucieusement Polnareff.

Sherry hocha la tête. 

Le jeune homme était ému. Sherry avait 14 ans, lui 17. Aujourd'hui, s'était la rentrée du pensionnat Sainte-Marie de la Mer. La jeune fille était habillée de son uniforme bleu marine, qui lui allait à merveille. 

Mais Jean-Pierre était triste. Depuis son enfance, il n'avait jamais vécu séparé de sa soeur. 

La mort de leur père les avait mis dans une situation un peu délicate. Fort heureusement, il n'avait pas de dettes et avait laissé à ses enfants une fortune modeste. Mais Jean-Pierre, responsable de sa soeur à présent, ne pouvait se résoudre à vivre sur les économies durement faites par son père. Il avait dû chercher du travail et avait fini par en trouver, à Poitiers.

Sherry ne voulait pas l'accompagner là bas. Elle avait une amie, Maria, qui allait entrer au collège dans ce pensionnat et elle avait supplié Jean-Pierre de la laisser y aller. 

Faible face à la demande de sa soeur adorée, il avait cédé. Mais il s'en voulait de la laisser seule. 

— Allez, pleure pas, chochotte ! déclara vertement Sherry en se jetant au cou de son frère. On se reverra aux prochaines vacances, tu me feras visiter Poitiers !

Jean-Pierre, bien que les larmes aux yeux, ne pleurait pas. Il resserra ses bras autour de la taille de sa soeur en disant tout bas :

— C'est toi la chochotte. 

Sherry pleurait, en effet, mais elle avait trop honte pour le montrer à son frère qui se sentait ému.

Quand ils se séparèrent enfin, Maria lui attrapa le bras et la tira vers le portail en fer forgé. 

— À bientôt ! dit-elle en le saluant de la main. Travaille bien ! 

Le jeune homme sourit et regarda le portail se fermer en un grincement fatigué. Sherry s'éloignait déjà, plaisantant avec Maria. 

Poitiers, France. 9 avril 1982.

— Bonjour, je cherche à me faire conseiller.

Polnareff sourit, en se tournant vers une très belle jeune fille blonde. 

— Oui bien sûr, que cherchez vous en particulier ? 

— Humm je voudrais bien une senteur un peu florale, mais discrète. 

Le jeune homme sourit, la regardant discrètement. Elle était ravissante. 

— Bien sûr, nous avons cela. Venez avec moi. 

Jean-Pierre travaillait depuis quelques mois maintenant dans cette parfumerie, Chez Cyrano. Il aimait son travail. Après tout, il avait toujours eu du nez et sa collègue et son chef étaient tous les deux adorables. 

— Merci beaucoup ! le remercia la jeune fille, c'était tout à fait ce qu'il me fallait. 

Polnareff la regarda s'en aller, son parfum dans la main et songea à sa soeur. Dans quelques semaines, se serait la fin de l'année scolaire et il pourrait enfin passer plus de temps avec Sherry. Allait-elle bien ? Elle en mettait du temps à répondre à ses lettres...

Poitiers, France. 1er juillet 1982.

— Jean-Pierre ! 

La jeune fille, vêtue d'une vaporeuse robe blanche sauta dans les bras de son frère qui l'attendait sur le quai de la gare. 

— Je suis contente de te voir ! J'ai tellement de choses à te raconter ! Tu te rappelles quand je t'avais parlé de M Harrison ? Et bien figure toi que...

Polnareff laissait sa petite soeur parler sans s'arrêter et souriant largement en l'aidant à porter ses bagages. Il était tellement heureux de la retrouver !

— Je vois que tu te fais toujours cette coiffure étrange ! déclara t-elle sans transition. 

Le jeune homme grimaça. 

— Oh cesse de m'ennuyer avec ma coiffure veux tu ? Ou je te jette dans le Clain. 

Ils longeaient en marchant le fleuve qui traversait la ville et Sherry regarda un instant l'aspect de l'eau. Elle était boueuse, comme la veille il y avait eu des orages. 

— Non merci, ça va aller.  

Les pavés de la rues formaient parfois des petits creux où l'eau s'était installée et Sherry voyait ses miroirs improvisé comme des morceaux de verre scintillant. 

Le son des pas de Sherry sur le dallage enchantait Jean-Pierre qui passa un bras sur les épaules de sa petite soeur. 

— J'ai encore dégoté plein d'endroits à te faire visiter, dit-il doucement. 

Et il s'émerveilla devant la lueur qui apparut dans le regard clair de Sherry. 

Poitiers, France. 30 juin 1985.

La missive s'échappa des mains du jeune homme. Blême, effroyablement pâle, il s'effondra le long du mur et sentit des larmes amère couler le long de ses joues. 

Sherry. 

Chaque fibre de son être fut secouée par l'ampleur de la tragédie. Les mots du courrier résonnaient dans son esprit, réveillant une souffrance insoutenable et une colère bouillonnante. Un sentiment d'horreur s'empara de lui, tandis que son cœur se serrait dans une étreinte douloureuse. Les larmes rongeaient ses joues, et semblaient couler dans sa gorge, rendant sa respiration extrêmement ardue.

La réalité de ce qui était arrivé à sa sœur bien-aimée était difficile à accepter. Il se sentait impuissant, submergé par un tourbillon d'émotions contradictoires. La tristesse dévorante le submergeait, noyant son esprit dans un océan de larmes. Chaque pensée de sa sœur rappelait les précieux souvenirs partagés, maintenant entachés par l'horreur de sa perte.

Mais au-delà de la douleur, la colère grondait en lui. Une rage brûlante s'embrasa, alimentée par l'injustice de ce crime odieux. Il voulait que ceux qui avaient commis cet acte abominable soient tenus responsables de leurs actes. Son désir de vengeance était comme un feu ardent, alimentant sa détermination à traquer les coupables et à leur faire payer pour leurs actes impardonnables.

La nouvelle de la mort et du viol de sa sœur avait déchiré le tissu même de sa réalité. Il était confronté à une réalité brutale et cruelle, qui remettait en question sa foi en l'humanité. Mais dans cette obscurité écrasante, il trouva la force de se relever, de canaliser sa douleur et sa colère en une quête de justice. Sa détermination était inébranlable, et il était prêt à tout sacrifier pour honorer la mémoire de sa sœur et mettre fin à la souffrance qu'elle avait endurée.

Dans les profondeurs de sa tristesse et de sa colère, Polnareff se forgea une résolution inébranlable. Il n'abandonnerait pas, il ne permettrait pas que l'injustice triomphe. Son combat pour la vérité et la justice devint sa raison de vivre, sa flamme d'espoir dans l'obscurité la plus profonde.

— Jean-Pierre, tout va bien ? Tu es affreusement pâle !

Le jeune homme regarda son patron, essayant de contenir ses larmes. 

— Euh.. Ma petite soeur. Elle est morte.

Le moustachu brun se pinça les lèvres. 

— Oh, je suis désolé. Va, ne reste pas là. Prends ta semaine, je ne t'en tiendrais pas rigueur. 

Le dernier Polnareff en vie se leva, difficilement et regarda son patron. 

— Merci Monsieur Dubois. 

Le concerné le fixa de ses yeux verts. 

— C'est normal.  

Au moment où Polnareff allait sortir de la boutique, le patron murmura :

— Et toutes mes condoléances. 

Jean-Pierre acquiesça sans se retourner. Il n'était pas prêt. Pas encore prêt à entendre ses mots. Il ne voulait pas les entendre. Bordel. 

Il rejoignit Paris pour s'occuper des funérailles du dernier membre de sa famille. 

Paris, France. 1er juillet 1985. 

Le jeune homme se tenait droit devant la tombe érigée. Deux noms étaient inscrits sur la pierre froide. Emeric Polnareff et Sherry Polnareff. La mort l'avait fauchée alors qu'elle n'avait que seize ans. 

Aux oreilles de Polnareff, le soleil se refléta sur des boucles d'oreilles rouges, en forme de coeur. Dans son coeur, la seule chose qui l'aidait à surmonter sa peine était sa haine, et sa volonté intense de vengeance. Son violeur et son assassin, l'homme aux deux mains droites... Il paierait pour ce qu'il avait fait. Et il souffrirait autant qu'elle avait souffert sous son traitement ignoble. 

— Je te promets, Sherry, que je te vengerais. 

Tournant le dos à la tombe, sans un regard, il s'en alla, son léger sac sur le dos, vers un voyage qui durerait plus longtemps qu'il n'aurait pu l'imaginer.

Hong Kong, Chine. 28 novembre 1988.

— Il n'y a pas plus douloureux que l'immolation. Abrège tes souffrances avec cette dague. 

Polnareff regarda la lame argentée de la dague et une larme coula le long de sa joue. Bon sang ! Il s'était fait avoir comme un bleu. Dio l'avait bien manipulé et maintenant qu'il reprenait un temps soit peu ses esprits, il brûlait vif ?!

Mais il n'avait pas renoncé à son honneur et soupira avant de dire :

— J'ai été présomptueux. Je ne pensais pas que ton feu pourrais vaincre mon épée. 

Il sourit, regardant un instant le ciel avant de dire :

— Je me laisserais mourir ainsi, en reconnaissance de ta force. Commettre un suicide à ce point serait le comble du déshonneur. 

Abdul afficha un air plus que surpris qu'il ne vit pas. Il venait de s'évanouir, sous la douleur. 

Quand il papillonna des paupières, le visage souriant de l'égyptien apparut dans sa vision. 

— Il revient à lui ! 

Polnareff se redressa, s'asseyant et secoua légèrement la tête. Le ciel était éblouissant et ils se trouvaient dans un parc ?! Il y avait un vieux, un égyptien et deux lycéens, un roux et un brun. Mais qu'est-ce qu'il fichait là ? 

— Que s'est-il passé ? Qui êtes-vous ?

Jotaro soupira, Joseph battit des mains et Kakyoin lui expliqua la situation. Il venait de retrouver le contrôle total de sa personne et de sa tête.  

Mer Rouge. 27 décembre 1988.

— Allons... Tu sais bien que jamais je ne pourrais me résoudre à attaquer ma propre soeur ! 

Le stand ennemi explosa de rire. 

— Alors, Polnareff, meurs de sa main ! 

L'horrible double maléfique de Sherry se pencha sur lui et lui arracha un morceau de l'épaule avec les dents. Il avait mal, comme il avait mal ! Mais alors que les larmes envahissaient ses yeux et ses joues, il se remémorait ses heureuses journées vécues aux côtés de sa soeur.

— Polnareff ! Bouge toi ! Allez ! Bats toi !  

La voix grave et chaude de l'égyptien envahit l'esprit du français et ses larmes redoublèrent d'intensité en voyant Abdul détruire le clone de terre de lui même. 

Il repoussa le pantin de terre qui assaillait son ami et l'aida à se relever. 

Après un combat acharné, et après avoir détruit le pantin maléfique, avec douleur, le français se tourna vers Abdul.

— Abdul... C'est vraiment toi ? Tu es vivant ? 

Le manieur de Magician's Red sourit, collant une tape amicale sur l'épaule de Polnareff. 

— Oui, cette fois c'est bien moi. 

Le français se remit à pleurer, de soulagement cette fois et Abdul se moqua de lui. 

— Mais quelle pleureuse tu fais ! 

Polnareff, entre deux sanglots, s'excusa mille fois d'avoir failli le tuer, de l'avoir insulté et de ne pas l'avoir écouté. 

Mais Abdul ne lui en voulait pas le moins du monde et il lui sourit. 

— Reprends tes esprits, Jean-Pierre. Tout va bien, je suis en vie et savoir que ça t'émeut autant me fait plaisir. Allez, arrête de pleurer, toi aussi tu m'as manqué ! 

Le français se calma peu à peu, se concentrant sur le souffle du vent dans les herbes hautes, alors qu'Abdul lui racontait comment il avait survécu. Le manieur de The Judgement était hors service et les deux amis se retrouvaient, le français avait l'esprit allégé. Abdul était en vie. 

Le Caire, Égypte. 16 janvier 1989.

— Jean-Pierre, Iggy. Juste une chose avant qu'on y aille. Même s'il vous arrive quelque chose là dedans, que vous mourriez ou vous disparaissiez, sachez que je ne viendrais pas à votre secours. C'est peut-être dur à entendre mais nous sommes là pour battre Dio. Nous ne pouvons pas risquer notre vie pour nos camarades, notre mission prime sur le reste. Promettez moi que vous ne m'aiderez pas si je me trouve en mauvaise posture.

Polnareff déglutit difficilement et Iggy sembla presque triste. Ils comprenaient tous les deux. Et pourtant, quand, quelques instants plus tard, après les avoir poussés, Abdul disparut à la vue du français et que ses deux avant-bras s'écrasèrent sur le sol, il eut un haut le coeur. Il se retourna, vomit tout le contenu de son estomac sur le carrelage et se redressa, tremblant. 

Il devait rêver, c'était la seule explication. Pourquoi Abdul leur avait-il fait promettre de ne pas l'aider pour les sauver eux quelques minutes plus tard ? 

— Mohammed ! Abdul ! Qu'est-ce que tu fous ? T'es où ? 

Dans le déni, Polnareff refusait de reconnaître sa disparition alors qu'un voix sinistre s'éleva, sortant d'une orbe de ténèbres. 

— Mohammed Abdul est mort. et c'est votre tour, pour avoir osé défier maître Dio. 

Une spirale de haine enfla en lui, encore une fois, on lui retirait les personnes qui lui étaient chères.

Même ce sale clebs, qu'il n'avait jamais pu sentir, s'était sacrifié pour lui. Et Polnareff était vivant. En mauvais état, mais vivant. Abdul et Iggy étaient morts. Les larmes coulèrent sur ses joues alors qu'il se décidait à se relever, sentant les consciences de ses amis le pousser à poursuivre sa mission.  

Le Caire, Égypte. 17 janvier 1989. 

— Docteur ! Il se réveille ! 

Douloureusement, Jean-Pierre ouvrit les yeux. La vive lueur du plafonnier, conjuguée à la peinture immaculée de la pièce, l'éblouissait.

— Où suis-je ? demanda t-il, alors qu'une jeune femme en blanc l'aidait à se redresser. 

— Nous sommes le 17 janvier 1989, il est 11h48. Nous sommes à l'hôpital central du Caire, et je fais partie de la fondation Speedwagon. Nous vous avons pris en charge hier soir, à cause de blessures multiples, dont une au pied gauche, et deux doigt en moins. 

Polnareff regarda ses mains. Tous ses doigts étaient là pourtant. 

— Nous vous avons mis une prothèse. Elle a parfaitement fusionné avec votre peau, vous même serez presque incapable de sentir la différence. 

Polnareff cligna des yeux, de douloureux souvenirs remontant à la surface.  

Abdul... Iggy... 

Un long, très long moment passa et il tenta de contenir l'océan d'émotions qui menaçait de le submerger.

Ses yeux s'emplirent de larmes, encore une fois et, d'une voix rendue fluette par l'émotion, il demanda :

— Et les autres ?

La femme secoua la tête mais n'eut pas le temps de dire quoi que se soit que des coups retentirent à la porte de la chambre. 

— Entrez. 

Polnareff vit entrer Jotaro et Joseph et à leurs mines défaites, Polnareff comprit. Ils avaient aussi perdu Kakyoin. Ils ne dirent rien. Toute conversation aurait été superflue et fausse. 

Jotaro se mit dos à eux, regardant par la fenêtre alors que Joseph lui tendait un papier. 

— C'est de la part de Kakyoin, si tu veux lire. 

Les yeux bleus du français s'abaissèrent vers la feuille de papier pliée et il eut peur de comprendre. Avait-il vraiment envie de lire ce message ?

"À mes amis et compagnons de voyage"

En tremblant, il ouvrit la lettre. 

Mes chers amis,

C'est toi, n'est-ce pas Jotaro, qui a découvert cette lettre ? Te connaissant, ça ne m'étonnerait pas !

Je ne sais pas à vrai dire pourquoi je vous écris. Peut-être que j'ai soudain réalisé que je pouvais ne pas échapper à ma fin prochaine ? J'ai eu une intuition, l'autre soir. Je ne sais pas si ma crainte se réalisera mais cela sera sûrement le cas si cette lettre et entre vos mains.

Avant toute chose, je voulais vous dire que je ne regrette pas un instant de vous avoir accompagnés dans cette aventure.

Monsieur Joestar, vous êtes un homme incroyablement spontané et courageux. Vous m'avez toujours surpris avec vos idées folles, et je suis heureux et honoré d'avoir eu la chance de vous connaître !

Abdul, votre sagesse m'a bien souvent éclairé, je suis bien soulagé que vous n'ayez pas trouvé la mort en Inde. Vos sages conseils et votre présence tranquille vont me manquer.

Polnareff, ta manie de toujours râler et ton pessimisme empreint d'ironie vont me manquer. Tu m'as appris qu'il faut savoir trouver de la joie dans les moments les plus sombres et que l'humour peut être une arme redoutable contre la tristesse. Tu embrasseras Iggy de ma part ?

Et toi, Jotaro, je te considère comme mon premier et mon plus fidèle ami, celui qui m'a appris à être plus confiant, plus résilient. Tu m'as montré que la loyauté est l'une des plus grandes qualités qu'un ami peut avoir. Je suis fier de t'avoir connu, et je sais que tu continueras à te battre pour la justice et à protéger ceux qui te sont chers.

J'avais peur d'être différent autrefois. Et puis, même si je regrette que Dio m'ait manipulé, il m'aura au moins offert la possibilité de vous rencontrer. Et pour cela, je pourrais presque le remercier ! -N'oublions quand même pas qui il est-

Si vous lisez ceci, c'est sûrement qu'il est mort et que tout est terminé. Merci pour tout.

Bien sûr, j'aurais préféré rentrer avec vous au Japon mais je crois que je n'aurais pas cette chance. Pourriez-vous rendre à mes parents mes affaires et la lettre que je leur laisse ?

Je voulais vous dire une dernière chose. 52 jours. C'est le temps que dura notre voyage. Et ce fut pour moi les meilleures aventures de ma vie, auprès des hommes les plus valeureux et les plus nobles que je connaisse.

Mes amis, ne regrettez pas les sacrifices faits. On ne peut revenir en arrière et je suis heureux d'être mort pour une noble cause.

Je vous laisse en héritage mes souvenirs et mes pensées. Je vous laisse aussi mon cœur, qui a battu fort à chaque moment passé à vos côtés. Je vous laisse mon amitié, que j'espère vous garderez précieusement.

Je ne vous dirais pas adieu, car je sais que nos chemins se recroiseront un jour. Je vous dis simplement au revoir, mes amis, et je vous remercie du fond du cœur pour tout ce que vous avez fait pour moi.

Au revoir mes amis,
Votre dévoué,

Noriaki Kakyoin.

Quand enfin, Polnareff reposa la missive sur ses genoux, il réalisa qu'il pleurait. Ils avaient gagné. Mais à quel prix exorbitant ? Jotaro resta silencieux, même si le français resta persuadé de l'avoir vu verser quelques larmes. Joseph ne cachait pas ses larmes et le français s'effondrait un peu plus. Il avait vengé sa soeur. Ils avaient battu Dio. Mais ils avaient perdus des amis proches.

Le Caire, Égypte. 19 janvier 1989.

Les trois survivants de ce périple éprouvant se tenait dans le hall de l'aéroport. Polnareff triturait nerveusement l'anse de son sac et finit par dire :

 — Bon, les gars, je dois y aller. 

Joseph le coupa :

— T'es sûr de pas vouloir venir au Japon avec nous ? 

Polnareff secoua doucement la tête. 

— Oui, certain. J'ai besoin... d'un peu de temps. Et puis... La France est mon pays. Cela fait déjà bien trop longtemps que je l'ai quitté. 

 Jotaro esquissa un sourire épuisé. 

— Bon alors on reste en contact. 

Polnareff hocha la tête cette fois. 

— Vous avez mes coordonnées, n'hésitez pas. 

Les trois amis s'étreignirent fugacement avant que Polnareff ne s'éloigne d'eux, souriant largement en leur faisant des gestes de la main. 

Une fois dans l'avion, assis près d'un hublot, il sortit de sa poche la photo qu'ils avaient prise dans le désert. Son regard s'attarda sur les visage souriant de Kakyoin et Mohammed. Il souffla de rire en voyant l'air boudeur d'Iggy et marmonna, affectueusement :

— Tss.. sale bête. 

Remettant délicatement la photo dans sa poche, Polnareff regarda le sol de l'Égypte s'éloigner. Sur le verre, il vit son reflet et caressa du bout des doigts ses boucles d'oreilles en forme de coeur. 

Sherry. Ils les portaient pour toujours se souvenir d'elle. Pour toujours se rappeler qu'il n'avait pas été là pour la protéger. Pour ne pas oublier qu'il l'avait aimé profondément, et qu'il n'avait pas toujours su être le meilleur des grands frères. 

Il avait essayé et il voyait encore, en fermant les yeux, le sourire éclatant de sa jeune soeur, quand il était avec elle.


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