Chapitre 11 : Discrétion

Atteignant le bout du couloir, une grande échelle de bois nous faisait face. Elle menait à une trappe, c'était en quelques sortes notre porte de sortie. Étant assez large pour laisser monter deux personnes, nous nous y attelions. La cale faisant moins de trois mètres de haut, nous atteignons rapidement son plafond. Je jetai un rapide coup d'œil à ma voisine avant de faire lentement coulisser la planche mobile. Une grande ombre nous surplomba, l'obscurité du ciel laissait place à la lumière des cales. La nuit était donc tombée à nouveau.

La main droite agrippée au rebord du pont, la gauche pendant dans le vide avec l'arme, je sorti légèrement ma tête dans l'ouverture créée. Alors que j'essayais tant bien que mal de retenir mes battements de cœur d'accélérer, je commençai à détailler l'espace qui m'entourait. Je ne pus m'empêcher d'avoir un léger sursaut de peur à la vue d'un homme. Inquiétude que je parvins rapidement à calmer en remarquant qu'il était endormi. Je finis ainsi mon tour, personne d'autre n'était en vue.

Je transmis le tout à Zéphyr qui acquiesçai avant de se remettre en mouvement. Elle appuya sur ses avant-bras pour sortir de l'espace de la trappe. Ayant mis par inattention sa main sur mon épaule, elle prit appuie sur un élément clairement instable. Sans pouvoir retenir un cri de douleur, mon épaule s'effondra, m'entraînant dans la chute. Le réflexe qui avait entraîné l'ouverture de mes mains ne m'empêcha pas de m'agripper à nouveau à l'un des barreaux de l'échelle.

Zéphyr agit tout aussi vite que moi, en m'attrapant par la ceinture au niveau de mon dos. À nous deux, nous avions empêché ma chute de se produire. Alors que je soupirais de soulagement, la jeune auburn n'en pensait pas autant.

- Ça va ? Je suis désolée, je ne t'ai pas fait trop mal ? D'ailleurs, tu n'avais pas dit que cette blessure n'était rien tout à l'heure.

L'inquiétude se transformant en moue désapprobatrice, elle m'aurait sûrement crié dessus si les chuchotements n'étaient pas obligatoires dans une telle situation. Ne soupirant plus pour la même raison, je répondis d'un air penaud.

- Disons que la blessure à quelque peu empirer depuis l'autre fois.

Voulant bouger le bras gauche par habitude, je ne fis que fermer la main, seule valide de ce côté si. Et alors que la réalisation que cet espace ne devrait pas être libre se fit, j'entendis un bruit de métal rebondir plusieurs fois avant de s'arrêter dans un roulement. Mon arme était tombée dans le processus sans que nous puissions l'arrêter. Un autre bruit sourd semblable à celui d'une chaise rappant contre le bois s'éleva, nous ne purent que retenir nos respirations, la tête rentrée. Quelques pas se firent entendre avant que tout bruit ne cesse.

Ne sachant la marche à suivre, je cherchai le regard de ma camarade qui semblait interrogative. Lorsque ses yeux passèrent de l'échelle à mon bras, je compris. Elle me demandait si je pouvais tenir seul. Ayant oublié qu'elle m'aidait à me maintenir ainsi, je forçai rapidement sur mon bras valide pour rapprocher mon côté gauche et parvenir à m'accrocher des deux mains à l'échelle en bois. Voyant que son aide n'était plus nécessaire, elle grimpa légèrement et sorti sa tête à l'air libre, tout cela sans faire le moindre bruit. Je la senti se figer.

Levant la tête pour comprendre, je vis un homme au pied de la trappe nous tournant le dos. Il regardait dans toutes les directions en omettant le sol. Remerciant les dieux pour cette chance, je descendis de l'échelle en réponse au mouvement de Zéphyr. Elle me demandait de lui laisser de l'espace, ce que je fis sans hésiter, me doutant de ce qu'il allait suivre. À nouveau à terre, je récupérai l'arme qui avait roulé plus loin.

En peu de temps, je vis un corps me rejoindre. Corps que j'attrapa douloureusement avant de le voir être une nouvelle source de bruit. Rapide et efficace, la grande guerrière de Beurk se révélait à nouveau. Me rejoignant vite d'un geste habile, elle demanda simplement.

- Tu as l'épaule cassé donc ? Tu as de quoi faire des soins sur toi ?

Aussi étrange que pouvait paraitre sa question. Après tout, qu'est-ce qu'un prisonnier pouvait avoir sur lui ? Elle était des plus pertinente. Si nos armes avaient belles et bien été prises, rien de nos affaires personnelles n'avaient été confisqué. Espérant qu'elle puisse avoir raison, je fouillai dans mes rangements, accrochés à ma ceinture, ils étaient bien pratiques.

Découvrant que celui dédié aux soins d'urgences avait pourtant été vidé, je jurai. J'avais été bien naïf de croire qu'ils ne s'étaient pas servis. M'attardant tout de même dans la seconde sacoche avec espoir, je touchai soudainement un fin papier. Comprenant duquel il était question, je ne pus m'empêcher d'afficher un doux sourire alors que j'acquiesçai de manière négative à Zéphyr.

- Je vois. Je suis désolée. Tu vas devoir supporter cette douleur un peu plus longtemps. Mais dès que tout ça est fini, on te soignera, promis.

Posant mon autre main sur son épaule, je portais toujours ce même sourire qui se voulait cette fois rassurant.

- Ne t'inquiète pas pour moi. Ce n'est pas grand-chose. Je préfère mille fois qu'on sorte d'ici plutôt que de perdre du temps à me guérir maintenant.

Pensant au fait que je n'avais toujours pas demandé, je posai une question à la jeune femme.

- Il nous en reste combien ?

- Si le garde a dit vrai...

Elle posa sa main contre son menton pour réfléchir.

- ...il ne devrait y avoir plus que huit hommes.

- Huit ?! Il y en avait autant dans ta pièce ?

- Et bien, si je ne fais pas d'erreur. Il y en avait treize.

Riant nerveusement, je me redirigeai vers l'échelle. Moi qui avais été assez satisfait d'avoir vaincu le deuxième garde, je me sentais soudainement assez minable. Haussant soudainement les épaules, tout cela n'avait rien d'extraordinaire finalement.

Puis tout s'emballa. Un bruit de pas, quelques paroles, un cri, puis d'autres pas, et encore d'autres. Le bruit des armes qu'on sort de leur fourreau ou leur tonneau, la sueur des mains empoignant les manches de bois, les échos des ordres prononcés avec force et fermeté, et enfin le silence. Caché par le brouillard et l'obscurité nocturne, on ne pouvait voir que des ombres. Seules leurs lanternes montraient des visages guerriers plein de cicatrices et autres médailles de guerre. Pourtant, l'ambiance sinistre et le décor, ne leur offrait qu'un air de revenant.

Alors que leur camarade disparu gisait simplement au fond de leur cale, les chasseurs cherchaient avec ardeur l'homme manquant, les yeux levés. Comme si l'arrêt des ronflements de celui-ci avait sonné l'alarme, ils s'étaient précipités à sa rescousse ou plutôt vers celui qui osait troubler son sommeil et leur confort.

- Je crois que c'est le grand final.

Zéphyr acquiesçai à nouveau, et se tourna vers moi, le poing en avant.

- Prêt ?

Je regardai un instant son geste. Puis, comprenant enfin, je fis de même, en plaquant mon poing contre le sien.

- Prêt !

D'un pas mesuré et lent, nous franchissions enfin la limite des cales ou, en quelque sorte de notre zone de sûreté. La luminosité très faible des lieux et leur manie à constamment chercher l'ennemi dans les cieux, nous facilita grandement la tâche. Sans que personne ne perçoive rien, nous étions déjà sur le pont, simplement accroupi. Respirant une dernière fois avant le moment décisif, je portai doucement ma main droite à mon épaule opposée. Pourvu qu'elle ne me fasse pas défaut. En espérant que cette simple prière soit entendue, tant qu'elle n'était pas au détriment de la dernière, celle de survivre à cette bataille. Cela je me l'étais promis plus que tout. Loin de chercher à défendre la femme si chère à mon cœur envers et contre tout, je devais tout faire pour pouvoir continuer à vivre à ses côtés. Ainsi, malgré mon manque de confiance, je m'étais juré, non pas de gagner ou de vaincre mais de survivre, pensant malgré tout que l'un n'irait sûrement pas sans l'autre. Peut-être était-ce pour me rassurer, convaincre le trouillard que j'étais de se battre.

S'ouvrant de nouveau à la réalité, je glaçai mon regard sur mon objectif, ou plutôt ma cible. Franchement, je ne me serais jamais cru dans une telle situation. J'imaginais plus facilement une mort rapide lors d'une attaque ou une vie dénuée de combats. Je n'avais jamais été taillé pour ça, physiquement peut-être mais surtout mentalement. Ayant l'acier et le sang en horreur, je n'avais jamais vraiment compris le naturel guerrier de mes amis. Mais si je m'étais senti différent de ces fiers et braves guerriers, jamais des hommes ne m'avaient paru si incompréhensibles. Ici, je ne voyais aucune humanité chez quiconque des hommes armés me faisant face. Et pour cela, malgré mon dégoût du principe même de se battre ou de faire mal à qui que ce soit, je n'arrivais pas à éprouver de réelle compassion envers ces gens.

Ainsi, sentant le moment arriver en entendant le cri guerrier de la jeune femme, je n'hésitai pas. J'envoya directement le côté sans lame de sa lance vers le cou non protégé de l'homme le plus proche. Bien sûr, je n'étais pas prêt à tuer qui que ce soit pour autant. Ils n'en restaient pas moins des êtres vivants. La respiration devenue difficile par le coup soudain, le garde lança brutalement sa lampe dans ma direction en quête d'un souffle nouveau. Pour mon grand désespoir, il atteint parfaitement son objectif. Réussissant autant de m'éloigner comme de m'handicaper une fois de plus, il respira un grand coup avant de s'élancer vers moi.

De mon côté, je n'avais jamais senti de telle douleur. Si la chaleur ne me dérangea pas, la flamme ardente qui atteignait mon front ne me laissa pas indifférent. Et si le choc ne m'avait pas fait me mordre la langue, j'aurai sûrement hurlé. Cependant, on ne m'en laissa pas le temps. N'ayant même pas pu tâter ma blessure, l'homme était déjà sur moi. Pris d'un certain élan, le garde parvint à me plaquer au sol. Seule la lance, centre d'une lutte acharnée, me séparait encore de l'homme. Les poumons compressés par le poids de mon adversaire, l'arme ne me protégeant que du côté encore entier, alors que l'autre me faisait souffrir le martyre, le combat s'était vite transformé en une bataille désespérée.

Mais alors que toute concentration sur ma propre bataille était de mise, je compris vite que si je n'avais qu'un adversaire en joue, les autres devaient être occupés à vaincre un ennemi plus redoutable que moi. Ne pouvant m'empêcher, je tournai le regard vers la jeune femme. Elle affrontait à elle seule sept hommes, les repoussant les uns après les autres sans réellement les blesser. Elle serait bientôt acculée, c'était certain. Alors que cette pensée me traversa l'esprit, un garde s'approcha par derrière, dans son angle mort. Elle ne le verrait pas à temps. Pensée de trop, peur de trop, je ne pouvais plus me laisser guider par cela. Virant la raison et toute autre forme de réflexion, j'agis enfin.

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