Et qui n'est, à chaque fois, ni tout à fait la même

Chapitre 3

Et qui n'est, à chaque fois, ni tout à fait la même

J'avais l'étrange impression de voir son visage changer chaque nuit. Mais peut-être était-ce simplement son expression ? Parfois il était grave et soucieux, parfois il était doux et attentionné mais jamais il ne quittait cette douceur visible dans le fond de ses yeux et je savais, je l'espérais du moins, qu'elle n'était dédiée qu'à moi.

Mon ange blond devait être une personne incroyable, je le savais au fond de moi. Peut-être était-il un peu autoritaire, il en avait le profil. Sans doute un meneur, c'est ce que je croyais en tout cas. Tout ce que je savais sur celui qui me troublait tant je ne l'affirmais que par suppositions, c'était un tâtonnement perpétuel qui régnait entre nous, chaque information pouvait être analysée et manipulée avec un grand soin, mais comment se dévoiler lorsque l'on a que les gestes pour se comprendre ? Et encore, des gestes primitifs, hésitants, distants. J'en aurais presque hurlé de rage, si seulement j'en avais eu la force.

Je suis une personne entêtée d'après mes proches, c'est ce qu'iels disent. Il est vrai que lorsque j'ai une idée en tête, il est compliqué de me faire changer d'avis et je ne pouvais penser à autre chose que de prendre dans mes bras cet être chimérique, poser mes lèvres sur les siennes et me laisser consumer tout entier par ce feu destructeur...Que diraient-iels d'ailleurs, mes ami.e.s, s'iels savaient que chaque nuit j'allais rejoindre une personne que je n'avais jamais vue, que j'étais aveuglé par mon amour pour elle ? Le fait est que je ressentais une multitude de sentiments dans la large palette dont dispose l'amour, mais désormais, si ce n'est pour mon inconnu, je me sentais incapable de ressentir de l'amour romantique pour quelqu'un.e d'autre.

C'était cet aspect qui me rendait nerveux ; comment expliquer à vos ami.e.s que vous appartenez irrévocablement à quelqu'un.e dont l'existence n'est même pas sûre ? Comment pouvais-je exprimer l'amour si pur que je ressentais pour cet homme particulier avec des simples mots ? Et étais-je en mesure d'accepter les regards sans doute plein de jugement, d'inquiétude des personnes qui jusqu'alors représentaient tout mon univers ? J'avais peur, tellement peur, mais à quoi bon ? Je me savais prêt à sacrifier toute mon existence pour ne vivre que de lui, et ma loyauté cruelle s'était transformée en une prison indestructible envers une personne que je ne connaissais pas.

J'avais changé, c'était tout. Je n'étais plus la personne que j'étais, la personne qui avait les réponses à tout, la personne qui ne jugeait que par la science puisqu'au final mon expérience avec mon inconnu n'avait rien de scientifique. Tout mon jugement d'habitude si précis était brouillé par les maux de l'amour que je ressentais pour celui que je décidais d'appeler mon âme sœur et je n'en étais que plus perdu alors qu'en moi une certitude totale prenait place ; j'avais besoin de lui. Changer n'était qu'un vague prix à payer et je savais que j'avais le pouvoir de faire la part des choses dans les autres domaines mais en ce qui le concernait ? Tout était si doux, si flou, si net, si déstabilisant au final. Qui donc était-il ? Existait-il seulement ? Pourrais avoir un jour la possibilité de l'avoir en face de moi dans le monde fade qu'était devenue ma réalité ? Tellement de questions que je voulais lui poser, lui hurler en quête d'une réponse claire pour moi qui aimait tant être en contrôle de tout ce que je faisais. Pourquoi moi ? Pourquoi nous ?

Je me mis à l'observer alors, il s'était sensiblement approché de moi, il passait sa main sans arrêt dans ses courts cheveux et lui aussi, me regardait. A quoi pensait-il ? Il semblait une fois de plus soucieux... Alors il se leva et comme il l'avait fait la première fois, il se mit à mon niveau. Cette fois cependant, il ne s'était pas assis à mes côtés mais plutôt agenouillé devant moi. Il leva les deux mains en même et du bout des pouces se mit à caresser mes joues. Pourquoi faisait-il cela maintenant et avec les sourcils froncés ?

C'est en levant les mains à mon tour pour les poser sur les siennes que je m'en rendis compte ; je pleurais.

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