Demain j'avais rendez-vous pour faire une échographie. L'infirmier devait m'accompagner, j'étais un peu inquiet sur le fait qu'il pouvait en parler aux autres professeurs mais si je ne lui faisais pas confiance, j'allais être encore plus mal. J'avais besoin d'un repère dans ce bordel qu'était ma vie.

Je n'arrêtais pas de triturer mes doigts, allongé dans mon lit. J'avais réfléchi toute la semaine aux paroles de Felix et il était vrai qu'il m'avait fait douter. Mes nuits étaient courtes, je dormais deux à trois heures maximum mais mes journées de cours étaient rythmées par mes renvois de cours à cause de mes siestes. Ça ne changeait pas de d'habitude, à l'exception des cours de mathématiques, physique et chimie. C'était les seules matières qui m'intéressaient, mes notes excellentes en étaient la preuve. Mais pour les autres matières, c'était une catastrophe. Les examens de fin de lycée approchaient et l'idée de réviser n'avait pas encore effleuré mon esprit. Je passais tout mon temps libre à dormir ou manger.

Mon esprit était bien trop occupé par ce parasite, comme actuellement. Il était 3 heure du matin, tout le monde dormait à poings fermés, sauf moi. Je m'étais levé en soupirant, j'avais besoin d'eau. Je m'étais dirigé vers la salle de bain sans oublier de saisir ma bouteille d'eau puis je m'étais enfermé dedans, la lumière m'avait agressé et j'avais mis un temps fou à m'y habituer. Assis sur le couvercle des toilettes, je m'étais mis à boire l'intégralité de l'eau que contenait la bouteille, assoiffé. C'était qu'il prenait tout ce petit parasite.

Timidement, j'avais relevé mon ventre. Il était légèrement gonflé par l'eau bien sûr, mais pas que. Mon ventre était encore tout à fait normal, je n'avais même pas besoin de le cacher. Mais tout de même, Chan et moi avions fabriqué quelque chose, et ce truc était en moi.

J'avais dégluti en jetant la bouteille dans la petite poubelle à côté des toilettes et m'étais levé, le tee-shirt relevé et tenu par une de mes mains. Je m'étais placé devant le miroir sali par les crachats de dentifrice des autres garçons de la chambre. Ça n'était pas un grand miroir, mais il était assez bien placé pour que je puisse apercevoir mon ventre de profil. J'avais froncé les sourcils en m'observant quelques secondes. Me dire qu'à l'intérieur, c'était à moitié moi et à moitié Chan était fou. Impensable, incroyable. Avec une crainte immense, ma main tremblotante s'était posée dessus. Puis elle l'avait caressé, tout doucement. Mes yeux ne pouvaient se détacher du spectacle que m'offrait ce miroir sale.

- Hyunjin ? Avait timidement demandé une voix dehors en tapotant sur la porte.

J'avais sursauté en relâchant tout de suite mon tee-shirt et j'avais soupiré. Je n'avais pas assez bien entendu pour savoir qui était-ce. J'avais passé mon autre main sous mes yeux puis mon poignet sous mon nez avant d'avaler ma salive. Il fallait reprendre ma force que ce parasite était en train de bouffer. Il fallait que je redevienne moi-même. Demain, lors de mon rendez-vous, je demanderai au médecin comment faire pour le retirer.

En ouvrant, j'avais trouvé Seungmin, son visage était plus que fatigué.

- Tout va bien ? Il m'avait demandé avec sa petite voix.

Je l'avais regardé dans les yeux. Seungmin était un type sympa, on s'entendait assez bien pour se qualifier comme ami. Il ne m'avait jugé sur mon passé plus que désastreux puis on riait bien ensemble. Il était assez gentil, sauf quand on l'énervait. Il s'entendait bien avec pas mal de monde mais il était vrai qu'il restait le plus clair de son temps avec nous, Felix et moi.

- Oui, pourquoi ?

- Ça fait plusieurs fois que tu te lèves en pleine nuit, tu restes 1 heure dans la salle de bain et après tu retournes au lit. Et la journée, tu fais rien d'autre que dormir ou manger, en plus t'as toujours tes vomissements...

- Moins qu'avant ! Je m'étais exclamé avant de grogner en entendant un mec se plaindre du bruit.

Le visage de Seungmin éclairé par la lumière de la salle de bain trahissait son inquiétude. Il était trop mignon à s'occuper de moi ainsi.

- Tout va bien, t'en fais pas. Je suis juste un peu sur les nerfs en ce moment.

- C'est à cause de... Son regard explicit m'avait fait comprendre qu'il parlait de Chan.

J'avais voulu répondre que non, que Chan n'y était pour rien mais si. Chan y était pour grand chose au final. C'était son enfant aussi, à la différence qu'il ne le saura jamais.

- Pourquoi ça serait sa faute ? J'avais chuchoté en croisant mes bras.

- J'en sais rien... Quand tu es mal, c'est de sa faute en général.

J'avais pouffé avant d'éteindre la lumière et j'étais retourné dans mon lit.

- Non, rien à voir avec lui.

Seungmin n'avait pas bougé quelques secondes avant de remonter sur son lit.

- Si tu le dis... Il avait marmonné.

Je n'avais pas répondu. J'étais allongé sur mes draps, hésitant. J'avais mes deux mains qui survolaient mon ventre. L'idée de toucher me semblait presque interdite désormais. J'en avais envie, je pouvais bien toucher sans avoir peur. Il allait bientôt disparaître de toute manière. Alors j'avais reposé mes deux mains dessus, je ne sentais rien d'autre que mon épiderme chaud. J'avais fini par m'endormir ainsi.

***

"Hey, désolé c'est simplement pour te prévenir que je ne pourrais pas te voir aujourd'hui. Pas la peine de venir me chercher."

J'avais à peine envoyé le message que mon téléphone vibrait déjà, le surnom de Chan s'affichait.

"Salut, pourquoi ? Il s'est passé quelque chose ?"

Il fallait que je trouve quelque chose qui pouvait durer sur le long terme. Si je lui disais que je sortais avec des amis, il le prendrait mal et il allait falloir que j'aille le voir la semaine prochaine. J'avais très envie de le voir, je voulais être avec lui tous les jours, tout le temps. Mais en ce moment, il ne fallait pas qu'on se voit. J'allais avorter, ça ne prendrait sûrement pas un après-midi, puis même, d'après ce que m'a dit monsieur Park, ça pouvait rester douloureux quelques temps. Mais ça en valait le coup, quelques jours de souffrances pour un avenir tranquille, un mec qui reste et des parents pas encore plus déçus.

"Je me suis fait punir en essayant de sortir du pensionnat sans permission. 4 samedis sans sortie. Désolé."

"1 mois sans se voir ? Mais non ! Ça va être trop long... J'avais un truc super important à t'annoncer..."

"Désolé, tu peux me le dire par texto si tu veux."

"Non, je préférais de vive voix... Tant pis, mais ça va être un mois de déprime sans toi. Essaye de pas trop faire de bêtises, histoire qu'ils réduisent un peu la peine. Passe un bon mois 'Jinnie, je t'envoie pleins de bisous."

J'avais souri comme un con devant son message avant d'éteindre mon téléphone et d'accrocher ma ceinture pour laisser l'infirmier démarrer la voiture en direction de chez le médecin.