Chapitre 7 : Des Groupies au Starbique


Finalement, outre le réveil, le dimanche s'était passé sans anicroche. Les magasins étant fermés, Louis lui donna d'autres affaires, avant d'aller faire sa séance de sport. Elle avait passé sa journée, finalement, à lire et à étudier sa bibliothèque. Il y avait de tout, là-dedans ! Des sciences économiques et sociales, des livres d'histoires sur plusieurs nations différentes, des livres d'anatomie, de sport, de méditation, sur les mythologies...

Dans tous les cas, elle arriva lundi à son petit boulot au Starbique fraiche et dispo. Il avait voulu la déposer, mais elle avait refusé. Elle commençait tôt, elle n'allait pas non plus lui imposer ses horaires. Et puis, elle était censée récupérer sa voiture aujourd'hui.

-Donc, si je comprends bien, fit Clarisse à sa pause du déjeuner, tu vis maintenant avec un homme que tu connais depuis une semaine ?

En apprenant ce qui lui était arrivé, ses amies étaient rentrées plus tôt de chez leurs parents. Elles avaient fait le pied de grue jusqu'à ce qu'elle puisse prendre sa pause. Visiblement, elles n'étaient pas particulièrement ravies de la situation. Et encore, elle ne leur avait pas raconté son dimanche matin.

-C'est ultra dangereux, Emma ! rugit Virginie. Tu ne le connais même pas, ce type ! Il fait quoi, dans la vie, hein !? Vendeur de godemichets !?

-En fait, je ne sais pas trop, avoua-t-elle.

Installées à une table de son lieu de travail, elles grignotaient des sandwichs apportés par Clarisse. Heureusement, le patron d'Emma était tolérant, en grande partie parce que ses amies avaient bu une demi-douzaine de cafés hors de prix en l'attendant. Starbique c'était bon, mais c'était cher.

-Bon sang, Emma !

-Vous savez, je n'avais pas trente-six mille solutions, expliqua-t-elle d'une voix calme. Je ne peux pas aller chez mon père, je refuse de donner des faveurs à Paul en l'échange d'un toit, si tant est qu'il ait accepté ce jour-là de m'héberger, et je n'ai pas l'argent pour payer et mon loyer, et un hôtel. Donc c'était soit Louis, soit la rue.

Vu comme ça... Cela ne les empêcha pas de ronchonner, mais elles comprenaient. Jamais elle n'avouerait avoir cédé sur le mot « climatisation ».

-Dire qu'on ne sait toujours pas à quoi il ressemble ! s'exclama Clarisse. Tu nous dis qu'il est beau, et toi qui ne trouves personne d'attirant, tu réagis à sa présence ! Je veux savoir à quoi il ressemble !

-C'est juste de la curiosité, sa tête ne change rien à l'affaire, soupira Emma.

-De toute façon, vous habitez ensemble, maintenant. Tu n'auras qu'à lui demander une photo !

Franchement, elle lui devait déjà beaucoup. Elle n'allait pas en plus lui pomper l'air avec ce genre de chose ! Surtout qu'il avait dit être occupé tous les matins en semaine, mais en plus il avait des visioconférences ou des rendez-vous téléphoniques à la pelle. Elle ne savait vraiment pas ce qu'il faisait, mais elle avait d'ores et déjà compris qu'il n'habitait pas chez son patron. Cette maison colossale, c'était la sienne. Elle voulait bien être naïve, mais il y avait des limites.

-Dans l'idéal, maintenant que nous sommes là, ce serait mieux que tu viennes vivre avec l'une d'entre nous, non ? remarqua Virginie. Tu peux venir quand tu veux.

-Vous avez prévu de faire la coupe d'or du sexe, cet été. Hors de question que je me retrouve au milieu de tout ça.

-Eh, oh, on n'est pas des bêtes en rut non plus ! On peut aller à l'hôtel !

-Comme si j'allais vous faire payer un hôtel parce que je squatte chez vous !

-Ça nous rassurerait que tu ne sois plus chez cet inconnu, Emma ! Tu es une jolie fille. C'est dangereux, tu sais ?

Elle réfléchit rapidement aux événements du dimanche matin. Hum.

-Je....

Sa phrase se perdit dans le temps, à l'instant où quatre hommes en costume entrèrent dans le Starbique. Heureusement pour elle, elle se trouvait près de la porte, donc ceux qui entraient ne pouvaient pas la voir. Ça l'arrangeait vraiment. Car l'un des quatre n'était autre que Louis. Il parlait avec autorité tout en lisant une sorte de rapport.

La vache ! Mais qu'est-ce qu'il fichait ici !?

Ils étaient sur le point de commander, lorsque Louis tourna brusquement la tête vers elle. Mince, comment avait-il fait pour la repérer !? Aussitôt, son air sérieux se volatilisa sous l'effet d'un franc sourire. Il s'excusa auprès des hommes en costumes, avant de venir droit sur elle. Ses amies, qui n'avaient pas perdu une miette de son expression à elle, se figèrent en découvrant la bombe sexuelle en approche. Car elles, c'étaient ainsi qu'elles le voyaient.

-Bonjour, Emma, fit-il en venant s'accroupir devant elle, afin de ne pas la dominer de sa taille. Merci pour le petit déjeuner, ce matin.

-Bah... Heu... C'est normal...

-Bonjour, mesdames, ajouta-t-il pour Clarisse et Virginie. Vous êtes les amies d'Emma, non ? Je m'appelle Louis.

-B... Bonjour, Louis, bégayèrent-elles en cœur, les joues rouges.

Mais qu'est-ce qui leur prenait, à elles !?

-Tu finis à quelle heure ?

-Seize heures, pourquoi ?

-Tu n'as pas dit que tu devais acheter des vêtements ?

Ah mince, oui ! Elle lavait sa culotte tous les jours depuis samedi, mais elle avait quand même besoin de plein de choses. Foutues punaises de lit.

-Si tu y vas avec tes amies, préviens-moi, mais dans tous les cas je viens te chercher. Tu n'as pas les clés de la maison.

Ce n'était pas faux.

-Ne t'en fais pas, je n'ai besoin de personnes pour acheter des culottes, grimaça-t-elle.

Il haussa un sourcil, avant d'arborer ce sourire légèrement fourbe qu'elle commençait à bien connaitre. Lui faisant signe de s'approcher, il murmura tout bas à son oreille :

-N'oublie pas de prendre des soutiens-gorges aussi. Si tu te balades encore sans dans mes vêtements, tu risques de me voir bander plus que de raison.

Virginie et Clarisse la virent devenir rouge pomme d'un seul coup. Évidemment, elles n'avaient rien entendu. Mais entre ses propos et sa voix dans son oreille, Emma se dit que ce type allait la tuer à force de lui faire faire le yoyo émotionnel. Heureusement qu'elle n'était pas cardiaque !

-Je tâcherais de m'en procurer, râla-t-elle en reculant. Tes amis en costumes t'attendent, Louis.

Il regarda par-dessus son épaule. Effectivement, ils se trouvaient tous debout avec leur café à emporter, vers la porte.

-On a fini la réunion de ce matin, donc ça va. Passe une bonne après-midi, Emma. Mesdames, prenez soin d'elle.

-Comptez sur nous...

À son départ, un gros silence s'abattit sur les trois amies. Emma, réfléchissait à comment trouver des soutiens-gorges peu couteux, et...

-Ah, je crois que finalement je ne pourrais pas t'héberger, Emma, fit Virginie avec un grand sourire.

-Hein ?

-Moi non plus. Tu as raison, la coupe d'or du sexe est trop importante pour nous.

Attendez, c'était quoi ce revirement soudain !?

*

Emma eut la grande surprise de voir arriver Louis en voiture le soir même. Ce qui était assez logique, car transporter des sacs de vêtements en vespa n'était pas vraiment pratique. Le cri de groupie de ses amies lui apprit que c'était un véhicule plutôt onéreux. Personnellement, elle s'en fichait. Tout ce qu'elle voyait, c'était que les sièges en cuir collaient aux cuisses en plein été. La vache, elle transpirait, en plus !

-Tu sais, le cuir est plus simple à nettoyer que le tissu.

-Louis, ce n'est pas comme si tu allais renverser un soda à l'intérieur de l'habitacle, non ?

Il eut un rire un brin tendu, mais s'abstint de tout commentaire. Tiens ? C'était surprenant, comme réaction. Sans s'appesantir sur le sujet, Emma regarda ses divers sacs. Décidément, elle avait vraiment des amies sur qui elle pouvait compter. Elles l'avaient aidé à payer ses affaires de secours. Même si elle ne comprenait toujours pas en quoi une robe noire et un ensemble en dentelle pouvaient bien lui servir. Enfin, au moins elle avait trouvé des culottes et des soutiens-gorges de sports pas chers chez Docathlon. Ça, c'était parfait, en plus elle avait besoin d'en racheter depuis des mois.

-Tu as l'air fatiguée. C'est difficile comme boulot ?

-Un peu. C'est surtout que je voudrais enchainer les heures pour gagner de l'argent. Tout gérer seule quand on est étudiant, c'est parfois épuisant.

-Mmh... Je comprends ce que tu veux dire. J'ai fait mes études de commerce tout en bossant, il y a des jours où je n'avais qu'une envie, c'était me poser dans un coin et que l'on m'oublie.

Emma le regarda avec de grands yeux brillants.

-Mais oui, tout à fait ! Tu sais, Paul ne comprenait pas ça. Maintenant que j'y réfléchis, je me demande bien pourquoi j'étais avec lui.

Il faisait encore bien jour à cette heure-ci. Tandis que Louis la raccompagnait du centre-ville au haut du Faron, elle regarda par la fenêtre côté passager. La vue sur la baie était tout simplement magnifique. Saint Mandrier se profilait de l'autre côté, petit joyaux de verdure cerné par la mer. Elle pouvait même voir les Deux Frères, deux rochers près de la côte seynoise. Un profond soupir lui échappa. Elle ne les avait encore jamais vus de prés.

-Il te menait la vie dure ? Paul ?

-Oh, tu sais... Je ne suis pas particulièrement expressive. Étant petite, j'ai appris à dissimuler ce que je pense, alors c'est devenu une seconde nature.

Dans le reflet de la vitre, elle le vit hocher la tête. Il ne pouvait pas comprendre de quoi elle parlait, mais enfin, bon... Tiens ? Même de profil, elle vit sa bouche prendre un pli dur. Elle eut soudain un doute. Elle n'avait pas parlé de son père, au moins ?

-Enfin, bref, Paul me faisait souvent des remarques et voulait toujours que je sorte, que je fasse la cuisine ou des trucs comme ça. Ça ne correspond pas vraiment à ma personnalité... C'est un tout. Ce n'était pas une personne pour moi.

-Je pense surtout que ce gros con ne te méritait pas. Ne me regarde pas avec ces gros yeux. Je sais que ça fait à peine plus d'une semaine qu'on se connait, Emma, mais tu es quelqu'un de bien. Et une grosse travailleuse, par-dessus le marché.

-M... Merci. Tu sais, Louis, je... Je pense que j'ai de la chance d'être tombée sur toi. Tu as les mains baladeuses, mais tu es un chic type.

Il éclata de rire.

Plus tard dans la soirée, par contre, elle manqua le gifler avec le vibromasseur qu'il posa devant elle.

-Mais c'est pas possible !

-Attends, attends ! s'exclama-t-il, ses lunettes sur le nez. Ne me frappe pas avec !

Ils se trouvaient de nouveau au comptoir de la cuisine. Assise en face de lui, Emma fronça le nez, les yeux plissés. Venu avec son ordinateur portable et ce truc, il ne semblait vraiment pas en mode coquin, ce qui n'était pas plus mal. Elle n'avait pas l'énergie pour gérer ça !

-J'ai fait des changements au niveau de l'odeur, tu m'as dit que ça n'allait pas, déclara-t-il en allant se prendre une bouteille d'eau au frigidaire. J'ai besoin de ton avis.

Oh.

Oui, c'était professionnel, en fait.

Louis revint s'installer tandis qu'elle reniflait le jouet sexuel. Il ne put s'empêcher de sourire face à cette innocence.

-Il sort de l'usine, c'est un prototype. Alors ?

-Aucune odeur. Je suppose que c'est une bonne chose, vu à quoi ça sert. Comme tu l'as dit la dernière fois, les parfums pourraient être irritants.

-Effectivement, approuva-t-il en en buvant directement à la bouteille. D'autres remarques ?

Qu'est-ce qu'elle en savait, elle ? Indécise, elle considéra le jouet planté devant elle. Louchant dessus, elle se dit qu'il y avait peut-être un point important à vérifier. Sortant la langue, elle lécha le sex-toy, attentive au gout. Du moins, elle essaya d'être attentive, car Louis écrasa sa bouteille d'eau dans son poing, en faisant gicler de partout.

-Ça ne va pas la tête !? Tu m'as fait peur !

En cet instant, Louis aurait tout donné pour être ce sex-toy. Et vraiment, ça ne lui arrivait jamais de penser ainsi. Mais ça, elle ne le savait pas.

-Ah ah, désolé. Heu... Un commentaire ?

-Attends, je n'ai pas senti, tu m'as fait peur.

Elle ressortit sa jolie langue rose, et ce fut comme si elle faisait sauter le bouton du bermuda de Louis. Il devait à tout prix penser à autre chose. A autre chose que sa langue sur le bout de ce vibromasseur qui...

Oh purée. Il loucha vers le bas. Et mince. Pourtant, il avait un contrôle parfait à ce niveau-là. Il n'avait pas intérêt à bouger de son côté du comptoir, pour le moment.

-Ça a un léger goût de silicone, mais ce n'est pas désagréable en soi.

-Mmh... Heu... Dis-moi, tu ne connaitrais pas des femmes qui seraient volontaires pour tester le produit ?

-Bah, je fais quoi, là ?

-Non, Emma. C'est un jouet sexuel. Le vrai test, ce n'est pas tout à fait ça.

Elle rougit jusqu'au bout de ses oreilles, ce qui le fit sourire tandis qu'il épongeait l'eau du comptoir avec son débardeur. Emme ne savait pas si elle rougissait à cause de cette histoire de test ou parce qu'il avait tout naturellement enlevé son haut, dévoilant son torse musclé. Non de dieu, les images du dimanche matin lui revinrent, avec sa chemise ouverte et lui qui...

-Heu... Je peux demander à mes amis, si tu veux. J'en ai que deux, mais...

-Ce serait parfait ! s'exclama-t-il. Attends, je reviens.

Il disparut rapidement. Elle ne remarqua pas qu'il s'appliquait à rester dos à elle, car tout ce qu'elle voyait, c'était ses muscles jouant sous sa peau, sa silhouette en V et... La vache, elle ne l'avait pas encore vu, mais ses fesses étaient...

-Du calme, Emma, marmonna-t-elle en portant une main à son cœur affolé. Tu dois être malade. Ce n'est pas normal d'avoir chaud tout le temps comme ça, avec la climatisation.

Elle regarda le sex-toy. Incrédule, elle appuya sur le bouton. Aussitôt, il se mit à osciller dangereusement, mais resta parfaitement accroché droit grâce à sa ventouse. C'était un bon point, non ? Par contre, elle ne voyait pas l'utilité de mettre ça dans... Et puis, c'était vachement gros !

-Tiens.

Louis déposa devant elle deux boites noires au touché velours, d'aspect plutôt anonyme si ce n'était le petit cœur doré lisse sur le dessus. On eu dit un écrin à bijou.

-Je leur demande de faire un rapport détaillé ?

-Si c'est possible. J'aurais vraiment besoin de savoir si ce produit est performant, agréable et sans risque pour les usagers. Ce n'est pas la première fois que nous en mettons en vente, mais on est jamais trop prudent.

-OK... Dit donc, tu es très professionnel, en fait.

Rieur, Louis enleva ses lunettes pour se frotter brièvement les yeux. Toujours torse nu. Ah...

-On ne dirait pas, mais c'est sérieux tout ça. Certains trouvent que ce monde est ignoble et à éviter à tout prix, mais en vérité, tous s'y intéressent à un moment donné. C'est seulement que tous n'acceptent pas l'aspect sexuel de leur personne. Mais avec internet, le marché s'est encore plus ouvert et les ventes ont explosé. C'est un avantage.

-J'avoue que je ne m'y suis jamais intéressée, souffla Emma. Mais... Je suis mal placée pour juger quoi que ce soit, vu mon absence de pulsions.

Il haussa un sourcil, tout en posant un coude sur le comptoir.

-Absence de pulsions ? Vraiment ?

-Toi, ne commence pas. À demain matin !

-Hé ! Ne fuis pas !

-Si je veux, d'abord !

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