Romane

Elle était putain de brisée, si tu l'avais vu avec son pull en laine et ses cheveux platines emmêlés.

Romane me disait que les ombres aimaient se coller à sa peau sans jamais la lâcher et qu'elles ne cessaient de la tourmenter.

J'te jure, ça me faisait mal de la regarder. Parce que j'laime comme un putain de taré.

J'aurais pu le crier sur les toits, sur les quais du métro bondé, sur ma table au lycée.

Romane était putain de brisée, et je ne pouvais pas la réparer. Parfois, je la voyais lire du Prévert, ou du Apollinaire.

J'aimais bien quand elle les lisait, parce que je pouvais détourner leurs textes en des choses assez salaces. Mais surtout parce que l'espace d'un instant on pouvait voir son sourire et ses traces.

J'vous jure que je donnerais tout pour un de ces moments hors du temps. Parce que vous voyez ça n'arrivais pas souvent.

La nuit tombée, elle semblait représenter une affreuse banalité avec ses cheveux gras qui retombaient mollement sur sa veste en jean délavée. Pourtant, quand on regardait au fond de ses yeux, on pouvait voir un miroir éclaté.

C'était pas beau à voir, ni à entendre, alors pour ne pas le faire voir, elle fumait une clope se promenant sur les trottoirs.

Parfois, elle s'arrêtait, prenait une grande inspiration comme si tout ça était trop difficile.

Alors, j'la traînais un peu partout lui tenant la main, faisant attention à ne pas trop la remonter.

Ses bras, étaient striés de cicatrices toutes plus belles les unes que les autres, parce qu'elles faisaient partie intégrantes d'elle et rien d'autre.

Romane n'allait pas sans les coupures de la lame argentée. Les coupures de la lame argentée n'allait jamais sans Romane.

Sauf que ce soir, elle m'a supplié de m'arrêter, alors je l'ai fait surpris, mais pas tellement, elle devait avoir marre de se trimballer un mec qui savait pas trois lignes de l'Avare.

On s'est assis sur un banc, comme des cons. C'est ce que l'on était, en partie du moins. Après tout, on avait dix-sept ans, on était encore des gamins.

- J'en peux plus. J'suis fatiguée de tout ça. Avait-elle soufflé, avant de ramener ses cheveux sur un côté.

- De quoi Romane ? Dis-le moi.

- De rien. Oublie tout ça.

Elle m'a embrassé, nos salives, se sont mélangées. C' est vrai que c'était dégueulasse. Mais dégueulassement beau.

Sauf que Romane, ne semblait pas être de mon avis.

Il paraît qu'après notre escapade nocturne, elle s'est donné la mort, les pages d'Apollinaire, les vers de Prévert collés sur ses cheveux, sur son torse. Une mort affreusement poétique, pour une fille affreusement morose.

Sans un au revoir, sans un dernier baiser ni même une claque parce que j'aurais eu le malheur de la tromper. Rien.

J'lui en ai voulu, à un tel point que j'ai fini par tout casser. Mes cris ont alerté le quartier, et je me suis barré à pieds, les mains dans les poches, des larmes dans le cœur.

Et ça m'a donné envie de chialer encore plus fort. Mais j'ai compris que ce soir-là Romane ne s'est pas donné la mort, elle s'est donné la vie.

C'est moche, mais d'un moche joli. Moi-même je ne l'ai pas tout de suite compris.

Alors quand son prénom glissait douloureusement sur mes lèvres, je pleurais en souriant.

Les gens me prenaient pour un schizo, mais au fond, je m'en foutais parce que je savais ce qu'il se passait.

Tout ça pour dire que j'laimais, mais qu'elle n'avait d'yeux que pour la mort.

Romane t'es une connasse, mais jt'aime comme un fou.

- Jean- Baptiste.

"
Et je t'ai cherchée
Mais je ne t'ai pas trouvée
Mon amour " Prévert, Mon amour.

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