Chapitre 12: La fugue
« La jeunesse laisse fuir ses jours sans y penser, semblable à l'insensé qui porte de l'eau dans un crible. » - Pierre-Édouard Lémontey –
Lorsque Julie se rendit compte que c'était bel et bien Romain devant elle, elle se précipita derrière le lit pour se cacher de lui à l'instar d'un petit animal apeuré. Ses yeux étaient rouges et gonflés la rendant peu présentable et pour clouer le tout, elle venait de faire une déclaration qu'elle n'aurait jamais faite en face de lui. Il n'y avait rien de plus embarrassant comme situation pour elle. Pourquoi était-il revenu malgré ce qu'elle avait dit ? Était-il aussi têtu que ça ? Il ne fallait absolument pas qu'il revienne vers elle. Mais pourtant, elle voulait le revoir plus que tout. Elle restait en position fœtal derrière le sommier tandis que le jeune homme s'approchant d'un pas lent pour ne pas la brusquer.
- Ne t'approche pas de moi. ordonna Julie difficilement.
Il ne lui obéit pas et contourna le lit pour se mettre face à elle. Il s'accroupit pour réduire leur différence de taille et tendit la main, cependant il se retint de la toucher de peur de la briser.
- Ne t'éloigne pas de moi Julie. Si c'est ce que tu veux, je ne serais plus le fils de l'Alpha. Je ne serais plus un loup-garou. Je ne serais plus un Montarou. Alors s'il te plait, reste avec moi. Je t'aime trop pour pouvoir vivre sans toi à mes côtés.
Elle avait bien raison, il était le fils du chef du clan des Lycanthropes. Elle n'aurait jamais pensé que ça finirait ainsi, elle n'aurait jamais imaginé tomber amoureuse du fils du pire ennemi de son propre père. Leur relation semblait impossible. Leurs deux parents se haïssaient plus que n'importe qui.
- Tu ne peux pas être avec moi, je suis une vampire. dit-elle d'une voix tremblante en relevant enfin son visage pour plonger son regard dans le sien.
Leurs mains s'effleurèrent timidement et leurs doigts s'entrelacèrent amoureusement.
- Mais avant tout tu es la femme que j'aime.
Il hésita un instant et posa la question dont la réponse restait encore incertaine pour lui.
- Et toi, m'aimes-tu ?
Elle le contempla longtemps comme pour trouver ses mots, elle cherchait la voix qu'elle devait prendre. Le choix ne fut pas long et elle lui avoua tout ce qu'elle avait sur le cœur.
- Oui je t'aime. Je veux rester avec toi. Même si j'essaye de t'éloigner de moi, je veux malgré tout que tu restes. Même si je veux que tu m'oublies, je veux être encore la seule qui occupe toutes tes pensées. Même si je te dis des choses horribles, tout ce que je souhaite te dire est « je t'aime » jusqu'à en prendre mon souffle. Je t'aime bien plus que ce qui nous est permis. Personne n'acceptera notre relation Romain ! Ils nous sépareront par n'importe quel moyen ! J'ai peur de ne plus pouvoir rester avec toi.
Il penche son visage vers le sien et pose un chaste baiser sur son front pour la rassurer et calmer ses peurs. Julie enroula ses bras autour de son cou pour le serrer contre elle. Tous ces sentiments liés à frayeur d'être loin l'un de l'autre régnaient chez eux. Ils devaient faire face à ce mur psychologique. Il sentait Julie trembler contre elle, peut être pleurait-elle encore ? Ses petits hoquets irréguliers le confirmèrent. Il resserra son étreinte se sentant devenir plus émotif. Ses lèvres atteignirent l'oreille de la jeune fille pour lui chuchoter le fond de sa pensé.
- Si personne ne veux de nous, alors fuyons.
Prise de court, elle cessa instantanément toute larme et se redressa pour pouvoir l'observée, hébétée par cette suggestion soudaine.
- Quoi ?
Ses grandes mains enveloppaient les épaules fragiles de la vampire quand ils se regardèrent face à face.
- Julie, partons, quittons nos clans sans que personne ne soit au courant.
- Mais où irons-nous ? Nous n'avons nulle part où aller.
- On fera notre vie loin, là où ils ne nous trouveront pas. Vivons heureux, là où personne ne nous jugera.
Elle hocha la tête et lui offrit un sourire apaisé. Plus rien ne lui importait à présent, que ce soit son clan, sa famille, ses études, tout ce qu'elle voulait était être avec Romain. Il la prit dans ses bras à l'instar d'un prince portant sa princesse et sauta de la fenêtre pour s'échapper au plus vite de la maison sans que personne ne les ait remarqués. Ce dans quoi ils s'aventuraient n'étaient autre qu'une forêt sombre et sans fin. Les buissons bruissaient à leur passage, les troncs leurs faisaient obstacle, les roches et rochers les ralentissait, les animaux sauvages s'éloignaient de leur passage. Cependant, rien n'arrêta leur escapade d'amoureux. Le feuillage des arbres entravaient les rayons du soleil de midi, illuminant uniquement de-ci de-là leur chemin vers la liberté. Ils se sentaient libérés de toute contrainte, de toute obligation que leur situation leur imposait. Plus rien ne pouvait les arrêter. Julie agrippée au cou de Romain souriait à pleine dents heureuse de ce retournement de situation insolite. Cette fugue était irréfléchie, ils en avaient conscience, malgré ça, cela leur semblait être la meilleure des idées qu'ils aient eu jusqu'à maintenant. Plus aucune règle ne les empêchera de vivre heureux ensemble. Faire un pas en arrière étaient impossible, et puis ils étaient bien trop loin à présent, de toute manière, ce n'était pas dans leurs intentions. Ils comptaient bien rester ensemble jusqu'à leur dernier souffle. Les tourtereaux respiraient l'excitation et la joie remplissaient leurs poumons. La liberté leur offrait des ailes les envola vers un avenir meilleur.
À la sortie de cette forêt après quelques minutes de course, ils rencontrèrent une prairie verte et fleurie de diverses fleurs de campagne. La course confirma les capacités athlétiques hors du commun du jeune loup-garou. Ils redécouvrent avec plaisir l'étoile lumineuse qui séjournait au-dessus de leur tête et inspirent les odeurs enivrantes de la végétation. Romain posa enfin à terre Julie et reprit son souffle épuisé par ce sprint. La jeune vampire se mit à courir à travers les marguerites et pissenlits faisant voler autour d'elle le pollen et les graines autour d'elle. Ses cheveux virevoltèrent autour d'elle et son sourire était semblable à celui d'un ange. Le plaisir d'être dehors gonflait en elle encore et encore. Cette jeune fille au milieu de cette nature indomptée donnait un tableau splendide à Romain qui immortalisa ceci dans sa mémoire. « Je l'aime » pensa-t-il soulagé de pouvoir être là pour la contempler.
Julie s'effondra soudainement au sol surprenant le garçon qui se précipita vers elle. Il se retrouva attirer à son tour dans les hautes herbes à côté d'elle qui riait amusée. Leurs mains se rejoignirent tandis que leurs yeux ne quittaient pas ce magnifique ciel bleu. Comment expliquer que ce qu'ils ressentaient était plus grand que le bonheur et la liberté ? Leurs cœurs étaient en quelque sorte lumineux, ils se sentaient briller de l'intérieur et si vide dans la tête. Leurs corps avaient l'impression de flotter tandis que la gravité les maintenait au sol. Leurs yeux restaient ouverts alors qu'ils voulaient se refermer pour profiter de ce rêve irréel. La présence de l'autre leur retirait des poids considérables des épaules. C'était leur Graal, celui qu'ils avaient tant recherché.
Soudain les sortant de leur bulle, un aboiement résonna dans toute la prairie. Ils se redressèrent pour remarquer un vieil homme qui poursuivait un labrador. L'homme devait avoir la soixantaine ou plus mais semblait malgré tout être en pleine forme. Ses vêtements étaient semblables à ceux d'un pêcheur et il tenait sur son épaule une longue canne à pêche. Il courait derrière l'animal qui galopait en direction des deux adolescents.
- Mazarine ! Reviens ici ! N'embête pas ces personnes ! ordonna le maître fermement.
Mais trop tard, le chien avait déjà fait un grand saut vers Julie pour la lécher au visage sans retenue. Elle le caressa tout en essayant de le repousser gentiment mais rien n'y faisait, l'animal ne la quittait pas. Les léchouilles la chatouillaient et elle ne pouvait pas s'empêcher de s'esclaffer. L'homme rattrapa enfin son compagnon et le tira par le collier pour l'éloigner de la vampire qui avait mal aux côtes à cause de tous ces fous rires.
- On se calme Mazarine ! Excusez-la, elle semble beaucoup vous apprécier mademoiselle.
- Ce n'est rien. C'est un chien très affectueux.
Le canidé acquiesça et continua de remuer inlassablement la queue. Les amoureux se relevèrent et se dépoussiérèrent pour avoir l'air plus présentable devant le sénior. Ce dernier les dévisagea et les démasqua.
- Dis donc vous deux, vous n'êtes pas du coin on dirait.
Romain secoua la tête significativement et répondue pour le couple.
- Nous venons d'arriver.
- Et vous êtes seuls ? Savez-vous où vous aller dormir pour ce soir ? poursuivit l'homme d'un air inquiet.
Le lycanthrope haussa les épaules et prit la main de sa petite amie.
- Non, mais nous trouveront forcément.
- Venez donc chez moi, je vous invite de bon cœur. Vous semblez être de bonnes personnes.
- Mais monsieur, nous ne pouvons pas nous permettre de venir à l'improviste de cette manière . . . ajouta Julie embarrassée.
- Venez, juste pour une nuit au moins. Ce n'est pas mort d'homme. insista l'inconnu.
Ils finirent par accepter et le suivirent à travers la prairie jusqu'à découvrir derrière celle-ci qui était au sommet d'une colline un petit village d'une trentaine de maison à peine. Il était possible de voir derrière le village une école ainsi qu'une église qui de sa cloche séraphique sonnait la fin de la pause déjeunée. Des enfants retournaient dans l'établissement scolaire en sautillant dans tous les sens. Les maris sortaient également de chez eux pour retourner à leur travail, les femmes quant à elles récupéraient le linge qui pendait dehors à leur fenêtre. Une forêt semblable à celle que le couple venait de quitter voisinait le village avec une ambiance mystique. Les chemins de terres qui formaient les rues montraient que ce village n'était pas très riche, ou du moins était peut être récent. Des scooters et motos circulaient tout de même dans et hors la commune signifiant que les habitants avaient des travails en dehors de leur localité.
Quelque chose percuta les jambes de Romain, il baissa la tête et remarqua qu'un petit garçon était tombé à ses pieds. Le jeune homme sourit tendrement et l'aida à se relever en le portant en l'air avant de le reposer.
- Merci monsieur. remercia timidement de gamin.
- Je t'en prie, regarde où tu mets les pieds maintenant.
- Dovan ! Dépêche-toi ! On va être en retard ! s'exclama au loin un autre écolier.
Le garçonnet acquiesça et s'empressa de rejoindre son ami au pas de course.
- Il y a beaucoup d'enfant ici. ajouta Jean-Marie.
- Même si vous n'êtes pas nombreux, ici c'est tellement vivant et animé. s'écria Julie charmée par cet endroit.
Ils échangèrent des sourires chaleureux et continuèrent leur route jusqu'à la maison du vieille homme. Celle-ci était très similaire à l'architecture des autres habitations assez rustiques. Placée entre deux maisons avec un jardin uniquement devant la façade. Des hortensias les accueillaient tandis qu'ils passaient le petit portillon. La porte qui se trouvait face à eux était rouge tandis que les briques qui l'entouraient étaient dans des teintes plus crémeuses. Ils entrèrent et une agréable odeur de lavande les entoura.
- Chérie ! Je suis rentré ! s'exclama Jean-Marie.
L'homme relâcha son chien qui se précipita vers une autre pièce de la maisonnette où il ressortit peu de temps après suivit d'une dame du même âge que celui qui avait accompagné les protagonistes. Dans un premier temps elle eut l'air surprise de voir des inconnus chez elle puis prit un air amical et chaleureux.
- Te revoilà enfin ! Je t'avais dit de revenir avant midi, il est déjà et demi. Qui sont nos invités ?
Les deux adolescents se présentèrent poliment l'un après l'autre. Jean-Marie hocha la tête et expliqua rapidement la situation à sa femme.
- Je leur ai proposé de dormir ici ce soir puisqu'ils ne savent pas où aller. Tu es d'accord ?
Elle roula les yeux et fit volte-face pour retourner dans sa cuisine.
- Je ne pense pas avoir le choix. Installez-vous dans le salon le temps que je prépare des rations supplémentaires.
- Merci beaucoup. s'inclina Julie avant de rejoindre les deux hommes au lieu indiqué.
- Annick, appelle-moi Annick.
La vampire hocha la tête et s'assit à côté de Romain sur le canapé capitonné. À côté d'eux était installé dans un énorme fauteuil le propriétaire de la bâtisse. Quand bien même l'endroit semblait rassurant, l'adolescente sentait le besoin de tenir la main de son amoureux. Ce dernier répondit à ses attentes et glissa ses doigts entre les siens.
- C'est vraiment gentil de votre par de nous inviter ce soir, mais nous ne voulons pas vous déranger plus longtemps. Excusez notre intrusion.
- Mais vous ne nous dérangez pas. Arrête de dire ce genre de chose je t'en prie. On le fait parce que ça fait vraiment longtemps que nous n'avons pas eu d'invités. Vous me rappelez mon fils lorsqu'il a amené à la maison sa première petite-amie. Ils semblaient tellement amoureux. Vous sortez ensemble ?
Le couple rougit suite à cette soudaine question évidente et hochèrent la tête embarrassés par cette confession silencieuse. Jean-Marie sourit en voyant leur réaction timide et se ressassa mentalement ses années précédentes, « C'est beau la jeunesse » pensa-t-il.
Par la suite ils se mirent à table et dégustèrent le délicieux repas préparé par Annick. Un sublime diner qui émoustillait les papilles des membres autour de la table. Pour une fois depuis longtemps le repas qui leur était offert leur semblait exquis. Pas seulement grâce aux talents culinaires de la maîtresse de maison mais surtout parce qu'ils pouvaient enfin partager ensemble, à la même table, sans être gênés par des parents en guerre. Personne ne les jugeait, personne ne les repoussait, ils sentaient enfin que leur couple était accepté. Leurs origines ici n'était plus un mur pour leur relation.
- Donc vous venez d'arriver dans le village ? interroge Annick curieuse de ses invités.
- Oui, nous venons de la commune qui se trouve de l'autre côté de la forêt. Et nous avions eu envie de visiter les alentours avec Julie.
- Et c'est là que je les ai trouvés dans la praire qui est au nord de village. ajouta fier l'homme.
Le chien qui se trouvait en coin de table à côté de son maître aboya comme s'il comprenait très bien la discussion qui se déroulait au-dessus de lui.
- Enfin, Mazarine les a trouvés. Rectifia-t-il sous la demande de son fidèle compagnon.
Ils s'esclaffèrent tous suite à cette remarque pour le moins comique et reprirent ce majestueux repas comme il le méritait d'être dégusté. Durant cette dégustation de roi, l'horizon disparaissait dans l'obscurité de la nuit. Les jeunes gens se dirigèrent chacun vers leur chambre et bien évidement Romain et Julie dormirent dans la même chambre. Les seniors prêtèrent des vêtements pour la nuit aux adolescents, un simple t-shirt et un short pour le jeune homme tandis que la fille reçu une chemise trop grande pour elle qui appartenait autrefois au fils du vieux couple.
Ils s'allongèrent dans le lit confortablement, l'une blottie dans les bras de l'autre. Seule la pleine lune donnait une lumière singulière à la chambre. Leurs regards se rencontrèrent et ils s'offrirent de nombreux baisers amoureusement. Rien de fougueux ou sauvage, des baisers doux et tendres. Leurs souffles se mêlèrent l'un dans l'autre tandis que leurs cœurs battaient à tout rompre pour leur âme sœur. Ils allaient enfin pouvoir dormir ensemble dans être gênés par quiconque.
- Tu penses qu'ils vont nous retrouver ? s'inquiéta Julie après l'avoir embrassé une dernière fois.
- Faudrait-il déjà qu'ils remarquent notre absence.
- Je ne veux plus être loin de toi.
Romain releva la tête et posa un chaste baiser sur le front de sa compagne.
- Moi non plus.
Ils marquèrent une pause, pensant que la discussion était close, mais Julie n'était pas encore prête pour terminer cette journée, même sur d'aussi douces paroles.
- Demain nous partirons, n'est-ce pas ?
- Oui.
Une sourire amer se dessina sur les lèvres de la vampire.
- Ils sont tellement gentils avec nous.
- Je sais, mais nous ne pouvons pas prendre le risque de mettre leurs vies en danger.
- Tu as raison, nous devons partir.
- Dormons. termina-t-il en passant sa main dans les cheveux de sa petite-amie.
Elle acquiesça et ferma les yeux lentement. Les douces caresses dans les cheveux qui lui offrait Romain l'apaisaient et lui faisait oublier tous ses traquas. Le lycanthrope leva les yeux à la fenêtre où il pouvait à peine voir un morceau de la lune. Il la supplia une dernière fois de les protéger du destin avant de s'endormir à son tour. Cependant, la lune est impuissante face au destin et ça, ils ne le savaient pas.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top