Chapitre 20 : Revirement


Bon. Elle ne pouvait pas dire que les grognements de Louis lors du tournage ne l'avaient pas excitée. Pour autant, ceux de Bianca l'avaient fait un peu plus tiquer, mais son imagination et le thème pirate lui avaient donné le champ libre pour se mettre à sa place.

Lorsque Louis l'avait conduite dans son bureau, sans lui adresser la parole, cela avait tout douché. Il n'allait pas bien. Or, elle savait quel était le problème. Il était un homme fier, qui n'avait ni honte de ses débuts, ni de son présent. Il était un homme d'affaires accompli, il avait réussi à se hisser au top niveau et à y rester. Ce n'était pas ça le souci.

Son souci, c'était cette peur du rejet provoqué par cette femme, des années plus tôt. Une cicatrice laissée béante, non pas à cause de son absence, mais en raison de la peur de la solitude sentimentale que cela avait provoquée.

Tout ce qu'elle avait pu faire, c'était lui montrer qu'elle était toujours là. Qu'elle resterait là.

Elle ne sut combien de temps ils restèrent sous la douche, mais ce fut le jet d'eau froide qui les en délogea avec de petits cris. Lorsqu'ils rentrèrent à la maison, et qu'ils se couchèrent ensemble dans les bras l'un de l'autre, elle se sentait bien.

Elle savait à quoi s'en tenir.

Pour autant, elle n'avait aucune envie de partir.

*

-Comment ça, tu comptes lever le pied !? s'exclama Charles en plaquant les mains sur son bureau.

Le jeudi, Louis avait décidé d'annoncer la nouvelle. Face à Henry et son avocat d'ami, il se sentait résolu. Les derniers jours passés avec Emma avaient été doux, les plus doux qu'il n'ait jamais connus. Même s'ils n'avaient pas particulièrement parlé, ils avaient compris tous les deux quelque chose qu'ils ne s'étaient pas encore dit. Or, de son côté, il avait réfléchi à son avenir professionnel.

-Je vais tenir tous mes engagements, déclara-t-il en se laissant aller contre le dossier de son siège. Il n'y a aucun problème pour les contrats de tournages à venir. Toutefois, je souhaite à l'avenir lever le pied. J'ai tenu un rythme énorme pendant près de dix ans, tout en gérant mon entreprise florissante. Je pense que je peux désormais faire moins de vidéos et passer plus de temps sur mes activités annexes.

Ses deux amis se regardèrent un instant, avant de revenir vers lui avec un mauvais sourire.

-Ces activités annexes, ça ne voudrait pas dire avoir la force de sauter ta petite prude plutôt qu'une actrice ?

-Henry, ta gueule.

-Ça, ça veut dire oui.

Rah, il n'aimait pas les entendre parler comme ça d'Emma ! Mais ces deux foutus vautours n'en avaient pas fini avec lui.

-De toute façon, elle a vu en quoi consistait la réalisation, non ? fit doucement Charles.

-Effectivement, approuva son secrétaire. Elle était sur le plateau lors de la dernière vidéo.

-Ah, j'imagine qu'elle est intéressée, alors... Je devrais lui parler de la prochaine réalisation... Je suis certain qu'elle sera ravie de tourner avec lui.

-Oui, tout à fait. Surtout qu'ils couchent déjà ensemble, j'imagine que les scènes seront très appréciées de nos clients...

-Vos gueules, gronda Louis.

Surpris de son ton, ses deux amis haussèrent un sourcil. Au regard que leur adressa leur patron, ils comprirent qu'il valait mieux s'arrêter là.

-Je suis acteur depuis onze ans, je pense avoir le droit de diminuer la cadence à un moment donné ! Et oui, effectivement, actuellement je préfère faire l'amour à Emma plutôt qu'à quelqu'un d'autre ! Ça vous pose un problème !?

-Non...

Il y eut un petit moment de silence, durant lequel l'avocat et le secrétaire se regardèrent. Finalement, ils poussèrent des soupirs de soulagement en s'affaissant sur leur siège. Leur attitude décontenança Louis.

-Même pour l'autre tu n'avais pas envisagé de lever le pied, fit Henry avec un sourire.

-Ça doit être vraiment quelqu'un de bien. Mais s'il te plait, ne précipite pas les choses.

-Comme, par exemple, vivre avec elle ?

Ils roulèrent des yeux. Louis éclata de rire.

-Ça, c'est déjà trop tard. Bon, écoutez, des fois on a l'impression d'être tombé sur la bonne personne. Pour moi, c'est le cas. Donc... J'estime pouvoir apporter quelques changements à mon mode de vie. Après tout, la nouvelle génération d'acteurs arrive et ils commencent à grincer des dents à force de se voir rafler le premier prix depuis des années. Ça leur fera plaisir à eux... et nous donnera l'opportunité de gérer les contrats de nouveaux acteurs. Ne vous en faites pas, je veillerais à ce qu'il n'y ait pas de pertes financières.

*

-Tu as assisté à un porno !? s'exclama Virginie.

-Avec Louis, en plus !? ajouta Clarisse.

Elles se trouvaient toutes les trois à la terrasse d'un café du port de Toulon. Autant dire que touristes et locaux les regardèrent avec des yeux curieux, avant de rapidement retourner à leur propre discussion.

-Pourquoi ?

-Parce que je voulais savoir en quoi consistait son travail. C'est bien beau d'entendre les ouïes dire, mais on ne connait jamais la vérité avant de réellement se renseigner.

-Ça, c'est bien vrai. Alors, c'était comment !?

Elle leur expliqua le thème et sa discussion avec Bianca. Effectivement, elles approuvaient ce point de vue. En France, il fallait aimer son métier pour le faire, sinon les producteurs ne vous prenaient pas, pour les plus droits d'entre eux. Ce qui était parfaitement compréhensible. Une personne en souffrance vis-à-vis de ça s'autodétruirait, alors qu'une personne qui le désirait s'éclaterait là-dedans, un peu comme Bianca et Louis. On n'atteignait pas le niveau de ce dernier et sa réputation professionnelle sans en retirer quelque chose de personnel. Du plaisir, tout simplement.

-Mais, ça ne te dérange pas ? s'étonna Virginie.

-Tu sais... Parfois, on a l'impression d'avoir trouvé la bonne personne. Alors, on se dit... Est-ce que ce que la majorité considère comme la norme doit me pousser à quitter un homme bon que j'aime sincèrement ?

Elles restèrent silencieuses un petit moment.

-J'aimerais bien être à ta place, soupira Clarisse. Trouver quelqu'un que l'on aime sincèrement, et qui nous aime en retour, c'est quelque chose.

-Je ne sais pas s'il m'aime, rectifia Emma.

Virginie haussa un sourcil, en posant son verre de coca.

-Tu es sérieuse, Emma ? Tu as vu comment il te regarde ? Ce n'est pas le regard d'un homme qui veut simplement te sauter. C'est celui d'un homme qui voit au-delà de ton joli petit cul.

Rougissante, la jeune femme mit presque son nez dans son verre.

-Tu le lui as dit ? Que tu l'aimes ?

-Pas encore...

-La vie est courte Emma, et la tienne a déjà été trop triste sur le plan sentimental. Dis-le-lui.

Bien décidée à lui parler, elle décida de le faire le soir même. Certes, ils étaient encore en semaine, mais bon... En quittant le Starbique en fin d'après-midi, elle se dit que la vie réservait parfois de bonnes surprises.

Les mains dans les poches de son pantalon de costume, ce qui lui donnait un sacré air de mannequin, Louis lui fit un clin d'œil en l'apercevant. Son vespa rose bonbon se trouvait non loin, la faisant rire. Cela lui allait bien tout en détonant énormément.

-Ta journée s'est bien passée ?

-Oui, impeccable. Et toi ?

Main dans la main, ils décidèrent d'aller se promener dans les rues de la vieille ville, avant de retourner chez Louis. Emma était venue avec sa voiture, mais une balade en vespa rose ne lui déplairait pas.

Enfermés dans leur petite bulle, ils ne virent pas arriver Paul.

Tout du moins, Emma ne vit strictement rien. En passant devant une vitrine, le regard rivé à sa compagne, Louis aperçut l'éclat de l'acier juste avant qu'il ne frappe.

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