Chapitre 8 : En cage

PDV externe

- On peut partir ? Il le faut. Vite ! Avant qu'il n'arrive.

Les poings de Zéphyr se serrèrent davantage encore. Ce n'était pas la première fois qu'il prononçait ces mots, et sûrement pas la dernière non plus. Si au début cette supplique lui brisait le cœur, elle n'était désormais qu'une torture pour la jeune femme. Elle avait essayé, elle avait vraiment essayé. Mais jamais elle n'avait réussi à apaiser le jeune homme. Il était tombé dans une transe fuyant un orage qu'elle n'entendait même pas. Existait-il seulement ? Elle n'en était pas sûre, et à vrai dire, elle y croyait de moins en moins.

Alors que Rolf ne savait sans doute plus ce qu'il disait depuis longtemps. Elle ne ratait pas un mot, pas un seul. Il répétait toujours et inlassablement les mêmes, rendant indigeste chacune de ses nouvelles répliques. Elle aurait sans doute eu honte d'elle-même dans d'autres circonstances. Mais à l'instant toute compassion et inquiétude se transformait en colère. Émotion qu'elle ne pouvait accepter et encore moins relâcher. Il n'y était pour rien.

Mais elle non plus ne pouvait émettre de contrôle sur ce qu'elle ressentait.

Elle ne put qu'agir en conséquence, soit s'éloigner, le plus possible. Il fallait ajouter de la distance pour réfréner ses pulsions. La violence, toujours la violence. Elle n'était capable que de ça. Dès lors qu'elle devait se trouver dans une situation où la force ou l'habileté au combat n'était pas de mise, elle perdait ses moyens. Et elle détestait ça. L'impuissance était le pire des poisons pour elle. C'était pathétique. Si les autres savaient que la grande fille du chef avec soi-disant toutes les qualités possibles et imaginables se sentaient si misérable.

Ça avait toujours été le cas et aujourd'hui cette sensation la rongeait de l'intérieur. Si elle se sentait encore pire aux côtés du jeune homme qui lui aussi posséder un mal semblable au sien, à ce moment ce fut pire que tout. Elle s'était toujours dit qu'elle comblerait le manque de confiance qu'il avait en lui-même, qu'elle ferait tout pour le faire. Mais alors qu'il avait besoin de soutien plus qu'à n'importe quel instant, elle se trouvait incapable de lui venir en aide. Elle ressentait une telle impuissance pour ne même pas parvenir à trouver les mots justes.

- On peut partir ? Il l-

- Bon ça suffit maintenant ! Tu vas la fermer oui !

Un des gardes s'était soudainement relevé, plantant le manche de son arme contre le solide mur des cellules. Rolf tourna alors la tête dans sa direction, reprenant en parti conscience. Enfin, c'est ce qu'on aurait pu croire.

- On peut partir ?

Au lieu de simplement l'exprimer dans le vent, il s'adressait cette choix-ci au garde qui ne tint plus.

- Mais tu te fiches de moi, je t'ai dit de la fermer et tu vas gentiment obéir !

Profitant de la fine épaisseur de son arme pour la faire glisser entre les barreaux, le garde porta un grand coup du plat de sa lame sur l'épaule du jeune homme qui craquât sous l'impact. Si Rolf poussa un cri, sa transe fut au moins brisée. Du moins, le cycle de peur dans lequel il était entré. Ses émotions, toujours aussi incontrôlables refirent surface sous la forme d'une grande colère. Il tenait son épaule, lançant un regard noir au garde, prêt à lui cracher au visage. Ce dernier, satisfait de son silence, retourna auprès de son compère, un sourire méprisable aux lèvres.

- Et bien, c'est beaucoup mieux comme ça.

N'amplifiant que la colère du prisonnier, le garde ne perçu pas le danger dans lequel il s'était mis. Le jeune homme qui n'avait pas perdu de vue sa raison de vouloir partir au plus vite, se résolut. S'il ne les laissait pas s'éloigner, les empêchant de se mettre en sécurité, alors ils le feraient à leur manière.

***

PDV Rolf

Je marchais, encore et encore, en tous sens, traçant un cercle invisible. Avec le temps, mes foulées s'allongeaient ou se faisaient plus rapide. Tel un animal en cage, je ne pouvais que fusiller les humains en liberté, et rugir à chacun de leurs passages. Mes mouvements devenaient mécaniques, nerveux. Je passais mes mains dans mes cheveux, les bougeant en tous sens dans l'espoir de me calmer, ne serait-ce qu'un peu. J'entendais les deux gardes chuchoter entre eux et se permettre de rire d'une manière aussi rustre et grotesque qu'il soit possible. Leurs jacassements mettaient mes nerfs à rude épreuve. J'étais prêt à craquer à tout moment. Lorsque soudain l'un d'eux se rapprocha de notre cellule, alors que je m'arrêtais face à lui, prononçant ces mots avec hargne mais de la plus calme des manières que je pouvais produire. Une colère silencieuse, la pire qui soit.

- Qu'est-ce que tu veux ?

Le garde m'ignora royalement pour regarder Zéphyr. Le regard fixe et insistant, il siffla après avoir réussi à la détailler malgré l'obscurité. Elle, assise dans un coin plutôt éloigné, la tête entre les genoux, se leva mais je ne la laissai pas agir. Alors que le garde laissait pendre ses mains contre les barreaux, j'attrapai violemment son poignet le serrant plus fortement que nécessaire sans m'en rendre vraiment compte. À vrai dire, à ce moment-là, ça ne m'importait pas le moins du monde.

- Qu'est. Ce. Que. Tu. Veux. ?

J'appuyais chaque mot avec haine, alors que je le foudroyais déjà d'un regard noir, mes yeux de jade penchant dangereuse vers ces teintes, la pupille affinée. Accentuant ma poigne à chacun de mes mots, le bras du garde semblait atteindre de nouvelles couleurs également.

- Désolé, ce n'est pas toi que je viens voir. Tu es peut-être très mignon, mais tu n'es pas mon style, gamin.

La simple utilisation de ce mot, me rappela mes faiblesses. Comme à chaque fois que je me le persuadais, la force que je pensais inexistante s'en alla. Il profita de ce moment d'impuissance pour s'extirper de ma prise. Essayant de reprendre le dessus sur mes émotions que je ne maîtrisais plus, je ne pus que me raccrocher à la force que ma camarade, elle, avait. Aussi perturbé que je fusse, ma langue de vipère, elle était toujours là, et n'hésita pas à le faire savoir.

- Dommage pour toi, je te proposais des plaisirs plus doux mais je te laisse avec la dame alors. Bon courage.

Laissant réellement la place à la jeune femme qui s'était avancé jusqu'à nous, déterminée. Je portais un regard confiant. Après tout, elle n'avait pas besoin de moi, elle était suffisamment forte elle-même pour pouvoir se passer d'un poltron de mon espèce.

Zéphyr s'approcha donc du garde à son tour et à mon grand désarroi, posa délicatement ses mains sur le poitrail de l'homme. Un sourire séducteur aux lèvres, et le regard levé, elle glissait délicatement ses mains au grès de ses mots.

- C'est moi que vous voulez ? Tant que je sors d'ici, je peux bien vous laissez vous amuser.

- Ça peut s'arranger si tu restes tranquille.

Cette phrase le fit rire quelque peu. Quels qu'ils aient été, les ordres ne semblaient plus avoir la moindre importance pour lui, préférant se concentrer sur autre chose, ou plutôt quelqu'un d'autre. Et si l'incompréhension de la réaction de Zéphyr m'avait paralysé, la situation me rendait fou de rage. Mes poings étaient serrés au possible et mes sourcils froncés en un arc serré.

Finalement, elle se recula légèrement, toujours le même sourire aux lèvres, déplaçant lentement ses mains dans son propre dos. Et alors, qu'elle marquait une pause, elle lança violemment son pied entre les jambes du garde qui hurla de douleur, lâchant ainsi son arme.

- J'espère que tu auras su prendre ton pied.

Jamais sa voix n'avait été si froide. Pourtant, jamais je n'avais été si soulagé.

Son collègue jusqu'alors distant, vint le récupérer alors qu'il restait tremblant sur place, incapable de faire s'évanouir la douleur du coup. Il ne semblait pas tellement étonné, et se permit un petit rire.

- Va falloir passer à la caisse mon pote, fallait pas parier, hé hé.

Puis, il sortit de la pièce, son camarade sur les bras. Je ne pus m'empêcher de remarquer la trace de doigts sur l'avant-bras du blessé, était-ce vraiment moi qui avait provoqué une telle blessure ? Je ne laissais cependant pas mon esprit partir dans des réflexions inutiles, du moins pour le moment et me permis de me détendre quelques secondes, reprenant une position plus basique. Je portai à nouveau mon attention vers Zéphyr, les mains sur les hanches et le regard désapprobateur.

- Tu ne vas pas bien ! C'était quoi ce numéro ? Tu cherchais à me faire faire une crise cardiaque ou quoi ?!

- Tu parles, c'est moi qui aurais pu en faire une.

Elle afficha une mine de dégoût, frottant l'une de ses mains sur sa jupe cloutée comme pour se débarrasser de la sensation d'avoir touché cet homme, l'autre toujours dans son dos.

- J'ai fait ce que j'avais à faire.

Cette phrase me fit frissonner. Elle l'avait dit d'une manière tellement froide, comme résignée. Alors que les quelques heures passés dans la cellule me semblaient flous, j'avais la sensation d'avoir rater un élément important. Je maudissais mon aveuglement qui, sans que je ne le sache à ce moment, durait depuis bien plus longtemps. Pourtant, je redirigeais mon trouble pour plus tard tout comme mes interrogations. Cela pouvait attendre.

- Enfin, vu que certains ont du mal à s'en servir, j'ai dû exploiter ma cervelle.

Alors que j'étais prêt à lui passer un sermon, elle sortit de derrière son dos un trousseau de clefs, le faisant tinter légèrement. C'était LE trousseau, celui que le garde portait à la ceinture. Je lâchai un rire nerveux, avant d'enfin sourire. Ce n'était pas le moment de parler des risques qu'elle avait pris, la liberté nous appelait alors que le temps, lui, manquait.

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