Chapitre 4 : Le grand départ

Le soleil atteignait son zénith, et alors que beaucoup se dirigeaient déjà vers la Grande Salle d'où s'élevait les saveurs d'un repas attendu, je faisais une dernière fois le tour du navire à la recherche d'un quelconque oubli. Lorsqu'à l'évidence, il n'en était rien, je me dirigeai vers le petit comité qui m'attendait sur le pont, échangeant quelques banalités. Contrairement à ce que j'avais imaginé, pas un seul membre du groupe n'était absent, même Lothar avait fait le déplacement. Ce geste aussi simple qu'il pouvait l'être m'avait touché, ils n'avaient peut-être pas tort finalement. Alors que le chef venait me voir plus en retrait, je ne pus que faire part de ma gratitude.

- Merci de me laisser prendre un navire, je sais que le village pourrait en avoir besoin... en fait, c'est beaucoup trop !

- Je tiens à te revoir en vie, et même si un bateau et quelques victuailles ne feront pas tout, ça augmentera tes chances...

Le chef semblait vouloir ajouter quelque chose mais une hésitation empêcha ses mots de sortir. Finalement, il posa un regard inquiet dans ma direction alors que sa main agrippa mon épaule un instant.

- Tu as intérêt à revenir.

N'attendant qu'un hochement de tête de ma part, il rejoignit le petit groupe qui s'était formé au pied du bateau, laissant la place à sa fille. C'était le moment que j'appréhendais le plus, ainsi je l'avais retardé du mieux que j'avais pu mais cette fois plus rien ne pouvait ralentir l'échéance. Un mot, il lui suffirait d'un mot pour me convaincre de rester et ça, je devais à tout prix l'empêcher. Déglutissant difficilement, je regardai la jeune femme approcher pour s'arrêter à ma hauteur.

- Je n'ai toujours pas eu ma réponse tu sais.

Elle n'avait pas besoin de préciser pour que je comprenne de quoi il était question, ce simple mot posé la veille résonnait encore dans mon esprit. C'était pourtant simple mais aussi dur à mettre en mot.

- Et bien... comment dire ça, je... je ne suis pas comme vous tu vois...

- Encore ça ?!

Alors que je cherchais mes mots, elle me coupa purement et simplement dans mon élan, semblant presque en colère.

- Je ne sais pas ce qui t'as mis cette idée dans la tête mais tu es bien le seul à penser ça, c'est juste r..

- Je sais.

J'avais été positivement étonné lorsqu'elle eut cet éclat, pourtant, cette fois ce fut moi qui l'interrompu. Ne s'attendant pas à ce que je réplique, à vrai dire, ce n'était pas la première fois qu'elle s'énervait contre moi pour des propos dépréciateurs envers moi-même, mais jamais je n'avais répondu à ses colères, elle stoppa net son discours en devenir.

- Je sais, je suis juste un trouillard en manque de confiance mais laisse-moi finir. J'aime vraiment cet endroit et... et... je compte bien y rester, tant que vous voudrez bien de moi en tout cas. Mais il manque quelque chose... il ME manque quelque chose. J'ai l'impression de stagner ici. J'ai beau essayer de me convaincre que mon amnésie n'est rien. C'est faux. Ma mémoire me manque, ma famille me manque, ... je ne demande pas qu'ils m'acceptent à nouveau comme l'un des leurs. Je pense que ma place est ici désormais mais... mais j'ai besoin de savoir, savoir d'où je viens. Sinon, je ne pense pas être capable d'avancer.

Zéphyr s'avança légèrement et ouvrit la bouche pour parler.

- ...

- Non, ne dit rien ! Je sais, c'est un peu bizarre, et mal expliqué aussi. Mais voilà, j'en ai besoin, tu comprends ?!

J'étais nerveux, très nerveux. Alors qu'elle continuait d'avancer, le regard toujours fixé dans le mien comme depuis le début de la conversation, je n'étais capable que de reculer essayant de me justifier en vain. Elle empoigna mes avant-bras avec une poigne d'acier, et prit la parole.

- Qui essayes-tu de convaincre là ? Moi ou ...toi ? Calme-toi, nom de Thor ! J'ai compris, tu pars à la recherche de tes parents, c'est ça ? Du moins, de tes souvenirs disparus. C'est tout ce que je voulais savoir. Pour le reste, tu me diras plus tard, quand toi-même tu seras capable de mettre des mots dessus.

Mes tremblements avaient cessé, c'était aussi simple que ça, elle parvenait à me faire ressentir tout et son opposé. En quelque sorte, je la détestais pour ça, mais bien moins que son contraire.

- Bon ! Apparemment, Maman a tout mis comme prévue, c'est parfait.

Et aussi vite que le calme était revenu, elle fit naître une grande interrogation. Aussitôt, ces mots prononcés, elle pénétra dans l'enceinte du navire regardant un groupe d'affaires disposés avant mon arrivée sur le bateau et, je dois dire, dont je ne connaissais pas du tout la constitution. Je pris sa suite, l'interrogeant du regard.

- Euh... Zéphyr ?

- Oui ?

Elle se retourna vers moi, les mains sur les hanches, ne semblant aucunement prête à quitter l'embarcation.

- Quand tu disais ''plus tard'', tu voulais dire ''après mon retour'', pas vrai ?

- Et bien, pas vraiment. Quand tu seras prêt. Et j'imagine que ça arrivera avant, enfin, après ce n'est pas important, pour ça, c'est toi qui décides.

Alors que la réalisation prenait part dans mon esprit, la confusion perturba mes mots.

- A..Avant ? Les affaires là-bas ce ne sont pas les tiennes, n'est-ce pas ?

- Bien-sûr que si. Regarde ! On y trouve les armoiries de ma famille.

- Tu as conscience que Beurk et ta famille possèdent les mêmes représentations ? C'est même un choix spécial de ton père pour conserver l'unité de son peuple sous une même bannière.

- C'est vrai. Enfin, peu importe. Pourquoi cette question au fait ? Tu pensais vraiment que j'allais te laisser partir tout seul ?

Alors que mes yeux s'écarquillaient, Zéphyr releva le pont de bois qui unissait le navire à l'île et détacha les dernières cordes. Avant d'avoir pu ajouter quoi que ce soit de plus, le bateau était déjà sur les mers, prêt à parcourir les océans. Toujours littéralement scotché sur place, je ne sus que reproduire les mouvements de bras d'adieu de Zéphyr, d'au revoir plutôt. Cette fois c'était sûr, je devais revenir. Le regard du chef, visiblement aussi au courant que moi, ne me fit pas douté une seule seconde. Les redoutés au revoir avec la jeune femme ne s'était pas du tout produit comme je les avais imaginés, elle avait su me surprendre une fois encore, mais c'était pour le mieux.

***

PDV externe

- Tu comptes regarder l'horizon encore longtemps ?

- Pourquoi tu ne m'as pas prévenu que Zéphyr partait avec lui ?

- Parce que tu en doutais ? Et puis, est ce que ça aurait vraiment changé quelque chose, il n'y a pas qu'avec Zéphyr que tu as du mal à couper le cordon.

- Tous les habitants de Beurk sont ma famille ! C'est normal que je m'inquiète pour eux.

- Tous ?

Astrid prit un air taquin.

- Même Rustik ?

- Malheureusement oui, et de par le sang en plus.

Son air presque dépressif qu'il prit à cette phrase fut vite remplacer par un rire bienvenu, qui fut très rapidement accompagné de celui de sa compagne. Cette dernière s'installa prêt de son mari, et posa sa tête sur son épaule.

- Tu sais, ils sont grands maintenant. S'ils ont besoin de ça, on ne peut pas les retenir indéfiniment. Vu comment nous étions plus jeunes, ça serait assez égoïste, tu ne crois pas ?

- Si, si, je sais que tu as raison mais... et s'ils ne revenaient pas ? Je ne veux plus reproduire d'adieu.

Il secoua la tête, ne pouvant qu'essayer de rejeter cette idée. Effaçant rapidement la tristesse qui venait à l'évocation de ce souvenir, elle se décala dans le même temps, le regardant dans les yeux.

- Ils reviendront.

- Comment peut-on en être sûr ?

- On ne peut pas.

Astrid tendit le bras vers la joue d'Harold et pris tendrement son visage entre ses mains pour qu'à son tour, il puisse la regarder dans les yeux.

- Mais c'est pourquoi il faut croire en eux, comme Stoïk a pu croire en nous à l'époque. Comme un père devrait croire en son enfant.

Harold continua de la fixer encore plusieurs secondes puis combla la distance entre leurs deux corps, posant un léger baiser sur ses lèvres. Alors qu'elle souriait encore davantage, elle leva un sourcil interrogateur.

- C'était en quel honneur ?

- J'avais envie c'est tout.

Elle haussa simplement les épaules, ne cherchant pas à en savoir plus, et tourna la tête vers la mer. Lui, regarda à nouveau l'horizon, plus détendu, mettant son bras autour des épaules de sa bien-aimée.

- Merci.

Ne pensant pas que le silence soit ainsi rompu, d'autant plus pour cela, Astrid sursauta légèrement.

- D'être toujours là, à mes côtés. Merci pour tout.

Un léger râle de douleur s'éleva alors, on peut dire qu'Astrid avait sa propre manière de communiquer ses sentiments.

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