rock + 35

Mes parents étaient assis sur le canapé à écouter le son perpétuel de la télévision, mais eux ils étaient silencieux comme deux tombes. J'étais debout derrière eux à me triturer les doigts. J'avais passé ma première nuit ici et bien que le petit déjeuner avait été tout aussi calme, je constatais qu'ils n'étaient pas spécialement en colère ou fâchés de me retrouver dans leurs pattes. Ma mère m'avait même souri lorsque je lui avais dit "bonjour" sans aucune agressivité, c'était presque incroyable vu nos rapports plus que tendus chaque fois que l'on se croisait auparavant. J'étais content, j'avais presque l'impression d'appartenir à une famille, c'était quelque chose de réconfortant de savoir que l'on est pas seul sur cette Terre.

Aujourd'hui, j'avais ma famille, ma propre famille, que j'avais construite avec du temps, des larmes, et énormément d'amour. J'aimais mon enfant, c'était un sentiment inexplicable qui m'avait frappé en plein fois bien que j'avais essayé de le refouler désespérément. Et Chan... Chan, je l'aimais comme un dingue. Si j'étais un romantique, j'aurai dit qu'il était l'amour de ma vie, que je voulais passer ma vie avec lui, qu'il avait toujours été là pour moi même lorsqu'il avait peur. Chan était prêt à accepter un rôle de père qu'il ne voulait pas pour moi. Il était prêt à mettre sa carrière en péril pour nous. Je savais qu'il avait encore du mal mais désormais, je continuais à espérer deux parents pour notre bébé.

Là où j'avais moins d'espoir était : qui allait l'élever ? Bien évidemment que je voulais m'en charger, je ne voulais rater ses premières fois pour rien au monde. Je voulais que Chan et moi soyons les premiers à le voir sourire, pleurer, crier, rire, marcher, parler, je voulais être celui qui s'occupe de ses petites dents, j'étais prêt à me réveiller toutes les nuits pour le nourrir ou pour le changer. Malheureusement, je pouvais d'or et déjà supprimer Chan de mes plans, ce dernier n'allait pas pouvoir assister à tout ceci si il décide de continuer sa carrière malgré tout. Ça me faisait mal au coeur mais si son choix était sa carrière, j'allais le soutenir et toujours être derrière lui. Mais moi, allais-je pouvoir aussi en faire parti ? Il y avait tant de contraintes, je n'arrivais toujours pas à trouver de travail, l'examen dans quelques jours allaient sûrement aboutir à rien, il fallait un miracle pour que je sois accepté dans cette école supérieure de sciences, il fallait que je trouve un studio, trop de choses à penser, trop de choses à faire, j'étais déjà perdu.

Dans un lourd soupire, je reposais mon crayon à papier sur la table pour passer mes mains dans mes cheveux et les tirer par les racines. J'étais épuisé, j'avais beaucoup travaillé en vu des examens mais c'était comme si je ramais, rien n'entrait dans ma stupide tête. Je ne comprenais même pas pourquoi j'étudiais. J'étais trop bête et j'avais trop de retard par rapport aux autres pour espérer avoir des notes supérieures à la moyenne au moins. Mais la directrice avait été formelle, pour entrer dans cette école il fallait un bon comportement et montrer qu'on avait fourni des efforts. Ça avait beau être une école où on pouvait entrer sans diplôme, il fallait faire ses preuves dans la science pour mériter sa place.

- Raaaah... Je grognais alors que toutes les formules chimiques s'emmêlaient dans ma tête.

Je travaillais sur un chapitre bien trop simple mais si j'avais mal au crâne rien qu'avec ça, ça promettait pour les examens à venir. J'avais besoin d'une pause, oui, exactement, j'avais besoin d'aller prendre l'air, d'essayer de me sortir un peu la tête des sciences et de la littérature ou bien j'en mourrais. Je m'étais levé de ma chaise de bureau pour aller me couvrir d'un pull, on était désormais presque en avril mais le vent était encore très frais, il ne fallait surtout pas tomber malade. En arrivant dans l'entrée pour aller enfiler mes baskets, ma mère s'était postée devant moi avec son éternel visage sec et renfermée.

- Où vas-tu ?

- Je vais sortir.

- N'oublie pas que tu as tes examens à la fin de la semaine, me rappela-t-elle dans un soupire désespéré.

J'avais tâtonné dans mes poches pour être sûr d'avoir bien pris l'essentiel c'est à dire clés, téléphone, écouteurs, argent. Je me mettais dos à ma génitrice pour ouvrir la porte puis avant de la fermer derrière moi, je m'étais tourné vers elle pour lui lancer un léger sourire.

- Ne t'inquiètes pas. Je vais m'en sortir.

Elle avait encore soupirer mais elle m'avait laissé filer.

Ça faisait un bien fou de respirer de l'air frais, le ciel était encore couvert à cause des pluies de cette nuit, ça apportait un air rafraîchissant que j'aimais beaucoup. Je marchais sans but précis, seul mais étrangement bien. Je n'avais pas faim, je n'avais pas envie d'aller au toilette, je n'avais pas envie de vomir, je n'avais pas envie de pleurer pour rien. Tiens, était-ce le petit parasite qui se décidait à enfin se montrer discret ? Ça relevait presque de l'imaginaire, je devais profiter au maximum de se moment.

Mes pas me guidaient n'importe où où ils voudront, j'essayais de couper mes pensées mais ça, c'était impossible. Mais pour une fois, elles n'étaient pas sombres ou emplies de peurs. Non, pour une fois, je pensais à Chan, à sa douceur, à sa gentillesse. Il me manquait, c'était un peu plus dur chaque jour et j'avais beau me dire qu'il était heureux là où il était, je voulais me montrer égoïste pour une fois et admettre que je ne le voulais rien que pour moi. Je voulais sentir la chaleur de ses bras autour de mon corps plus souvent, je voulais sentir ses baisers chaque matin et chaque soir. J'avais enfin quitté mon pensionnat mais rien n'avait changé. Ça faisait mal à mon petit coeur amoureux.

En passant devant une boutique pour enfant, je m'étais arrêté pour admirer de loin le côté bébé. C'était l'endroit le plus mignon de la terre alors je n'avais pas pu résister à la tentation, j'étais timidement entré dans le magasin. Tout était en minuscule, c'était trop mignon. Avec un sourire niais, j'avais saisi une paire bleue de petits chaussons, il y avait une broderie adorable de petit lapin blanc dessus, c'était trop mignon ! J'avais envie d'acheter ces deux petites merveilles sur le champ et habiller mon bébé avec dès qu'il poussera son premier cri sur cette planète. Je m'étais ensuite tourné vers les body, j'avais conservé précieusement le cadeau de Felix mais cette fois-ci, je n'avais pas le risque qu'un de mes parents ne tombent dessus. C'était dans une cachette tellement introuvable que j'y avais également caché mes deux échographies.

Le petit body rose pâle dégageait une telle douceur, le bébé qui portait ce genre d'habits devait être plus précieux que de la porcelaine. J'aimais cette couleur apaisante, qu'importe le sexe de mon parasite j'aimerais qu'il le porte. À côté, il y avait d'autres body de différentes couleurs, il y avait des tétines, des doudous, tout de quoi me faire craquer. J'étais prêt à compter mon argent pour voir si j'avais assez au moins pour une tétine lorsqu'un rire doux avait glissé jusque dans mes oreilles. J'avais relevé la tête pour voir ce qui semblait être un jeune couple dans les habits pour bébé. Le jeune homme était bien plus enceinte que moi, j'avais l'impression que son ventre était sur le point d'exploser. Est-ce que j'allais ressembler à ça dans quelques mois ? C'était plutôt joli. Le jeune couple riait, ils se regardaient amoureusement alors que leurs doigts entremêlés se posaient délicatement sur le gros ventre du plus petit.

C'était beau, c'était quelque chose que j'espérais vivre une fois avec Chan. Le voir autant heureux que cet homme face à l'arrivée de son enfant. Je voulais voir les yeux de Chan briller autant rien qu'en regardant mon ventre. Est-ce qu'un jour ça allait arriver ? Je n'en avais aucune idée mais j'étais bien déprimé désormais alors j'étais ressorti de la boutique sans rien acheter.

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