Chapitre 7 : Un goût amer
Je parcourrai avec frénésie l'horizon. Où étaient-ils ? Par ici ? Ou peut-être là-bas ? Tournant la tête de toute part, je ne savais plus quoi faire. J'étais perdu, totalement seul face à mon désespoir. Je m'étais engagé dans une direction mais, et si c'était la mauvaise ? Et si, je ne faisais que m'éloigner davantage ? Et si ? Et si ? Et si ?
J'entendis soudainement un craquement. Un éclair descendu des cieux pour traverser ce bois, le détruire et tous ceux avec lui. Un simple éclair, une étincelle et désormais un brasier ardent qui se rapprochait inlassablement de moi. Coincé entre de violentes bourrasques, des éclairs plus bruyants et proches, trop proches et une chaleur étouffante, je suffoquais. Ne supportant même plus d'ouvrir les yeux, essayant de survivre à la tempête qui faisait rage autour de moi, sans espérer en sortir vraiment. Et puis soudain, la chute. En un instant, mes poumons compressés par les fumées et le cataclysme ambiant, se remplirent d'une eau salée et indigeste. Mes dernières forces n'étant même plus suffisante pour battre des bras, mon corps commença à s'enfoncer dans l'océan après une dernière respiration erratique entre deux immenses vagues. Je ne pouvais plus penser qu'à une chose, respirer. Respire ! Respire ! Respire ! Respire ! Respire ! Respire ! Respire !
- Respire !
Je crachai violemment tout le contenu de ma trachée, laissant un filet d'eau coulé à travers mes lèvres. J'essayai de bouger, ne serait-ce qu'un peu, pour finalement comprendre que toute force était parti. Je ne sentais plus rien. Juste le froid, seulement le froid.
- ...Allez, tu peux le faire.
Un frisson me parcourra soudainement, permettant à mon corps d'esquisser un mouvement. Alors, il était encore en état de marche finalement. Ce constat et les légers encouragements que je percevais m'ont convaincu de retenter l'expérience. Cette fois, je perçu un léger mouvement au niveau de mes doigts.
- Oui ! Voilà, continu !
Cette voix... à qui était-elle ? Que voulait elle ?
- Allez, ouvre les yeux ! S'il te plait.
On l'aurait dit presque suppliante. Pourquoi devrais-je ouvrir les yeux ? Ça avait l'air si dur, si insurmontable. Dormir avait l'air plus simple. Oui, laissez-moi dormir.
- Non, non, non, ne m'abandonne pas. Pas maintenant ! Allez bas-toi !
N'allait-elle pas me laisser tranquille à la fin ? Si ouvrir les yeux, lui faisait tant plaisir, j'allais le faire ! Mais qu'on me laisse tranquille après. Prenant un temps pour me concentrer à nouveau, je commençais à percevoir un flou de couleurs. La lumière commençant à me gêner, j'arrêta tout essai. Jusqu'à ce que la voix me poussât à continuer à nouveau. Ça y est, je pouvais voir une silhouette au-dessus de moi. De même, les sons qui me parvenaient de très loin, résonnaient désormais clairement à travers mes tympans. Le tout provoquait un mal de tête horrible et m'empêchait d'avoir un quelconque repère.
Essayant de dire quelque chose pour rassurer la personne bien plus paniquée que je ne l'étais, je bougeai les lèvres pour ne finalement laisser aucun son sortir. Seul le goût du sel envahi ma bouche, encore une fois. Encore ? Pourquoi encore ? Qu'est-ce qu'il a pu se passer ? Et après tout, qui suis-je en fait ? Et cette personne, qui est-ce ? Je vis alors pour la première ces yeux océans.
Je me relevai soudainement, ayant beaucoup de mal à respirer. J'avais les poumons en feu, la respiration des plus erratique. Totalement paniqué, je regardais autour de moi. Du bois, non des planches, du métal, non des barreaux, une inconnue, non... Zéphyr. Elle me tenait par les épaules, une mine soulagée.
- Enfin, tu te réveilles.
C'était un rêve ? Ou plutôt un cauchemar. Rien qu'un cauchemar. Il fallait que je me calme. Il fallait que je respire. Sentant un goût amer, je passai doucement ma langue sur mes lèvres. La mer ? Non, ce n'était pas ça. C'était le sang, mon sang.
***
PDV de Zéphyr
Un peu plus tôt...
Mon crâne me faisait mal, très mal. Alors que j'ouvrai les yeux, je ne pus retenir un râle de douleur. En plus de porter un coup si déloyal, ils n'y étaient pas aller de main morte. La main que j'avais posé sur le haut de ma tête me confirma le tout en ramenant des traces de sang sec sur mes doigts. Je fis un état des lieux de mes blessures mais apparemment, j'avais plutôt été épargné, aucune autre marque n'était visible. De même, la douleur n'était pas si importante. Je poursuivi mon analyse de la situation en regardant mon entourage. Je vis Rolf allongé près de moi, toujours endormi, mais en plein mouvement. C'était à croire qu'il ne pouvait pas dormir calmement, ça promettait pour l'avenir.
- Mais à quoi je pense là ?
Je secouai rapidement la tête, regrettant tout aussi vite mon geste quand mon mal de crâne resurgit subitement. Évitant toutes pensées parasites, je me reconcentrai sur mon entourage. Nous étions derrière des barreaux, sûrement dans une cale du bateau ennemi. La preuve était que deux gardes portant les mêmes tenues qu'auparavant nous observaient d'un œil vigilant.
Alors que j'allais m'adresser à eux, pour essayer d'apprendre ce qu'ils comptaient faire de nous. L'objectif n'étant apparemment pas de nous tuer, car cela serait déjà fait autrement. Ainsi, alors que je comptais m'exprimer, une respiration sifflante attira mon attention. Tournant mon regard vers Rolf, je compris enfin l'évidence. Ce n'était pas comme hier. Cette fois-ci, s'il se démenait c'était pour reprendre son souffle.
Il commença à s'agiter en tous sens. Je réagis alors enfin, et me précipita à ses côtés, éloignant ses mains de sa gorge qu'il compressait inconsciemment dans l'espoir de se libérer. Seulement, j'avais beau essayer de retenir ses gestes convulsifs, je ne savais quoi faire de plus. Je ne pu faire qu'une chose, l'encourager. Ça pouvait paraître stupide, mais je n'étais pas capable de quoique ce soit d'autre. J'étais une guerrière née pas une guérisseuse, ici j'étais impuissante. Cette situation me rappela un événement similaire.
C'était il y a dix ans. Nous étions encore bien jeunes, et surtout, deux parfaits inconnus. Tu t'étais échoué sur une des plages de l'île. Celle où j'avais fui mon village une fois encore. Le lieu où je savais que personne n'allait jamais. L'endroit où je t'ai trouvé, notamment épuisé et presque sans vie. J'étais presque plus paniqué que toi. Comment moi, une jeune fille de sept ans à peine, pourrait bien t'aider ? Heureusement, j'avais eu le bon réflexe de t'assister pour éjecter l'eau de ton corps et faciliter ta respiration. Mais après cela, alors que je te voyais plongé de nouveau dans l'inconscience. Je n'avais réussi qu'à te parler, parvenant à réveiller autre chose. C'est ce jour-là, alors que tes yeux me rencontraient pour la première fois que je l'ai su. Tu étais fort. Quand bien même, tu répéterais le contraire par la suite. Je l'avais vu en toi. Cette rage de vaincre, et ce, même face à la mort.
Et encore une fois, je le vis. Quand tu te relevas enfin, derrière le regard terrifié d'un enfant, il était bien là. Parvenant à soulager mon cœur où je ramenai mes mains, il était de retour, sauf.
- Enfin, tu te réveilles.
***
PDV Rolf
Encore un peu sonné par ce songe bien trop réel à mon goût, j'observa davantage mon entourage. Laissant mon esprit s'apaiser avec l'analyse de la situation, détaillant et affinant mes réflexions avec une observation plus poussée que précédemment. Nous étions à l'évidence emprisonnés sous les regards attentifs de deux gardes. Les barreaux étaient faits d'un matériau aux teintes verdâtres, clairement un métal inutilisé sur Beurk. Ni Zéphyr ni moi ne semblait réellement blessé, bien que la trace sur ses mains me fit grincer des dents un instant. Mon souffle avait repris son calme habituel naturellement et mon cerveau paraissait à nouveau en état de marche. C'était enfin passé.
Un déchirement strident se fit entendre l'espace d'une seconde, tout près. Je ne pus retenir un sursaut de peur, enfouissant mes mains dans mes cheveux, entrelaçant mes doigts et les racines entre eux dans une vaine quête de réconfort. Voyant ma réaction, le regard de Zéphyr se voila à nouveau.
- Ça va ? Qu'est-ce qu'il y a ?
Je relevai mes yeux pour les plonger dans les siens.
- Il est... il est là.
Fronçant les sourcils, elle essaya de comprendre sans y parvenir.
- Qui ?
- Il... arrive...
- Mais qui ? Dis-le-moi, s'il te plait.
Les vagues s'abattant violemment contre la coque, le vent qui soufflait aux dessus des eaux et la foudre qui pourfendait les cieux.
- Il envoie ses sbires pour m'avoir. Thor frappe de ses immondes éclairs.
Certains événements nous marquent profondément. Peu importe qu'on les croit oublié, ils ne disparaissent parfois jamais et peuvent venir nous hanter quand on s'y attend le moins. Les souvenirs ne sont que des traces éphémères du passé, les peurs en sont les preuves.
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