(Archive 2) Chapitre -1 : Entre Les Remparts

"N'as-tu jamais pensé à tes amis, si les ténèbres revenaient prendre le contrôle d'entre tes actes ? Cette pensée me terrifie, petit. Pourtant, tu sais ce qu'il adviendra si par mégarde, tu perds ton protecteur, n'est ce pas ? C'est ce que tu seras jusqu'à ta mort, petit. Inutile de pleurer ainsi."

"-Dans trois jours, maintenant, le Carnaval de Flocombe aura lieu sur la Grand Place de Civytas. Désirez-vous quelque chose, votre majesté ?

-Non, mais merci de l'information.

-...

-Ah, c'est vrai... Vous pouvez disposer.

-Bien, sire.

-Attendez une seconde ! Pouvez-vous juste... m'apporter une tisane de millepertuis, bien chaude, s'il vous plaît ?

-Tout de suite. Permettez-moi avant mon départ et à mon titre de conseiller principal du Conseil des Égides, de vous transmettre un message de ma part, si vous me le permettez.

-Bon... Dîtes toujours...

-Le célèbre Carnaval de Flocombe va bientôt prendre place, et il serait de votre responsabilité de prendre en charge, voyez-vous, les préparatifs de cette fête si importante à la tradition des Civytiens. Si ne nous voulons pas revivre le fiasco de l'an précédent, il serait préférable que nous préparions l'événement suffisamment à l'avance, voyez-vous ?

-Je vois très bien, mais...

-Quel doute vous taraude l'esprit ?

-Cela peut paraître très lâche de ma part, mais... Je ne pense pas être à la hauteur d'organiser une telle chose...

-Il n'y a pas de raisons de penser de tels chose, votre majesté ! Même si ce que vous proposer n'arrive pas à la hauteur des attentes de nos citoyens, un rien d'improvisation pourrait suffire à mettre du baume aux cœurs. Avant d'atteindre à nouveau la festivité d'autrefois, mieux vaut procéder par étapes, voyez-vous.

-Vous avez très probablement raison, mais je m'en lave une nouvelle fois. J'en suis terriblement désolé... Je suis de plus en plus perdu, mieux vaut pour moi de vous attribuer cette tâche...

-Pardon ? Vous remettez l'organisation du Carnaval de Flocombe entre les mains du Conseil des Égides ? Cela n'a aucun sens ! Nous sommes la loi, la justice en ces lieux ! Ce genre de travaux ne sont pas dans nos capacités, vous le savez !

-Alors qui ? Qui pourra ne serait-ce qu'une fois, réjouir les Civytiens, ici ? Je n'enchaîne qu'échec sur échec, que misère sur misère... S'il vous plaît, aidez-moi. Tenez vous-en à ma parole, et faites-le. Ce sera la moindre des choses, et comme le dîtes, un rien suffira. Je vous donne toutes les autorisations nécessaires, tous les pouvoirs qu'il faudra, mais pour une fois... Une seule fois...

-Je comprend, sire. J'en parlerai à mes collègues, soyez-en rassuré.

-Allez-y...

-Bien.

-Et n'oubliez pas ma tisane.

-Assurément, votre majesté, Theios de Champabon."

Voilà cinq ans. Cinq longues années, que notre bon vieux roi, Thibault de Champabon, a délaissé son vieux trône au détriment de ses citoyens. Et voilà cinq dures années, que Theios, s'étant vu attribué le nom des Champabon, endosse le rôle de protéger le grand royaume de Civytas. Il prit le nom de Champabon, lui ayant grandi jusqu'ici dans le village de Hinansho, sous la bienveillance d'une mère adoptive, veuve et modeste. Bien qu'heureux jusqu'ici, se nourrissant de la brise, du cri des oiseaux et d'eau fraîche, il fut retiré à sa mère, meurtrie par cet enlèvement si soudain et violent à l'âge de vingt ans. Sans trop comprendre pourquoi, c'est ainsi qu'on l'apportat à Civytas, et que Thibault de Champabon lui prêta son nom, en toute discrétion et l'éleva comme un vrai héritier du trône. Lui apprenant comme son propre fils, la manière des nobles, le respect des hauts, la sagesse du roi et la force de l'épée. Et du jour au lendemain, quand quelqu'un lui vola la vie, on posa la couronne sur la tête de Theios, sans aucune cérémonie, tout aussi discrètement qu'on l'avait amené ici.

Ce que n'avait pas pu prévoir Thibault par cette décision cruciale, c'est l'inexistence de professionalisme de son successeur. Comment gouverner un royaume quand on a chômé toute une vie ? Quand on a toujours vécu à la campagne, reclus, au gré des saisons et au flot des évènements ?

Theios détestait, et a toujours détesté sa condition. Faisant toujours mine d'apprendre les coutumes propres et délicate du noble parfait, les journées entre les murs du château lui donnait la nausée. La vue de ces bourgeois prétentieux est nauséabonde. L'abondance d'or, de bijoux, de tapisseries de luxe dont sont tachetés les murs, le sol et le plafond, ce n'est que pure fantaisie pour lui. Il n'en découle rien du caractère de ces riches corrompus qui hante ces couloirs de pierre maussade. Ces banquets festifs et recrachant toute la nourriture volée aux citoyens. Ces vitraux lumineux ne contant que mensonges sur mensonges. Ce décor de fou qui ne reflète en rien une monarchie digne de Civytas. C'est tout ce que Theios pensait, de ce qu'il jugeait comme un voile dissimulant la peste.

Et pourtant... Le voilà à la place de l'un de ces nobles. Les premières années furent bien difficiles. Apprendre la bonne manière, toujours être caché de la vue des habitants, toujours pour cause de ses deux petites cornes sur la tête qui font de lui un démon aux yeux du passé. Toujours être seul, terriblement seul, loin de ses amis, lointains amis. Et seuls amis. C'est pour cela, que quand le temps lui permettait, il se faufilait avec entrain jusqu'à son jardin personnel. Un havre de paix, qu'à lui seul délivrait sa sérénité. Un champs de fleurs au pied d'un chêne centenaire, en plein milieu du fort, dans une modeste cour cachée. Ce chêne, c'est Zéus de Champabon en personne qui le planta, fier fondateur de Civytas et de son royaume. Et ces fleurs jaunes qui l'entoure, c'est Theios qui les arrosa, dernier héritier en date, désillusionné par la futilité de l'acier et du diamant.

Le soleil offre déjà ses derniers rayons. Et Theios, accoudé péniblement sur la rambarde du balcon de la salle du trône. Salle du trône, majestueuse, alignées d'une dizaine de piliers, traversée par un tapis rouge et doré, soutenant la table de banquet, et au fond, devant de grands vitraux, le Trône d'Ivoire, sacré, à l'allure angélique et pure, décoré de onze merveilleuses épées, représentant les onze dirigeants qui se sont succédé. Chacun des rois de Civytas, selon la tradition, doit entrer dans la Source de l'Infinie, se situant au point culminant de la ville. Source mystique sur laquelle a été construite la capitale, et dont la légende dit qu'elle rallonge l'espérance de vie et la jeunesse. Theios n'a pas souhaité pénétrer la Source. Un douzième socle a pourtant été installé derrière le Trône d'Ivoire, dès son arrivée au pouvoir. Et lui, observe la lumière ocre brillante, mélancolique de son ancien être. Que pourrait-il faire sans cette rambarde qui le sépare de la vraie liberté ? Tous ses rêves, désirs, amis... Sont désormais bien trop éloigné de lui. Depuis trop longtemps. La ville fortifiée s'étend de tout son long devant lui, et à trois petits matins du Carnaval de Flocombe, qui peut l'affranchir de ce supplice ? C'est à ce moment-là qu'une main plumée sur l'épaule viens le tirer de son somme :

"-Theios ? Que fais-tu à révasser sur la balcon, encore ?

-Hein ? Qui est-ce... Ah, c'est toi, Osarith...

-Tu devrais rentrer, il commence à faire froid. Tu me raconteras tes songes, plus tard."

L'homme-bélier et l'homme-oiseau rentrèrent à l'intérieur du fort, et s'assirent tous deux à la table de banquet, dans le plus grand silence. Un autre homme entra, et déposa une tisane aux millepertuis sur la table d'ébène, sans dire un mot, puis reparti de suite.

"-Alors, petit. Qu'est ce qu'il te tracasse, encore ?" commença l'Avem,

-Tout. Je ne veux plus de cette vie, Osarith. Je veux m'en aller, loin, retrouver mes amis, faire l'honneur des vestiges qu'a laissé ma mère derrière elle, et de toutes les choses qui ont véritablement fait de moi ce que je suis à l'heure où je te parle.

-Je vois. Toujours le même problème. C'est une situation très délicate dans laquelle tu es, ne l'oublie pas. J'ai commandé le Conseil des Égides pour la mise en place du Carnaval de Flocombe.

-Oh, c'est vrai ?

-Oui. Ce n'est pas mon travail, tu le sais très bien. Mais le Carnaval de Flocombe aura bel et bien lieu, et je vais m'en assurer pour cette fois. Tu peux t'acquitter de cette tâche pour le moment.

-Osarith, sincèrement, comment je peux te remercier...

-Pas cette fois, Theios. Il faut que tu comprennes quelque chose."

Le général pris un ton plus sérieux.

"-Écoute. Depuis un moment, j'ai appris qu'un certain mouvement prenait braise dans la capitale. À l'aide de mes agents, j'ai pu recueillir des informations à ce sujet. Des gens te veulent du mal, Theios. Mes agents sont toujours sur l'enquête, mais quoi qu'il en soit de cet engouement, tu es en danger. Je dois m'assurer de maintenir le calme, et c'est pourquoi j'organiserai personnellement le Carnaval de Flocombe, cette année.

-Mais... Pourquoi fais-tu cela ? Ce ne sont que des rumeurs, après tout.

-J'ai fait une promesse à Thibault. Avant sa mort, il m'a demandé un dernier service. Il m'a demandé de te protéger, de veiller sur toi, de te guider à travers n'importe quels épreuves pour assurer ton avenir. Et cela, jusqu'à ce que tu sois lavé de ton destin.

-C'est de la folie...

-Je ne suis pas du genre à ne pas tenir ma parole. Thibault tenait beaucoup à toi. Il était l'un de mes plus chers amis, et c'est en mon devoir désormais d'obéir à son souhait. Tu comprends ?"

Theios sirotat sa tisane dorée encore brûlante, pensif. Les derniers rayons du soleil luisent sur l'eau bouillante.

-"C'est d'une importance capitale ce que je te dit là.

-J'en sais quelque chose, oui, vous étiez très bons amis. J'ignore toujours la raison qui l'a poussé à ne pas me tuer sur le champ, ni même à m'élever comme un héritier. Je ne vois même pas l'intérêt pour moi de porter cette couronne à la noix.

-C'est de ton genre, de donner une valeur de noix à une couronne en diamants, n'est ce pas.

-Oui, on peut dire que j'ai le sens des valeurs.

-Pas le temps de plaisanter. Évite surtout de sortir du fort, au moins jusqu'à ce que le Carnaval soit terminé. Il durera trois jours, comme chaque année. Mais cela ne devrait pas te déranger, tu ne t'aventure pas souvent à l'extérieur du château, d'habitude. Au passage j'avais quelques informations supplémentaires à te fournir.

-Je t'écoutes." répondit Theios en vidant sa tasse.

"-Le mémorial du roi Thibault a finalement été inauguré pour de bon. Son épée sera alors retirée du trône, et placée au mémorial pendant une semaine, comme le veut la coutume. Ensuite, un vent tourne comme quoi un Humain tourmenterai les Civytasiens à l'aide d'appareils explosifs. Une troupe spécialisée a été envoyée pour retrouver l'Humain, accompagné d'une prime pour sa tête vivante.

-C'est tout ?

-Non. Le moral des citoyens est toujours au plus bas. Les gangs se multiplient, les agressions sont de plus en plus fréquentes, et les gens sortent de moins en moins. Cinq familles ont déjà pris leurs bagages.

-Je n'ai pas ma place ici...

-Je sais ! En tant que représentation des Orevum en ces lieux, il est vrai que les hommes-béliers sont encore plus entachés. La présence d'un Orevum ne plaît pas à tous, certes. Je ne vais pas dire que ce n'est pas ta responsabilité, ça l'est. Thibault t'as confié une mission, et il ne t'as probablement pas choisi au hasard. As-tu songé à abdiquer ?

-Si Civytas veut me voir au billot, je n'ai pas l'envie de me mettre à genoux sous la guillotine.

-Tu n'as pas tort, cette situation est très complexe. Contente-toi de faire fleurir tes parterres, je m'occupe du reste pour l'instant." ajouta Osarith en souriant nerveusement.

Un valet pénétra dans la salle du trône.

"-Au Général Militaire Osarith de Civytas, le Commandant de Seconde Lignée Carbon désire vous voir de toute urgence !"

-Carbon ? Le petit frère a encore besoin d'aide avec un cadet paresseux, j'imagine. Il s'en arrache les plumes, de ces recrues aussi démotivées qu'inutiles."

Theios pouffa.

-"Je le rejoint de suite, je ne devrais pas tarder. Nous en reparlerons demain, Theios.

-Très bien. Merci de tout ton soutien, vieil ami."

Osarith se dirigea en direction du balcon.

-"Attend ! Ton épée !"

L'épée fétiche d'Osarith, Rubiss, se tenait droite sur le flan de la chaise.

"-Ah, quelle petite tête..." fit Osarith en saisissant Rubiss pour l'accrocher à sa taille.

"-Il est temps, Theios. À la prochaine, et surtout : reste sur tes gardes."

L'Avem, sans attendre de réponse, grimpa sur la rambarde du balcon. En dessous, un vide vertigineux de plusieurs dizaines de mètres. Osarith écarta ses ailes, redressa la nuque, et se laissa tomber dans le précipice.

Le valet quitta la salle, lançant un vague regard dédaigneux à Theios, désemparé. Et le silence revint. Ne laissant place qu'au faible brouhaha de la ville, vivante sur les décombres d'un passé lointain, et aux battements d'ailes d'Osarith devenant de plus en plus lointains. Theios soupira. Au fond de sa tasse, il vu un reflet. Le visage d'un homme à deux cornes, déformé par une confusion étrange. Ses cornes, c'est ce qui dérange autant, pensa t-il. Il sortit de la poche de son long manteau royal, nostalgique, un petit bonhomme de terre cuite, aux deux bras, deux jambes, à la queue cassée, et aux cheveux frisés en paille. Dernier petit souvenir de ses amis, de lui, lorsque qu'il fut enfant. Premier cadeau que son meilleur compagnon lui offrit, lors de son premier anniversaire à Hinansho. Mère Gazbau lui manque, elle aussi. Tant d'amour et de protection, donné par un corps si fébrile, la dernière fois qu'il l'a aperçue. Bien qu'elle se faisait vieille, que ses cheveux prenaient la teinte de l'hiver d'une vie, c'est elle qui a égaillé son printemps. Qui lui a appris le respect, la politesse, l'éducation, à ouvrir la porte aux vieillards, et à chérir ceux qui lui sont précieux. Trop tard, désormais. L'au revoir que Theios n'a jamais pu dire, est parti sans lui. Les gardes de la ville ont volés Theios à Mère Gazbau, afin de le mettre de l'entraîner de force au pouvoir sous l'aile de Thibault. Ils l'ont privé de la dernière chose qui donnait un but à son existence. Personne ne saurait dire si ce sacrifice a servi jusqu'ici.

Le vent froid de la nuit soufflant depuis le balcon vînt tirer Theios de ses pensées. Déjà, la pénombre revient, et la Lune reprend sa place parmi les étoiles. Theios se leva, et, après un vague regard dédaigneux jeté sur Civytas, partit en direction de son jardin personnel, qui lui seul saura le prendre dans ses bras pour le consoler.

Au même moment, les dernières lumières s'estompent dans les rues. Les bruits se taisent, balayés par la nuit, et d'un coup, Civytas s'éteint. Le pavé des rues n'est plus foulé par l'engouement nocturne des citoyens. En vérité, depuis des années, la sûreté ne rime plus avec le quotidien des Civytiens. Depuis l'arrivée de l'incompétent Theios au pouvoir, la justice et l'autorité ont déclinés considérablement, permettant à de trop nombreux groupes de bandits de sévir et semer la peur au sein de la capitale. Des activités défiant l'humanité de ceux qui en souffrent ont régulièrement lieu, démontrant chacune après l'autre leur horreur. Au même titre que ce problème de criminalité, le peuple a de plus en plus faim. Les revenus alimentaires de la ville sont mal attribués, et les mendiants se multiplient dans les places fréquentées. Chaque personne n'a plus désormais plus confiance en son voisin, les plus méfiants n'osent plus franchir la porte de leur maison. Le labyrinthe que forme les infinies ruelles pavées, les grandes places marchandes dans lesquelles fourmillent les colporteurs et les férus de bibelots inutiles bien que fascinant, toutes les couleurs s'étalant et s'entremêlant dans les galeries de légumes, fruits, poissons, viandes extravagantes, que présentent, bien alignés, les marchands aux drôles de tête parfois, venus de très loin pour espérer vendre leur marchandise où l'on dit l'un des plus grands marchés du monde, encadrés par les habitations rustique parfaitement du style "Mortemis Post-Bellum", de briques de pierre par fondations de bois brut sombre, formant une harmonie du plus bel effet, abritant au point culminant de Civytas, construit sur une source d'eau pure, le haut fort de Saint-Thibault, d'une indescriptible grâce et donnant une telle impression de puissance à ceux qui croisent son regard vainqueur. Et pour finir, l'entrain des citoyens, baignant dans le bon vivre, parfois un peu niais de la vie en Civytas. Tout cela, tout s'est envolé comme l'espoir des civils ici.

Ce n'est que la fin d'un jour comme un autre pour eux. Beaucoup espère pouvoir satisfaire leurs enfants pour une fois. Ils se disent, que Civytas ne baisse les bras que pour un temps, avant d'avancer à nouveau. Qu'il ne suffira que de rester chez soi pour éviter les voleurs. Qu'un seul éclat parmi les étoiles pourra les délivrer du mauvais temps.

La pluie s'étend encore ce soir.

"-Baltus ! Baltus ! Que fais-tu encore dehors, tu ne vois pas qu'il est bien trop tard pour rester ici ?

-Pardon maman, je...

-Pas d'excuses ! Rentre maintenant, tu va encore attraper la mort avec toute cette eau qui tombe !"

Baltus s'exécuta aussitôt. Sur le pas de la porte, il fouilla ses poches, à la recherche de l'unique double de la clef familiale. Avec peine, sous le torrent, il se tordait dans tous les sens pour chercher toutes les poches de son manteau de laine, de sa tunique, de son pantalon, mais sans succès. Exténué par sa journée, il se résolut à l'abandon, et appuya son crâne contre la porte en bois brut contre sa main. Sa truffe de jeune Canem (homme-chien) commençait à s'humidifier par le froid s'installant, qui prenait peu à peu tout son corps. Baltus ferma les yeux, ignorant le vent glacé qui serpentait entre les rues du quartier. Il pensait à la dure journée de travail d'aujourd'hui et de demain. À sa grande sœur, Inora, partie dans un groupe de cambrioleurs renégats il y a maintenant un mois. À tous ces coups psychologiques qu'il reçoit pour ne pas être comme un autre de son genre. Lui aussi, croit en l'étoile qui apaisera les maux qui hurlent au cœur de Civytas.

Il se tourna, et contempla le ciel, couvert d'un noir profond. Un unique dôme de ténèbres se présente sur la ville. Le Canem perçu pourtant, à travers la pluie battante, une lueur dans ce ciel sombre. Au milieu des nuages, un éclat scintille, se reflète dans les yeux de Baltus. Tout à coup, une lumière fend à travers le stratus, dégageant sa traînée blanche et filante à toute allure à l'est de Civytas. Il observa avec attention ce miracle, plissant les yeux, et découvrit qu'il semblait y avoir en son centre, un cœur pourpre, violacé. Après quelques secondes, l'étoile disparaît derrière la maison d'en face. Baltus resta inerte, écarquillant les yeux, ignorant presque le déluge s'abattant sur sa tête. Une voix viens le tirer de son rêve.

"-Baltus, bon sang ! Ne traîne pas, ouvre cette porte et viens te réchauffer !"

Il sortit enfin une clef de son manteau trempé, et pénétra dans la chaumière. Baltus n'oubliera pas l'éclat venant des cieux, cette nuit-là. Et pourtant, qui sais ce que cet ange viens sauver, au juste. Car Baltus est le seul à avoir perçu la lumière. Et pour une raison bien simple, il n'était pas nécessaire que quelqu'un voit son arrivée. Du moins, ça ne changera rien à son but.

Là est la fatalité du futur de tous les Civytiens. Même si tous gardent la lueur au fond leur âme, cela ne peut pas toujours contenir la rancœur, l'injustice d'un sort dont ils ne devraient pas être la proie. Au fil des années, croît la colère, subit le désespoir, puis naît la haine.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top