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15 ans plus tard

Taehyung fixait la liste des violonistes de son orchestre en se massant la tête, épuisé. Rien n'allait. Aucun ne correspondait à ce qu'il recherchait. La représentation du concerto de Korngold était dans deux mois et Taehyung n'avait toujours pas son premier violon, son soliste. Dans un des bureaux de l'Opéra de Séoul, Kim Taehyung grommelait, se sentant impuissant et démuni. Même la splendeur de Tosca de Giacomo Puccini jouant en fond ne l'aidait pas à rassembler ses pensées. Il avait rêvé de ce concerto et ne pouvait pas l'annuler. Il lui fallait trouver une solution et très vite.

Alors qu'il griffonnait la liste des potentiels violonistes distraitement, la porte de son bureau s'ouvrit avec fracas, le faisant relever la tête. La première chose qu'il vit fut un grand sourire, et il était impossible de remarquer autre chose que ça. Le jeune homme aux cheveux corbeaux s'avança jusqu'à son bureau s'asseyant sur le siège en face de lui, tout en soupirant. Il avait la tête penchée en arrière, laissant apparaître la peau légèrement hâlée de son cou et faisant ressortir sa pomme d'Adam. Taehyung détailla son trench Camel et sa chemise blanche légèrement déboutonnée avant de hausser mollement les épaules et de retourner à ses papiers.

-Tu ne devais pas partir pour Munich ? demanda-t-il d'une voix lasse.

Le jeune homme se redressa sur son siège avant de prendre dans sa main le coupe-papier qui était posé sur le bureau et de s'amuser avec, distraitement.

-Si, répondit-il. Mais mon vol est à dix-huit heures, donc j'ai encore un peu de temps.

-Et donc tu as décidé de venir me déranger ? demanda Taehyung en haussant un sourcil.

L'homme à la chevelure de jais sourit plus franchement avant de lui faire un clin d'œil, s'amusant à appuyer la pointe du coupe-papier contre son index. Taehyung fronça les sourcils. Il détestait que l'on touche à ses affaires, en particulier à tout ce qui se trouvait sur son bureau. Chaque chose avait sa place dans une organisation bien précise et pensée.

-Tu veux quelque chose en particulier ? Son ami ne répondit pas, trop occupé à s'amuser avec l'objet comme un enfant avec son nouveau jouet. Taehyung, irrité, se pencha par-dessus son bureau et le lui arracha des mains. Arrête de jouer avec ça, Hoseok. Tu ne peux pas te permettre d'abîmer tes doigts.

Ledit Hoseok avait le piano comme instrument de prédilection et faisait des merveilles lorsque ses doigts caressaient les touches d'ivoire. Il était ce que l'on pouvait appeler un pianiste d'exception et Taehyung et lui se connaissaient depuis de nombreuses années. Ils avaient eu le même prof de piano, étaient ensemble pour les cours de solfège et s'étaient détestés un bon moment avant de devenir les amis qu'ils étaient aujourd'hui. Hoseok était doué, mais le piano, c'était inné chez Taehyung, ce qui faisait que les deux garçons avaient souvent été en compétition l'un contre l'autre. Ça s'était calmé lorsque Taehyung avait subitement arrêté le piano et s'était reconverti dans autre chose.

Hoseok ne l'avait jamais avoué, mais il regrettait le temps où ils se lançaient des brimades dans l'espoir de décourager l'autre avant un concours important. Ce qui donnait souvent le résultat inversé, d'ailleurs. Les railleries cachaient souvent des encouragements subtils et les deux garçons ne se l'avoueraient sûrement jamais non plus, mais ils s'admiraient mutuellement. Hoseok avait donc continué le piano seul et était très vite devenu connu en Corée du Sud, puis dans toute l'Asie et pour finir, il accrut une notoriété dans le monde entier. Si bien que les orchestres des quatre coins du monde le sollicitaient.

Hoseok soupira et planta son regard dans celui de son ami.

-Je suis venu voir comment tu avançais sur le concerto de notre cher Korngold.

Mal.

Taehyung replaça le coupe-papier à sa place et se pinça l'arête du nez, fatigué. Ses cheveux bruns ondulés lui retombèrent sur le visage, cachant ses sourcils.

-C'est encore le premier violon, déduit Hoseok.

Taehyung hocha la tête pour acquiescer, ne la relevant cependant toujours pas. Cette histoire était en train de grignoter ses nuits et il sentait une migraine pointer le bout de son nez. Hoseok grimaça, il savait que cette histoire de premier violon était en train de rendre dingue son meilleur ami. Le peu de fois qu'il le voyait, Taehyung s'arrachait les cheveux à propos de cette histoire et cela ne l'étonnerait pas de le voir finir chauve une fois qu'il rentrerait de son concert en Allemagne.

-Pourquoi pas Mingyu ?

Il releva la tête. Hoseok avait vraiment l'air soucieux et il ne voulait pas l'inquiéter inutilement. Il s'avachit sur son fauteuil, croisant ses bras contre son torse avant de soupirer doucement.

-Mingyu est un très bon violoniste, mais il ne correspond pas pour le concerto de Korngold, répondit-il.

Mingyu était en effet un très bon violoniste et tout le monde s'attendait à ce qu'il prenne la place du premier violon pour le concerto qui se préparait, mais en toute honnêteté, Taehyung ne voulait pas lui donner cette place. Mingyu jouait bien, les notes qui sortaient de son jeu étaient pratiquement parfaites. Mais il n'y avait pas de cœur. Mingyu jouait pour jouer, c'était vide, plat, sans âme. Comme une marionnette. Taehyung voulait quelqu'un qui le fasse vibrer, quelqu'un qui vivait le concerto, s'en imprégnait.

-Que vas-tu faire, alors ?

Taehyung haussa les épaules. Il n'en avait aucune idée.

Il était arrivé à un point où il attendait qu'un miracle se produise.

Plus tard dans la journée, cette pression concernant le premier violon du concerto de Korngold ne fit que s'accentuer lorsqu'il entra dans le bureau du directeur de l'Opéra. Celui-ci l'avait sollicité et, derrière son immense bureau en acajou, Taehyung le voyait légèrement froncer les sourcils. Un bruit répétitif et horripilant venait briser le silence de la pièce et Taehyung savait que c'était parce que le vieil homme était en train de taper nerveusement du pied contre le parquet. Il faisait toujours ça lorsqu'il était irrité ou stressé.

L'homme passa furtivement sa langue sur ses lèvres avant de regarder le chef d'orchestre par-dessus ses lunettes, les sourcils haussés.

-Vas-tu t'asseoir à un moment ?

Taehyung soupira avant de prendre place à son tour face à l'immense bureau en acajou. Il était magnifique. Lorsqu'il passait ses doigts dessus il avait l'impression de toucher de la soie. Il aimait beaucoup le style brut et ancien du meuble et il se demandait de quand pouvait-il bien dater. Aussi loin qu'il se souvienne, ce bureau avait toujours été là, à cet endroit précis. Il avait servi bien d'autres directeurs avant l'actuel.

-Je pense que tu te doutes de ta présence ici ?

Taehyung hocha légèrement la tête, ses boucles s'éparpillant légèrement autour de son visage.

-Le premier violon.

Taehyung fixait la plaque en métal gravée qui décorait le bureau en acajou.

"Kim Chul-soon"

Combien de fois cette plaque et ce bureau allaient changer de propriétaire, encore ? Il leva la tête pour observer les tableaux représentant les différents directeurs de l'Opéra depuis 1894. Il y en avait eu cinq depuis le début, sans compter Kim Chul-soon. Taehyung était certain que des fragments d'âmes appartenant aux anciens directeurs perduraient à l'intérieur de cette pièce. C'était une sensation qu'il ressentait. Chaque fois qu'il entrait dans ce bureau, l'air était chargé d'histoires, d'émotions. S'il fermait les yeux, c'est comme s'il sentait leurs fantômes se tenir derrière son dos.

Taehyung était comme ça, un peu rêveur.

Chul-soon soupira et retira ses lunettes avant de se masser les yeux de son index et de son pouce.

-Prends Mingyu, qu'on en finisse, commença le directeur de l'Opéra de sa voix grave. Cette histoire est aussi stressante pour toi qu'elle l'est pour moi.

Taehyung se renfrogna sur son siège et Chul-soon s'exaspéra devant la réaction enfantine de son chef d'orchestre.

-Quel est le problème avec Mingyu ? demanda-t-il, sa voix se brisant légèrement vers la fin de sa phrase, désespéré par l'entêtement du bouclé.

-Mingyu est un diamant poli, commença-t-il. Je ne veux pas d'un diamant poli, je veux un diamant brut.

Chul-soon écarquilla les yeux et regarda longuement Taehyung, ahuri. Il y avait des moments où personne ne le comprenait et sa réponse en était le parfait exemple. Il était vain d'essayer de déchiffrer le chef d'orchestre. Peu de personnes avaient essayé, d'ailleurs. Chul-soon avait abandonné il y a bien longtemps.

-Est-ce que je peux y aller ? demanda Taehyung. La répétition de l'Enchanteresse ne devrait pas tarder.

Chul-soon cligna des yeux, comme brusquement ramené à la réalité. Il le regarda se lever et se diriger vers la porte, impuissant. Taehyung semblait bien décider à camper sur ses positions. Mingyu ne serait pas le premier violon du concerto de Korngold.Et peu importe le nombre de fois où il le confrontera à ce sujet, Taehyung ne changerait pas d'avis.

Lorsque la porte se referma doucement sur le chef d'orchestre, il soupira avant de s'affaler sur son siège et de fixer le cadre photo posé sur le coin de son bureau. Il sourit à la jeune femme représentée dessus. Elle était magnifique. Il l'observa quelques instants, toujours aussi surpris des similitudes que le chef d'orchestre et elle possédaient. C'en était troublant.

-Qu'est-ce que je vais faire de lui ? lui chuchota-t-il, un sourire nostalgique courbant ses lèvres.

En début de soirée, après une longue journée de travail, Taehyung prit le métro pour rentrer chez lui. Il avait hâte et savait déjà ce qu'il comptait faire une fois qu'il serait arrivé dans son grand duplex : se servir un verre de vin et se prélasser sur son canapé tout en écoutant de la musique. C'était son programme. Sa journée avait été particulièrement longue, entre la question du premier violon du concerto de Korngold et le début des répétitions en parallèle de la représentation de l'Enchanteresse de Tchaïkovski qui aurait lieu dans un mois, Taehyung était éreinté. Mais il adorait ce qu'il faisait et n'aurait changé cela pour rien au monde.

Les yeux fermés, écouteurs vissés dans ses oreilles, Taehyung fermait les yeux tout en se laissant bercer par la douce musique, celle-ci caressant ses tympans de la plus agréable des façons. Chopin était sans aucun doute son compositeur préféré et il ne se lasserait jamais d'écouter ses œuvres. Le métro était plein, c'était l'heure de pointe, mais pourtant, Taehyung avait l'impression d'être seul. Il ne prêtait aucune attention à ce qu'il se passait autour de lui.

Il ne fit pas attention au vieil homme qui lisait le journal à ses côtés ou encore à la lycéenne en face de lui qui le lorgnait du regard en se mordillant la lèvre. Taehyung avait les yeux fermés et avec les Nocturnes de Chopin qui le berçait, il avait l'impression d'être bien loin d'ici. Il avait l'impression que s'il ouvrait les yeux, la seule chose qu'il verrait serait l'immensité de la voie lactée. La sensation qu'il pourrait toucher les étoiles du bout des doigts.

C'était toujours comme ça lorsqu'il écoutait de la musique. Il suffisait qu'il entende des notes pour se sentir apaisé, qu'il ferme les yeux pour se avoir la sensation de partir dans un autre monde. Taehyung avait été bercé par la musique classique toute sa vie et il avait bien l'intention de mourir avec elle. C'était son addiction, sa drogue, son pêché – si l'on pouvait considérer cela comme tel.

Après plusieurs minutes, il entendit le nom de son arrêt et ouvrit doucement les yeux, faisant intérieurement couiner la demoiselle en face de lui. Elle était arrivée quelques stations auparavant et lorsqu'elle avait vu cet adonis assis à une place, l'air serein, elle n'avait pas mis longtemps avant de s'accaparer celle d'en face, lui laissant alors tout le loisir d'admirer ce joyau brut. Mais il avait gardé ses yeux clos, la laissant frustré, attendant avec impatience le moment où elle découvrirait l'intensité de son regard.

Et elle n'était pas déçue.

Taehyung tourna lentement la tête vers la droite pour remarquer que la place à ses côtés était désormais vide. Seul le journal était là, prenant la relève du vieil homme qui l'avait auparavant occupé. Et Taehyung pensa que c'était là les derniers vestiges de ce moment unique passé côte à côte. Il se releva alors pour sortir, la jeune fille en face de lui le regardant avec un espoir vain auquel il ne prêtait même pas attention.

Taehyung avait conscience du nombre de personnes qu'il mettait dans cet état. Ce n'était pas du narcissisme ou quoi, c'était juste que les regards obliques qui avaient dévalé sa silhouette avaient été trop nombreux pour passer inaperçu. Au début, il en était flatté, ce qui paraissait normal. Mais au fur et à mesure des années, il avait commencé à avoir l'impression que les gens ne voyaient que ça. Comme si sa personne se résumait seulement à son physique. Mais Taehyung était bien plus que ça. Tellement plus. Alors il avait arrêté d'y prêter attention. Taehyung n'était pas narcissique. Il était juste magnifique et personne ne pouvait réfuter ce fait. Pas même lui-même.

Lorsqu'il posa le pied à quai, il distingua qu'il y avait énormément de monde. C'était presque comme si les gens se marchaient dessus. Il était difficile d'avancer et il était facile de se faire emporter par la cohue. Taehyung soupira et enfouit ses mains dans les poches de son long manteau noir tout en se dirigeant vers la sortie. Il marchait lentement, le regard rivé sur ses chaussures parfaitement cirées. Certaines personnes s'agacèrent de voir cet homme qui semblait marcher avec une telle paresse. Tout le monde le dépassait, il voyait des paires de mocassins à ses côtés, très vite remplacé par des bottines ou des talons. Taehyung avait eu le temps de voir des chaussures en tous genres.

Il était perdu dans ses pensées lorsque, tout à coup, une douce mélodie se fit entendre. Il fronça les sourcils. Les notes de musique entraient doucement dans ses oreilles, se superposaient à Chopin, avant de se battre avec elle et de lui faire de l'ombre. Taehyung retira un de ses écouteurs, surpris, avant de tourner la tête vers la provenance de cette mélodie qui avait osé interrompre les Nocturnes.

À sa gauche, l'image qui s'implanta dans sa rétine le figea. Il voyait des cheveux bruns chatouiller légèrement le tendeur d'un violon. Il voyait des doigts, longs, graciles, pincer les cordes. Il voyait un visage d'une grande douceur, dont les traits et la peau opaline lui semblèrent angéliques. Taehyung était surpris. Il ne pouvait distinguer les yeux du garçon lui faisant face, ils les avaient fermés, mais il voyait ses longs cils brossés délicatement les pommettes de ses joues. Le petit musicien avait la bouche légèrement entrouverte et les sourcils froncés. Curieux, Taehyung se tourna complètement dans sa direction, lui faisant face.

Après avoir longuement détaillé le garçon, il écouta d'une oreille attentive cette harmonie qu'il produisait à l'aide de ses dix doigts et fut agréablement surpris lorsqu'il reconnut ce qui était joué.

L'Adagio di Albinoni.

Taehyung eut un petit sourire. Cette composition de Remo Giazotto était une des œuvres les plus célèbres et populaire de la musique classique contemporaine. L'Adagio di Albinoni était une œuvre originale, mais Giazotto avait utilisé pour sa composition des éléments thématiques et la basse chiffrée d'une œuvre perdue d'Albinoni, un grand violoniste et compositeur ayant vécu durant la période baroque. Tomaso Albinoni avait laissé 300 œuvres derrière lui, dont quatre-vingts Opéras dont il ne restait pratiquement rien à l'heure d'aujourd'hui, soixante-dix d'entre eux ayant été détruits durant la Seconde Guerre mondiale. Taehyung grimaça légèrement en repensant à cette perte.

L'Adagio di Albinoni était une œuvre pour orgue, instruments à cordes et basse continue. Mais là, seulement un violon faisait l'éloge de cette composition. Et c'était magnifique. Ce n'était pas parfait -bien sûr- Taehyung avait remarqué que le violon du jeune homme était trop petit pour lui, restreignant ses mouvements. Certaines notes étaient fragiles. Mais c'était beau. C'était sublime. Ce jeune homme était en train de le faire vibrer.

L'Adagio di Albanoni... Il le vivait.

Emmanuel Kant disait que la musique était la langue des émotions. Et cela ne lui avait paru jamais aussi vrai qu'à cet instant précis.

Taehyung pouvait ressentir toute cette tristesse et cette mélancolie qui transcendait l'air. Il ne comprenait pas pourquoi personne ne s'arrêtait pour l'admirer. Taehyung se tenait à une dizaine de mètres de lui, de l'autre côté, une foule marchant d'un pas rapide entre eux, pressés de rentrer chez eux, et pourtant il ne voyait que lui. Le monde semblait s'être arrêté. Il semblait que ce n'était qu'eux deux, le reste n'étant que superficiel, sans intérêt. Une fois que l'affluence se dissipa, Taehyung se rapprocha de lui, se tenant tout près.

Le jeune homme avait toujours les yeux fermés et Taehyung détailla ses vêtements sales, l'étui usé de son violon et le pauvre gobelet à ses pieds qui ne contenait que trois pièces. Lorsqu'il finit les dernières notes de l'Adagio di Albonini et qu'il ouvrit les yeux, Taehyung planta son regard dans le sien. Ses yeux étaient incroyablement beaux : grands, brillants, une multitude d'émotions passaient dans ce regard chocolat.

Le jeune homme, quant à lui, fut surpris de voir une présence aussi près de lui. Il recula d'un pas, légèrement gêné. Il examina son long manteau noir, son pull à col roulé de la même couleur, son pantalon à pinces gris et ses chaussures de luxe qui brillait tellement qu'il était sûr de pouvoir apercevoir son reflet dessus. L'homme en face de lui l'intimidait légèrement, ses bouclettes sombres encadrant son visage, ses yeux perçants et ses traits incroyablement bien façonnés lui conféraient cette aura énigmatique. Il avait l'air mystérieux, inaccessible, comme une œuvre d'art indéchiffrable. Et cet homme le fixait, aucune émotion ne se distinguant sur son visage parfait.

-Comment t'appelles-tu ?

Il sursauta légèrement, ne s'étant pas attendu à ce qu'il possède une voix aussi grave et rauque. Ça l'avait surpris. Elle était douce, comme du velours. Il déglutit et serra la manche de son archet avant de lui répondre.

-Jungkook.

Taehyung acquiesça et lui offrit un petit sourire.

Ceux qui connaissaient Taehyung avaient du mal à le comprendre. Il lui arrivait parfois de dire des choses que seul lui comprenait, de prendre des décisions insensées auxquelles personne n'aurait pensé. C'était comme s'il avait sa manière unique de penser et de voir le monde. Mais c'était toujours juste et le résultat était d'autant plus remarquable lorsque cela concernait la musique. Comme lorsqu'il avait convaincu Hoseok de jouer Mazeppa de Liszt lors de son dernier concours. Tout le monde pensait que les deux garçons étaient complètement fous. Cette œuvre de Liszt faisait partie de l'une des plus difficiles à interpréter. Et pourtant, ça avait été le choc. Hoseok l'avait réalisée avec brio. Ce fut d'ailleurs cette interprétation si maîtrisée de Mazeppa qui le fit se démarquer et qui lança le début de son succès. À ce jour, les pianistes sachant jouer cette oeuvre avec autant de justesse et de dextérité se comptaient sur les doigts d'une main.

Et Jung Hoseok était l'un d'entre eux.

Alors, oui, Taehyung prenait parfois des décisions insensées, un peu comme celle de choisir ce gamin pour être le premier violon du concerto de Korngold. Peut-être qu'il se ferait critiquer, que certains réfuteraient sa décision, mais ça l'importait peu.

Le garçon aux yeux immenses qu'il voyait en face de lui l'avait conquis. Et il avait la sensation que ces deux orbes chocolatés qui le fixaient lui chuchotaient qu'il n'était pas au bout de ses surprises.

Ça y est, il l'avait enfin trouvé.

La pièce maîtresse de son concerto.

-Jungkook, dit-il lentement, comme pour s'imprégner de la façon dont son prénom sortait d'entre ses lèvres. Je te cherchais, tu sais ?

🎻

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