13
-Ça va aller ?
-Pour la sixième fois, oui. Tout se passera bien. Vous pouvez y aller.
Jae-sun jeta un regard en biais à la jeune femme qui tenait son fils dans ses bras. Il n'aimait pas l'idée de le laisser seul avec un visage inconnu, mais il devait lui aussi reprendre le travail. Il ne pouvait pas laisser Ha-neul tout porter sur ses épaules.
Il admira son petit garçon qui tenait de ses deux mains le pull de la nounou, le dévisageant avec ses grands yeux. Aujourd'hui, Jungkook avait sa tétine rouge. Sa préférée. Ha-neul et Jae-sun avaient vite remarqué l'amour flagrant de leur fils pour les tétines. Il en avait donc une collection entière de différentes couleurs et piochait celle du jour selon son humeur.
Aujourd'hui c'était la rouge, donc.
Mallette en main, Jae-sun s'approcha de son petit garçon avant de dégager certaines mèches de son front et de lui offrir un bisou sur sa joue rebondie. Jungkook était un petit garçon adorable, tout minuscule, qui lui avait valu le surnom de crevette par son père. Chaque fois qu'il le tenait dans ses bras, il avait l'air si fragile et doux que le coeur de Jae-sun s'enveloppait d'une agréable chaleur.
Il adorait ses petites mains et s'amusait souvent à les poser à plat contre les siennes, juste pour admirer l'énorme différence. Il faisait ça aussi avec ses pieds. Il ne saurait l'expliquer, mais il trouvait ça tout simplement adorable, tous ses petits doigts qui deviendraient grands un jour. Ça lui faisait toujours bizarre de penser au fait que plus tard, Jungkook serait adulte, que ce serait un homme.
Pour l'instant c'était une crevette, et ça lui allait très bien.
Tandis qu'il s'en allait vers la porte d'entrée, une faible poigne s'accrocha à lui et il entendit un léger gémissement. En se retournant, il remarqua la main potelée de Jungkook qui tenait aussi fermement que possible son costume.
Ça le rendit plus triste qu'autre chose.
Il vit alors le regard perdu et brillant de son fils. Jae-sun soupira. Évidemment que ça n'allait pas être simple. Jungkook ne comprenait pas pourquoi son papa s'en allait. Il ne comprenait pas pourquoi il était dans les bras de cette femme dont le visage ne lui disait rien. Jae-sun sentit son coeur se briser à la seule idée que son petit ange puisse penser qu'il l'abandonnait ou quelque chose dans le genre.
Il détacha sa petite main et posa sa mallette au sol. Se massant les tempes, il essaya de trouver un moyen d'expliquer à Jungkook qu'il devait aller travailler. La nounou dévisagea curieusement ce père qui semblait être en pleine lutte contre lui-même. Soudain, Jae-sun posa ses poings sur ses hanches, le regard braqué sur l'enfant qu'elle tenait dans ses bras.
-Tu aimes tes tétines ?
Jungkook hocha la tête.
-Tu aimes tes crayons ?
Là encore, le petit garçon hocha la tête.
-Tes bouquins ?
Jungkook serra fortement le pull de sa nounou.
-Et tes doudous ?
Le petit garçon hochait sagement la tête à chacune des questions de son père et la jeune femme gloussa, trouvant la scène tout simplement adorable. C'était amusant de voir ce jeune père totalement paniqué à l'idée de laisser son fils seul, s'adresser à lui avec autant de sérieux.
-Papa doit aller travailler, continua Jae-sun. C'est important de travailler, tu sais ? Toi tu n'as pas encore ce souci parce que tu fais des siestes et que tu manges tes compotes comme un ogre, ricana-t-il. Mais un jour tu comprendras. C'est parce que maman travaille si tu as tes tétines, tes crayons, tes bouquins et tes doudous.
La tête de Jungkook tomba doucement sur l'épaule de sa nounou tandis qu'il continuait de dévisager son père avec ses yeux inquiets.
-Si tu ne veux pas que le croque-mitaine te les confisque, il faut que tu laisses papa aller travailler.
Le regard du petit garçon s'agrandit légèrement, étonné. Et alors que Jae-sun allait continuer son monologue, Jungkook agita sa main devant lui avant de tourner la tête de l'autre côté. La nounou explosa de rire devant l'expression incrédule de l'homme face à elle.
-Je crois que vous l'avez convaincu au moment où il a prit conscience qu'il risquait de perdre tous ses trésors.
Jae-sun cligna plusieurs fois des yeux avant de se redresser légèrement.
-Profiteur, grommela-t-il, aussi amusé qu'outrer par le fait que son fils lui avait tout simplement tourné le dos.
Il sortit alors de la maison, non sans embrasser une dernière fois son fils avant. C'est qu'il avait réellement du mal à le quitter. Lorsqu'il se retrouva devant la voiture familiale, clés en mains, il laissa son bras retombé le long de son corps. Il dévisagea le siège enfant à l'arrière de la voiture et se fit la réflexion que sa vie était bien différente que celle qu'il avait auparavant.
Sa veste de motard, sa superbe bécane, les drogues douces, les fêtes...Tout semblait n'être plus qu'un lointain souvenir.
Et en pensant à la manière totalement mièvre dont il avait parlé à son fils, il fronça les sourcils.
-Putain, je vieillis mal.
♪
Taehyung ne prenait jamais sa voiture.
Jamais.
Déjà, parce que même s'il avait son permis, il n'était pas à l'aise en conduisant et deuxièmement, parce qu'il aimait l'idée de voir des visages inconnus dans les transports, des personnes avec qui il partageait un moment mais qu'il ne reverrait plus jamais.
Non seulement les transports en commun lui permettaient de voir des visages intéressants, mais c'est aussi de cette façon qu'il avait rencontré Jungkook.
Alors non, Taehyung ne prenait jamais sa voiture.
Normalement.
Mais aujourd'hui fut une exception.
Il n'avait pas donné plus de détails à Jungkook quant à sa petite virée. Il l'avait regardé et lui avait menti dans le blanc des yeux en lui disant qu'il allait voir Hoseok. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, il ne regrettait pas une seule seconde son mensonge.
Il s'était dirigé dans le sous-sol de sa résidence, là où se trouvait le parking, et avait sorti ses clés de voiture pour la première fois depuis ce qui semblait être une éternité. Lorsque sa BMW chantonna, il n'avait pas perdu de temps avant de s'asseoir, mettre le contact, et s'en aller.
Il avait roulé pendant quelques heures avec un objectif bien précis en tête.
Le centre Saengmyeong.
Cela faisait déjà plusieurs jours que cette idée trottait dans sa tête. Il avait d'ailleurs passé certaines de ses nuits à admirer le plafond, pesant le pour et le contre. Mais la date du concert approchait à grands pas et en ayant vu son étoile préparer un gâteau hier dans sa cuisine, lui parlant avec nostalgie des recettes qu'il avait autrefois faites avec son père, Taehyung n'eut plus aucun doute.
Cependant, en se retrouvant dans cette pièce dont les murs blancs étaient aussi éclatants que le paradis, Taehyung se sentit soudain aussi nerveux qu'agacé. Les murs de la salle, malgré leur couleur, suintaient le désespoir.
Combien de personnes brisées ces murs avaient accueilli ? Combien d'espoirs, de rêves anéantis et de honte avaient-ils engloutis ?
Taehyung en eut un frisson rien qu'en y songeant.
En voyant l'homme face à lui, Taehyung avait là un parfait exemple de ce qu'il imaginait.
Jeon Jae-sun ne le regardait même pas. Il se contentait de dévisager la table métallique face à eux sans grand intérêt. Son regard était hagard et aux yeux de l'orchestre, l'homme ne semblait plus qu'être une épave.
Il ne comprenait pas.
On lui avait pourtant dit que cela faisait déjà trois mois que Jae-sun était sobre, alors pourquoi ses yeux étaient aussi vitreux, pourquoi semblait-il aussi...Vide ?
Jae-sun était beau. C'était un fait. Il n'était plus tout jeune, mais il avait une beauté brute, de celle qui éclaire encore même après des années. Aucun doute que lors de sa jeunesse, celui-ci avait dû faire un ravage. Il était le genre de personne que Taehyung qualifiait de lumière. Le genre qui, par sa simple présence, illuminait une pièce et dont tout le monde désirait s'approcher.
Tapotant ses doigts sur la table, le chef d'orchestre prit son courage à deux mains pour enfin parler.
-Je suis Kim Taehyung.
L'homme hocha imperceptiblement la tête, lui faisant comprendre qu'il l'avait entendu.
Au-delà d'énerver Taehyung, toute cette situation l'attristait énormément. C'était le père de son étoile qui se trouvait face à lui. C'était l'homme qui lui avait appris à faire du vélo, qui avait pansé ses blessures, qui lui avait raconté des histoires, qui l'avait aimé.
Qui l'aimait encore, il en était sûr.
Il avait participé à faire de Jungkook, le garçon formidable qu'il était aujourd'hui.
Et juste pour cette raison, cet homme avait une importance pour Taehyung.
Ha-neul était partie, mais ce n'était pas le cas de Jae-sun.
Il y avait un espoir pour que Jungkook retrouve l'un des piliers de sa vie et Taehyung ferait tout pour que ce soit le cas.
Car il est des choses auxquelles on ne devrait jamais renoncer.
-Je suis chef d'orchestre à l'opéra de Séoul...
L'homme sembla tiquer à la mention de cela. Comme si le fait que Taehyung soit affilié à la musique classique avait fait remonter chez Jae-sun des souvenirs aussi beaux que douloureux.
Taehyung se fit la réflexion qu'il n'était pas prêt pour ce qu'il allait lui dire. Il décida donc d'y aller en douceur.
-Dans peu de temps, je représenterai le concerto de Korngold.
Taehyung ferma douloureusement les yeux, soufflant doucement pour se donner du courage. Il n'avait pas l'habitude de se sentir aussi nerveux, ce n'était pas lui. Mais il s'agissait de Jungkook, alors tout le rendait nerveux lorsque ça le touchait, de loin ou de près.
-C'est un concerto pour violon, reprit-il. Le deuxième mouvement est magnifique, il s'appelle Romance et...
Il s'arrêta de parler en remarquant que Jae-sun le fixait, le regard brillant de tristesse et de colère. Au début, il n'avait pas compris pourquoi ce jeune homme aux allures de dieu avait demandé à le voir, mais maintenant il comprenait que Taehyung n'était pas là par hasard. Il ne savait pas quel était son but, mais mentionné Romance n'était pas innocent, il en était sûr.
Jae-sun pouvait encore ce souvenir très distinctement du moment où il avait offert Romance à Ha-neul. C'était il y a maintes années mais il se souvient de la version plus jeune, plus vif et encore amoureux qu'il était. Il avait des flashs de ce jour qui dansaient sous ses paupières, du sourire qu'avait eu l'amour de sa vie, de la joie, de promesses qui s'étaient faites alors qu'ils étaient enchevêtrés dans des draps à l'odeur de fleurs et de quelque chose de plus âcre, plus intime, qui n'appartenait qu'à eux.
-Vous voulez quoi ? murmura-t-il.
Taehyung posa ses coudes sur la table. Il dévisagea Jae-sun quelques instants avant de fouiller dans la poche intérieure de sa veste. Sous le regard sceptique de l'homme face à lui, Taehyung glissa un billet dans sa direction.
Jae-sun détailla cette place de concert, complètement perdu. Les lettres noires sur le fond bleu semblaient l'appeler.
-Jungkook est le premier violon de ce concerto.
Jae-sun redressa vivement la tête et, pour la première fois, Taehyung vit un faible éclat dans son regard. Il paraissait totalement surpris, choqué aussi.
-Jungkook ? Il va bien ?
Taehyung hocha doucement la tête.
Jae-sun le dévisageait avec des yeux brillants, à deux doigts de fondre en larmes. Comment son petit garçon se retrouvait-il à être le premier violon d'un concerto ? Que s'était-il passé entre-temps ? Cela faisait si longtemps qu'il ne l'avait pas vu qu'il était incapable d'avoir une idée de ce qui aurait pu se passer.
-C-comment ? murmura-t-il faiblement.
Taehyung lui expliqua alors toute l'histoire. La manière dont il avait trouvé Jungkook, dans cette station de métro, jusqu'aux dernières répétitions. Il lui parla de la force qu'avait eue son fils pour franchir l'obstacle qu'était Romance, de son amitié avec Jimin, Seokjin et Yoongi tout en omettant sa propre relation avec lui, ne sachant pas comment le paternel de son étoile pouvait réagir. Et enfin, il aborda le sujet d'Ha-neul et Mee-yon.
Lorsqu'il avait commencé son récit, Jae-sun avait pleuré. Beaucoup. Mais lorsque Taehyung lui avait appris que son fils s'était fait des amis, un petit sourire était apparue sur son visage, de même lorsqu'il expliqua la relation des deux violonistes. Jae-sun se contenta seulement de secouer la tête.
-Ha-neul m'avait caché ça..., déclara-t-il pensivement.
Ha-neul et lui avaient été différents dès le départ. Ils étaient tout simplement diamétralement opposés. Jae-sun prit alors conscience que, même s'ils avaient été profondément amoureux l'un de l'autre, il n'était pas le seul âme soeur d'Ha-neul.
Il y avait eu Mee-yon, aussi.
Il se pencha en arrière, regarda les lumières du plafond quelques instants, avant de donner toute son attention au chef d'orchestre face à lui.
-Et donc, tu es le fils de Kim Mee-yon.
Taehyung acquiesça.
-Quel destin, souffla admirativement Jae-sun.
Taehyung n'aurait pas pu définir cette histoire autrement. C'était la vérité. Tout n'était qu'un enchevêtrement des fils du destin qui se rejoignaient enfin, quinze ans plus tard.
-Votre fils...Jungkook est exceptionnel, vous savez ? commença le bouclé. Il est, magique. Tout chez lui est magique et sublime. Il embellit le monde autour de lui et tout ce qu'il touche semble se transformer en or...
Jae-sun dévisageait Taehyung avec grand intérêt.
-Il a beaucoup évolué depuis que je l'ai rencontré. Il commence doucement à s'épanouir et je pense que ce serait magnifique si vous pouviez être là pour lui, lors de ce moment.
Taehyung attendait une réponse, mais Jae-sun ne lui en donna aucune. Il se contentait de le fixer étrangement. Il semblait l'analyser, comme s'il était capable de voir jusque dans les profondeurs de son âme.
Jae-sun avait été surpris d'apprendre que Jungkook était le premier violon d'un concerto.Ha-neul n'avait pas eu le temps d'atteindre ce but, mais son fils l'avait fait. C'était le rêve de Jungkook, le rêve qu'ils partageaient à deux. Son fils voulait aller à l'école de musique de Busan, la même où avait été sa mère, mais Jae-sun avait été trop faible pour le propulser jusqu'à son rêve. Au-delà de la haine qu'il avait contre lui-même, il avait profondément honte. Il avait abandonné son petit garçon, s'était laissé sombrer et jamais il ne se le pardonnerait. Mais il y avait ce jeune homme face à lui qui avait tout simplement réalisé le bonheur de son fils. Qui lui avait pris la main.
Cependant, il avait aussi remarqué autre chose. Taehyung avait un regard qu'il connaissait bien pour l'avoir lui-même eut autrefois. Un regard qui ne mentait pas, des paroles qui ne laissaient pas place au doute.
-Tu l'aimes.
Taehyung déglutit, prit au dépourvu. Il chercha un jugement ou une trace de dégoût sur son visage, mais il n'y en avait aucune. Jae-sun posait un regard empli de douceur et de questionnement sur lui.
-Il n'était pas nécessaire que tu le mentionnes vu la façon dont tu parles de lui, souligna Jae-sun.
Taehyung regarda ses mains, pensant à son étoile qui l'attendait sagement dans son appartement. Il voulait le retrouver, le câliner, l'embrasser et l'entendre jouer avec Miyu, aussi. Il voulait voir son sourire, les ridules près de ses yeux, et entendre cette douce mélodie lorsqu'il gloussait. C'était évident.
Chaque moment qu'il passait avec Jungkook, d'apparences ordinaires, devenait extraordinaires. Il ne pouvait pas s'empêcher de passer sa main dans ses cheveux, d'enfouir son visage dans son cou et de goûter ses lèvres. Il était devenu complètement accro, il le savait. Il était accro à son nez qui se fronçait lorsqu'il ne comprenait pas quelque chose, à la manière dont il triturait les lanières de son violon ou les coutures de ses vêtements lorsqu'il était gêné, des caresses qu'il prodiguait à Miyu avec un visage si serein et paisible, du simple fait qu'il savait que Jungkook se réveillait toujours vingt minutes avant lui et se contentait de simplement l'admirer dormir. De toutes ces choses, il était tombé pour toutes ces choses qui paraissaient si insignifiantes mais qui faisaient battre son coeur.
Alors il décida d'être honnête avec Jae-sun, de lui dire ces mots qu'il n'avait même pas encore dits à son violoniste.
-Oui, je suis amoureux de lui.
Jae-sun porta son regard sur le billet qu'il tenait entre ses mains. Ha-neul et lui n'avait jamais mis dans la tête de Jungkook qu'en grandissant, il devrait automatiquement aimer une fille. L'amour n'avait pas de genre. Si Ha-neul avait toujours été très ouverte d'esprit, Jae-sun s'en foutait juste complètement. Du moment que son petit garçon était heureux, il était heureux. Si c'était avec ce beau jeune homme en face de lui que Jungkook trouvait son bonheur, alors qu'il en soit ainsi.
-C'est une bonne chose, non ? souffla Jae-sun avec un petit sourire, le sillage de ses larmes passées brillant sur ses joues.
Ils se dévisagèrent et Taehyung savait que Jae-sun serait là. Il n'avait pas besoin de le dire de vive-voix, il l'avait compris à travers son regard. L'homme face à lui semblait renaître de ses cendres et comptait bien assister à celle de son fils lors du concerto.
Jae-sun n'était peut-être pas encore totalement sorti d'affaire, peut-être qu'il ferait une rechute, encore. Mais il y avait aussi un espoir pour que son addiction soit définitivement derrière lui. Les autres fois étaient différentes, celle-ci était meilleure parce que Taehyung était là.
Taehyung et le lien indescriptible qui les liaient tous ensemble.
-Je dirais même que c'est merveilleux.
♪
À la fac, Jae-sun ne se voyait pas être père. Il ne détestait pas les enfants, loin de là, mais disons que ce n'était pas son genre. Aujourd'hui encore, il savait qu'il avait traîné avec les mauvaises personnes étant plus jeunes. Enchaînant soirées, galipettes avec des inconnues, virés en moto, il était désormais conscient que ceux qu'il avait considérés comme des amis l'avaient entraîné dans le gouffre.
Puis elle est apparue et ça n'a plus jamais été la même chose.
Tout était si différent.
Il fallait voir le pouvoir qu'Ha-neul avait sur lui.
Peut-être est-ce pour cette raison que, des années plus tard, Jae-sun se retrouvait en ce moment même dans le jardin avec son fils de deux ans.
Son fils...C'était encore incroyable pour lui. Face à lui, ce minuscule petit être humain était son garçon, la chair de sa chair. Il l'aimait tellement, l'adorait...Jae-sun était complètement gaga de ce petit bout qui le regardait avec ses grands yeux, sa tétine bleu décorant son joli visage, ses joues pleines et sa petite salopette.
Jae-sun était ridiculement fan de son garçon, peut-être même plus qu'Ha-neul. Toutes les photos de Jungkook, c'était lui qui les avait prises, mitraillant son fils sans relâche à chacun de ses souffles.
Aujourd'hui, Jae-sun avait un ballon dans les mains. Un minuscule ballon en plastique rouge qui, s'il shootait dedans, pouvait voler à l'autre bout de la ville. Il mit ses poings sur ses hanches, dévisagea Jungkook, avant de poser le ballon sur l'herbe et de mettre son pied dessus.
-Ok, Jungkook. Prêt ? On va voir si t'es aussi bon au foot que ton vieux père.
Le bambin hocha imperceptiblement la tête et Jae-sun tira doucement sur le ballon, le faisant rouler juste à côté de son fils. Jungkook admira le ballon, son père, les nuages et peut-être même le chat qui se baladait sur le muret. Il regardait partout autour de lui, mais ne shootait pas du tout dans la balle.
-Jungkook, le ballon.
Son père souleva son pied, montrant le geste à son fils. Doucement, Jungkook leva son pied et reproduit exactement le même mouvement que son paternel. Mais Jae-sun explosa de rire.
-C'est bien, mais fais-le sur le ballon.
Le petit garçon baissa les yeux, perdu, et tritura les boutons de sa salopette. Jae-sun s'approcha alors de lui, lui caressa doucement les cheveux, et tapa dans la balle, la renvoyant de l'autre côté.
-Tu vois, c'est comme ça qu'il faut faire.
Il s'abaissa alors juste en face de son fils et tira sur la tétine de celui-ci. Mais à peine avait-il eut le temps de la retirer que le regard de Jungkook devint tout brillant et il couina, totalement contre l'idée de son père.
Ne voulant pas créer une crise de larmes à son fils, sachant parfaitement que celui-ci pouvait devenir une véritable alarme lorsqu'il pleurait, il remit la tétine dans sa bouche en s'excusant.
Il se releva donc et se remit de l'autre côté, expliquant bien à Jungkook ce qu'il devait faire. Sûr que son fils avait bien compris, il shoota une nouvelle fois dans la balle. Il admira le ballon rouler jusqu'à Jungkook, excité. Mais alors qu'il pensait que son petit garçon allait lever son pied, celui-ci réceptionna la balle en sautant dessus.
Jae-sun admira son fils de deux ans qui tenait en équilibre sur le ventre, roulant avec la balle, s'avançant à l'aide de ses mains. Il comprit aussitôt que le foot ce ne serait pas pour lui. Il n'était même pas un peu déçu. Jungkook riait, s'accrochant à la balle, et c'était merveilleux.
Soudain, le petit garçon perdit l'équilibre et tomba sur le côté, atterrissant sur les fesses. Et alors que Jae-sun s'approchait, doutant de voir des larmes apparaître, il remarqua que Jungkook n'était absolument pas préoccupé par ça.
Restant à une distance raisonnable, il remarqua les petites mains de son fils occupé à caresser les aigrettes blanchâtres d'un pissenlit, totalement fasciné. Jae-sun s'assit en tailleur, et posa ses mains en arrière, profitant de ce moment de plénitude et du soleil qui caressait son visage. La séance de foot avait duré dix minutes et il savait qu'Ha-neul allait bien rigoler lorsqu'il lui raconterait comment ça s'était passé.
Il papillonna doucement des paupières et remarqua que Jungkook n'était plus à sa place et que le pissenlit non plus. En tournant la tête vers la gauche, il vit que son fils était accroupi et faisait tout simplement un bouquet de fleurs. Il l'admira, le regard si tendre que l'ancien lui ne se reconnaîtrait même plus dans un miroir. Mais Jungkook était non loin de lui, et il faisait un magnifique bouquet avec ses petites mains. C'était si mignon.
Néanmoins, son sourire se fana rapidement lorsque Jungkook s'approcha un peu trop près des rosiers du voisin. Sans que Jae-Sun n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit, Jungkook arracha la tête d'une rose et trottina jusqu'à son père, les mains pleines de fleurs et quelques brins d'herbe habitant ses cheveux.
Il s'approcha de Jae-sun avant d'escalader ses cuisses, ses petits pieds s'enfonçant dans son ventre, lui coupant le souffle. Avant qu'il n'ait pu gémir de douleur, Jungkook avait posé la rose sur sa tête et avait un immense sourire derrière sa tétine.
-Princhesse !
Jae-sun crut s'étouffer. Les yeux écarquillés et la rose toujours sur sa tête, il prit son fils sous les aisselles et le replaça correctement, de sorte à ce qu'il ne lui fasse plus mal.
-Jungkook, tu ne dois pas arracher les roses du voisin, ce n'est pas bien.
Le sourire du petit garçon se fana rapidement et il joua avec les tiges de ses fleurs, triste. Il n'aimait pas quand son papa le réprimandait et ne comprenait pas ce qu'il avait fait de mal. Il avait juste trouvé la fleur jolie et pensait que ce serait une couronne parfaite.
Jae-sun n'aimait pas voir son fils dans cet état. Il n'aimait pas voir l'éclat dans ses yeux se faner, son sourire s'estomper et tout ce qui montrait qu'il était triste. Mais il fallait aussi que Jungkook comprenne qu'il y avait des choses à ne pas faire et arracher l'une des roses du voisins en faisait malheureusement partie, même si l'attention derrière était adorable.
Il s'empara alors de l'aigrette de pissenlit qui trônait au milieu du bouquet et souffla dessus, envoyant les mini-graines s'envoler autour d'eux. Jungkook admira le spectacle et voulut attraper les vestiges de sa fleur avec ses mains, charmer. Il courut autour de son père et lorsqu'elles disparurent totalement, il se replaça devant lui et le dévisagea.
Qui sait ce que Jungkook avait pensé en les voyant voler, où il s'était perdu...Tout ce que l'esprit perçoit, il le fait avec l'aide de l'imagination créatrice, cette goutte d'eau sur la lame de verre qui donne netteté et relief à l'organisme observé. C'était d'autant plus vrai lorsqu'il s'agissait d'un enfant.
Jae-sun savait qu'il attendait qu'il recommence le spectacle. Il s'empara alors de sa tétine, révélant les lèvres toutes brillantes de son fils. Il approcha la boule duveteuse et incita Jungkook à souffler dessus. Le petit garçon souffla alors aussi fort que possible, ses joues devenant presque rouge sous l'effort. Mais malheureusement, il n'avait pas réussi à faire voler beaucoup de mini graines. Jae-sun le prit alors sur ses genoux et positionna la fleur devant eux.
-Il faut que tu fasses un vœu lorsque tu souffles dessus.
Jungkook hocha impatiemment la tête.
-Un...deux...
Et à trois, ils soufflèrent dessus en même temps, envoyant le reste de la fleur dans les airs. Ils admirèrent ensemble les tiges blanches voler au-dessus de leurs têtes. Jungkook gloussa et Jae-sun, attendrit par ce son, embrassa les cheveux de son fils avant de caresser ses mèches brunes de son nez.
À cette époque-là, Jungkook n'avait pas fait de vœux. À vrai dire, au-delà du fait qu'il ne comprenait pas bien la signification, il était surtout trop émerveillé pour penser raisonnablement.
Mais Jae-sun en avait fait un, lui.
Il s'était fait la promesse de toujours faire sourire son fils.
Mais en cette fin d'après-midi, alors qu'il avait le coeur léger, tenant littéralement son monde dans ses bras, il était totalement ignorant de l'avenir souffrant qui l'attendait.
Et malgré tout l'amour qu'il vouait à son petit ange, il serait incapable de tenir sa promesse.
Pas par manque de volonté, mais à force de cruauté.
🎻
Ce chap c'est pour la princesse du soft NuageDePlumes ✨
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