Chapitre 42
Luna
- Et il est parti comme ça ? demande Sandra.
- Comme ça, je réponds en faisant la moue.
Le sourire qui embellissait ses lèvres il y a quelques secondes disparait lorsque je prononce ma réponse. Je lui ai raconté mon entrevue avec Scott au cimetière et elle est aussi déroutée que moi. En réalité, je ne pensais pas qu'il allait partir sans réellement me parler, mais il faut croire qu'on ne connait jamais réellement les personnes qui nous entourent. J'ai eu l'espace d'un instant l'impression d'être une parfaite inconnue pour lui, comme cet atroce après-midi il y a maintenant presque quatre ans.
- Il n'a surement pas vu l'interview, siffle mon amie.
Au fond, j'espère qu'il ne l'a pas vu. Cela signifierait qu'on a encore une chance de se retrouver et peut-être même pour de bon. Pourtant, je doute fort qu'il n'ait pas aperçu quelques extraits de l'interview. L'émission a énormément fait parler et beaucoup de chaines ont diffusé quelques extraits pouvant faire polémiques. Il est vrai que ces derniers jours, j'ai énormément fait parler de moi sans même le vouloir !
Évidemment, dès que j'ai eu fini l'interview, j'ai reçu un message incendiaire de la part d'Ethan. Il pense me faire peur en m'annonçant que je ne tournerais plus jamais pour lui, mais, sans aucune prétention de ma part bien évidemment, je sais que je n'ai pas besoin d'un sale type comme lui pour briller. D'ailleurs, tourner dans un film n'est pour l'instant plus un projet pour moi. J'essaye de me concentrer sur ce qui me rend heureuse et tourner pour de bonhommes louches n'en fait pas partie.
Les médias se sont emparés des infos que j'ai dévoilées lors de mon passage télévisuel pour sortir toutes sortes de ragots au sujet de mon ancien patron. Certaines actrices un peu plus âgées que moi sont sorties du silence et ont fait part des remarques déplacées que le réalisateur leur avait déjà balancées à la figure. Sa carrière est probablement terminée, mais il n'en a même pas conscience, le pauvre.
J'ai reçu quelques critiques de la part d'hommes et femmes ne comprenant pas comment je pouvais être si « idiote » puisqu'il ne faisait que son « travail » et que j'avais gâché son rêve. Je crois que ce qui m'a le plus attristé, c'est de me rendre compte que même entre elles les femmes n'étaient pas solidaires. Certaines trouvaient des excuses tout à fait bidon pour trouver un sens à ses remarques de mauvais gout en prétextant que « la liberté d'expression est là pour ça » ou que « ses blagues sont certes plutôt mauvaises, mais il ne faut pas le prendre pour soi ». Le fait que certaines femmes puissent se dire des choses pareilles me sidère, comment faire fuir un fléau qui se propage de plus en plus dans notre société quand tant de personnes ferment les yeux ?
En grand plaintif, Jay m'a seulement envoyé un emoji qui me faisait un doigt d'honneur pour me faire comprendre que mes petites révélations publiques ne lui avaient pas plu. Je n'en attendais pas plus venant de sa part. La rumeur dit qu'il est parti en cure hier et j'ai de moins en moins de mal à croire qu'il y est vraiment. À ce qu'il parait, il y a retrouvé quelques fans qui se sont battues becs et ongles pour avoir un autographe. Même hors de son environnement quotidien, il sait plaire et jouer aux stars !
- Je ne suis pas sûr.
Sandra s'allonge en faisant l'étoile de mer sur mon canapé. Il faut avouer que ses petites jambes ne sont pas très encombrantes, mais malgré sa petite taille, ses pieds dépassent légèrement du sofa. Consciente qu'elle est en pleine recherche de la place parfaite, je décide de ne pas la déranger et m'assois par terre. Les yeux perdus dans le vague, je fixe mollement le miroir face à moi et attends patiemment qu'une idée de génie m'apparaisse. Trouver un stratagème pour avoir une discussion avec Scott s'avère être plus difficile que je n'aurais cru et notre petite altercation au cimetière n'a rien arrangé.
Un message n'a pas marché, peut-être que je devrais organiser une fête avec tous les anciens du lycée ? Je suis sûr qu'il viendrait même s'il m'a confié ne plus être autant en contact avec Connor et les jumeaux qu'avant. Il faut dire qu'après le lycée, nous avons tous pris des chemins différents et Scott s'est énormément éloigné des autres. Je suis restée en contact avec Ava et Oliver pendant quelque temps, mais au bout d'un moment, nos emplois du temps n'ont plus été compatibles et il a fallu se faire une raison. Même si reprendre contact avec la bande me ferait un bien fou, je ne suis pas sûr que revoir les fantômes de mon passé soit une excellente idée. En plus de ça, prévoir une fête même en petit comité demande du temps, ce que je n'ai clairement pas.
Peut-être devrais-je aller sonner chez lui ? Il m'a montré quelques fois son appartement et je me souviens exactement de la route à prendre. Je ne suis pas sûr qu'en me voyant, un sourire monte automatiquement sur ses lèvres, mais je peux toujours essayer. Quoique, cet idiot serait capable de me refermer la porte au visage. Ce n'est finalement pas une si bonne idée que ça.
Alors que je commence à perdre espoir, un éclair de génie traverse mon esprit. D'un bond, je me redresse rapidement et me retrouve en deux temps, trois mouvements sur mes deux pieds.
- Qu'est-ce que tu fais ? demande Sandra en tapotant sur son téléphone.
- Je n'en ai pas pour longtemps, je dis en me dirigeant précipitamment dans ma chambre.
Étant intimement persuadée que le temps m'est compté, je fais de grandes enjambées pour traverser ma vaste demeure. Quand j'achèterai une nouvelle maison, il faudra que je pense à rapprocher ma chambre de mon salon principal puisque la traversée me semble être la plus longue de ma vie. Je ne sais pas si ce que je m'apprête à faire est une bonne idée ou non, mais je vais essayer, après tout je n'ai plus grand-chose à perdre. Dieu merci, Sandra ne pose pas une ribambelle de questions comme à son habitude, je n'ai vraiment pas le temps d'y répondre.
J'attrape trois grandes feuilles de papier ainsi qu'un stylo bleu et fourre le tout dans mon sac à main le plus proche. J'enfile une paire de baskets qui m'ont couté une petite fortune il y a quelques semaines et me rue à la porte d'entrée comme une dégénérée. Une brosse à cheveux à la main, j'essaye d'arranger ma tignasse pour paraitre présentable. L'idée est de croiser le moins de monde possible, mais si des paparazzis sont à ma porte, il est hors de question qu'ils prennent des photos de moi décoiffée !
- Je serais là avant la tombée de la nuit !
En prononçant ces mots, j'ai l'impression d'avoir à nouveau treize ans. Je disais toujours ça à ma mère quand je partais chez Scott qui habitait à quelques mètres de chez nous. Connaissant Sandra, elle a surement lâché un sourire amusé avant de retourner à ses révisions en faisant comme si elle ne m'avait évidemment pas entendu.
En ouvrant la porte principale de la maison, j'inspecte soigneusement les alentours pour être sûr d'être complètement seule. En me précipitant vers mon garage, j'ouvre rapidement ma voiture et démarre en trombe. Je sais exactement où aller.
En conduisant, je me rends compte que les douces bribes de printemps ont quelque peu disparu pour laisser place aux couleurs vives de l'été. Les filles ont délaissé leur jeans contre des jupes, les femmes ont opté pour des sandales parfois à talons et les hommes se baladent en tongs. Les lunettes de soleil commencent à ressortir petit à petit de leurs étuis pour se poser dans les cheveux ou sur le nez. Les gosses courent partout sans s'essouffler pendant que leurs mères les disputent pour qu'ils mettent de la crème solaire.
Une fois arrivée au parc, j'attache mes cheveux, enfile une casquette et ajoute une paire de lunettes sur mon nez. Il faut à tout prix que je passe inaperçu, que je me fonde dans la masse comme n'importe quel être humain sur Terre. Néanmoins, quand je me poste devant le bac à sable, je comprends vite que je vais me faire démasquer, et pour cause : une ribambelle de mamans sont en train de surveiller leurs mioches en débattant de la météo plus qu'estivale. Je suis plus jeune que la plupart d'entre elles et je n'ai clairement plus l'âge de jouer dans le sable.
Je fais tout de même comme si tout était relativement normal et m'installe sur un banc non loin des jeux. Je sors mes affaires une par une et commence ma petite lettre.
« À la plus belle personne que j'ai rencontrée,
C'est ce que tu avais écrit sur la lettre de la Saint-Valentin, il y a quatre ans déjà. Ce jour-là, je me suis comportée comme une vraie petite idiote. Au fond de moi, je savais qu'il n'y avait que toi pour faire quelque chose de si mignon, mais je crois que je me voilais un peu trop la face. Je ne voulais pas voir l'évidence, ce que tout le monde voyait. Je nous trouvais si différents l'un et l'autre que je ne pensais pas que cela pouvait être vrai. Toutes les filles avec qui tu es sortie à cette époque ne me ressemblaient pas beaucoup et je crois me souvenir que l'inverse était vrai aussi.
Pourtant maintenant, je me rends compte que c'était une évidence et que ça en est toujours une. Tu te souviens de ce jour où tu as dit que de se marier avec son meilleur ami diminuait les chances de divorces ? Sur le coup, on avait bien rigolé comme des idiots, mais finalement, je me souviens y avoir repensé quelque temps après et l'idée m'avait paru bien moins foireuse une fois y avoir réfléchi un instant. Nous partageons les mêmes souvenirs et tu figures sur tout un tas de photos prises pendant notre enfance.
Je ne sais pas quand je suis tombée amoureuse de toi, de ta passion pour le basket, de tous les gros mots que tu sortais par centaines devant ta mère, de ta manie à faire l'andouille avec tes coéquipiers de basket-ball, de tes idées plus foireuses les unes que les autres et de tout le reste. Je n'ai aucune idée du moment où j'ai commencé à avoir des sentiments pour toi, mais je sais seulement que c'était bien avant que tu m'en parles, le soir de l'anniversaire d'Ava.
J'ai vécu quatre ans sans toi, et, sans te mentir, je me suis vraiment bien emmerdée. Bien sûr, je me suis fait des amis que j'aime par-dessus tout, mais ils ne sont pas toi. Personne ne peut te remplacer, tu fais partie de toutes ces personnes qu'on ne peut pas oublier, que je ne peux pas oublier.
Je sais que tu ne pensais pas le moindre mot de ce que tu m'as dit ce soir-là. Pendant un certain temps, je t'en ai voulu. Je t'ai détesté d'avoir pu être si méchant et égoïste, parce qu'au fond, j'avais besoin de toi. Je n'ai jamais été autant entourer qu'à cette période pourtant je me sentais tristement seule. Après cette époque, je me suis dit que je me suffisais à moi-même et que tu n'étais peut-être pas si important que ça pour moi. Pendant mon premier tournage, je cherchais en permanence des personnes qui pouvaient te ressembler, je pensais bêtement pouvoir trouver quelqu'un d'aussi génial que toi.
Évidemment, cette histoire avec Jay était montée de toute pièce, d'ailleurs je suis persuadée qu'Ethan lui a donné un coup de main, un plan pareil ne peut pas venir du petit cerveau de mon ancien collègue. Je suis désolée de ne t'avoir donné aucune nouvelle pendant ces deux semaines, je crois que j'avais un peu plus honte de t'envoyer un message chaque jour.
S'il te plait, ne me laisse pas vivre à nouveau quatre ans loin de toi.
Souviens-toi de nous.
Je crois que je n'ai pas besoin de signer,
Je serais au terrain de basket-ball à côté du lycée, grouille-toi »
Bonjour tout le monde ! Vous allez bien ?
Voilà l'avant dernier chapitre de RI, qu'en avez vous penser ?
D'après vous, comment Scott va t'il réagir face à la lettre ?
Une annonce arrivera dimanche en même temps que l'épilogue, j'espère que vous êtes prêts ! A votre avis, qu'est ce que ça peut être ?
A jeudi !
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