rock + 25

Doucement, je secouais le corps de mon ami encore endormi. Sa chambre était plongée dans le noir, j'avais bien failli me casser deux fois le nez ou tomber cinq fois par terre, j'étais enfin assis à mon tour sur le lit, à espérer qu'il daigne se réveiller. Felix, sentant quelque chose perturber son sommeil, s'était mis à grogner alors qu'il bougeait sa tête pour la cacher dans son oreiller mais j'étais trop déterminé à le réveiller.

- Quoi ?! Il s'était écrié, tête soudainement relevée.

Je m'étais penché pour allumer le bouton de la lumière à côté de son lit, il avait immédiatement grimacé avant d'écarquiller les yeux, désormais assis.

- Hyunjin !? Mais qu'est-ce que tu fous là ?

Je m'étais empressé de poser mon doigt sur sa bouche pour le taire, je ne voulais pas qu'un médecin nous entende, j'avais suffisamment galeré pour arriver ici. Je déglutissais puis, sentant qu'il se calmait, j'avais reposé mes mains sur le matelas, ma tête baissée. J'avais laissé mon sac à dos tomber par terre dans un bruit sourd, Felix l'avait suivi avec ses sourcils froncés.

- Putain mais pourquoi t'es là ? Chuchotait mon ami.

J'avais récupéré mon sac pour prendre le carnet à l'intérieur. Les yeux de Felix s'écarquillaient tandis que je laissais à nouveau mon sac tomber. Il regardait son foutu carnet peureusement et moi, durement.

- Maintenant j'aimerais vraiment que tu m'expliques. Parce que venir à deux heures du matin pour attendre que la vieille sourde dorme, appeler Chan pour qu'il m'y emmène, simuler un soudain mal de ventre et faire comme si je paniquais pour mon bébé pour qu'on me fasse une échographie pour m'assurer que tout va bien, puis ensuite partir comme un voleur en faisant attention de ne croiser aucun médecin, pour finalement arriver ici, tu as vraiment intérêt à tout m'expliquer.

- Tu n'avais pas à faire tout ça pour moi, il soufflait dans un petit rire tandis qu'il prenait son carnet entre ses mains.

Il m'avait regardé dans les yeux le temps d'une longue seconde. Puis il avait baissé la tête, honteux. Il prenait une longue respiration avant d'acquiescer. Mais rien, il ne disait rien.

- Felix putain, je grognais. Tu t'es fait violer ?

Immédiatement, ses paupières s'étaient fermées tandis que ses doigts serraient un peu plus fort le carnet. Il avait dégluti bruyamment mais toujours rien ne sortait de sa bouche. Un long silence avait suivi ma question, Felix gardait les yeux fermés. J'étais sûr qu'il restait ainsi pour ne pas pleurer.

- C'est Changbin qui t'a fait ça ? J'avais murmuré.

Au fond, je priais n'importe quel dieu pour que Felix me dise "non". Je n'étais pas vraiment proche de Changbin mais je l'aimais bien. Il était gentil, attentionné, puis surtout amoureux. Je ne l'avais pas vu depuis très longtemps mais je savais qu'il aimait encore Felix, et ça pour encore un long moment. Je ne voulais pas croire que Changbin ait pu faire une chose pareille, parce que je n'hésiterais pas une seconde à lui casser la gueule.

- Non, m'avait répondu Felix sur le même ton que moi. Non, jamais Changbin ne m'a forcé à quoi que ce soit.

- Alors quoi ? C'est quoi ? C'est qui ? Putain mais réponds moi !

Felix gardait sa tête baissée, mais avait enfin daigné ouvrir ses yeux brillants. Doucement, il avait haussé les épaules.

- Y a trois ans, je suis sorti avec un mec. Il était super cool, trop sympa puis bien plus âgé. J'avais quatorze ans alors pour moi, c'était trop classe de sortir avec un gars plus âgé, il gloussait sans joie. Il n'était pas spécialement gentil, ça n'était pas une beauté fatale, mais il me faisait rire. J'oubliais tous mes problèmes avec lui, j'oubliais la violence de mes parents, je me sentais bien avec lui mais même après six mois de relation, je ne me sentais pas encore prêt à coucher avec lui ni avec personne d'autre. Je n'en avais aucune envie. Mais il ne l'a pas vu comme ça lui, il estimait que tous couples amoureux devaient coucher ensemble.

Ma main passait sur mon visage. J'étais tellement fatigué, plus entendre tout ça, je sentais peu à peu ma gorge se nouer. Puis voir les yeux vides de mon ami se noyer sous les larmes ne m'aidaient pas.

- Un soir, il m'a demandé de passer chez lui. Au début je ne voulais pas mais après une énième dispute qui avait dégénéré avec mes parents, j'avais fini par accepter. Je ne me sentais pas à l'aise, encore moins quand il m'a jeté sur son lit. Je te jure Hyunjin, je te le promets, je n'avais rien fait pour arriver à cette situation, il m'avait dit en me regardant dans les yeux.

J'avais pris ses petites mains tremblantes dans les miennes avant d'essayer de lui faire un semblant de sourire rassurant. Il n'avait pas à me le jurer, évidemment que je le croyais sur parole.

- Putain mais tu avais quatorze ans, comment il a pu faire ça bordel ? Je jurais entre mes dents.

- Je ne sais pas. Et j'avais beau lui hurler de me lâcher, de lui dire que je ne voulais pas, j'avais beau crier non, il continuait. Il trouvait même que j'étais trop bruyant alors il m'avait étranglé pour que je me taise, il avait levé un sourcil tout en reniflant. Quand je suis rentré chez moi après, j'étais en train de pleurer, j'avais envie de mourir, je me trouvais répugnant. Je me dégoûtais. Ma mère m'a demandé pourquoi je chialais si fort. Quand je lui ai expliqué, elle m'a simplement dit que c'était de ma faute. Mon père a aussi dit ça.

- Mais bordel ! Non putain ! Putain de merde c'est pas ta faute ! Je m'énervais en serrant ses mains dans les miennes.

- Je ne l'ai plus jamais revu. J'ai juste fait ma dépression seul dans mon coin, qui s'intéresserait à quelqu'un d'aussi dégueulasse que moi ? L'année passée, mes parents m'ont mis dans le pensionnat. C'était bien, personne ne me connaissait, personne ne pouvait me juger. Mais moi, je vous détestais déjà tous. Puis y avait toi, tu faisais n'importe quoi, tu insultais ton téléphone quand tes parents t'appelaient. Tu n'aimais personne non plus et tu étais plutôt fort, alors j'ai commencé à traîner avec toi. Tu ne m'avais jamais posé de question, c'était parfait.

Un silence avait plané le temps qu'il reprenne son souffle. Je me sentais tellement con, le roi des cons. Je déglutissais mais je ne voulais pas détourner mon regard de sa silhouette.

- Quand Changbin est entré dans ma vie, je l'ai détesté. Je l'ai tellement détesté, à cause de lui j'avais l'impression d'éprouver un sentiment et bordel, je n'en voulais pas ! J'avais tellement peur de revivre ça, alors je l'ai ignoré pendant presque trois mois. Mais il a continué à me séduire, avec lui j'avais un nouveau souffle. Pour la première fois depuis des mois, je me sentais vivant. Je restais sur mes gardes mais j'ai accepté d'être avec lui.

- Changbin n'est pas comme lui.

- Je sais. Mais avant, j'étais toujours méfiant. Je ne lui ai jamais dit que je l'aimais parce que si j'osais le lui dire, il aurait su comme il était important pour moi et me détruire une fois encore aurait été plus simple pour lui. Je ne lui ai jamais dit mais il m'a quand même fait du mal.

J'avais doucement acquiescé tandis qu'il se défaisait de ma prise pour essuyer ses joues. Il avait fini par hausser les épaules.

- Je n'avais plus rien ni personne mais je refusais de mourir seul. Alors je t'ai demandé d'être mon ami.

En entendant ses mots, mon cœur s'était soudainement serré. Lorsque j'avais accepté d'être son ami, je lui avais juste donné l'autorisation de mourir. Je grimaçais, le bout de mon nez me piquait, qu'il m'avoue tout ça faisait mal.

- Je suis désolé, Hyunjin, il avait conclu.

Je ne savais pas quoi dire. J'étais face à un tout nouveau Felix, le vrai Felix. Celui que chacun d'entre nous avions cherché en vain. En réalité, Felix n'était qu'un petit garçon qui enchaînait les traumatismes entre ses parents violents, son "petit ami" qui le viole, une dépression dont je venais de découvrir l'existence, l'amour de sa vie qui l'abandonne, Felix avait simplement saturé. Sa tentative de suicide n'était qu'une accumulation, il avait tenu tellement longtemps seul, en gardant le silence. Ce soir là, vers trois heures du matin dans un foutu hôpital, j'ai pris conscience de la force de mon ami.

- Putain Lix.. Pourquoi tu t'excuses, c'est moi qui devrait le faire ! Je m'exclamais avec la voix toujours basse. Putain, pardon, pardonne-moi d'avoir été aveugle à ce point, pardonne-moi d'être le pire ami du monde, je craquais en entourant son cou avec mes bras.

Il avait pouffé tout en me serrant fort contre lui également. On était tous les deux en train de chialer mais j'étais sûr que si je ne le faisais pas maintenant, j'allais le faire tout à l'heure ou demain.

- Tu es le meilleur des amis, crois-moi. Personne n'avait encore traversé autant d'épreuves simplement pour me demander des explications, gloussa-t-il sans oublier de renifler.

- Je ne voulais pas attendre ton retour, c'était trop important ! Je m'écriais de ma voix basse. Et je voulais te voir, la vie c'est nulle sans toi, je grognais avec ma petite moue.

J'avais fini par rompre notre étreinte pour sécher mes larmes à l'aide de mes doigts tandis que Felix riait à nouveau. Il riait dans son bordel larmoyant mais je le trouvais tellement beau alors je l'avais encore enlacé durant cinq bonnes minutes. Un long silence nous enveloppait, je me sentais bien, beaucoup mieux. J'humais doucement son odeur, je caressais son épiderme du bout des doigts, j'oubliais tout pour ne penser qu'à mon ami.

- Je vais devoir y aller, Chan m'attend toujours sur le parking, pouffais-je tristement.

Felix avait acquiescé, on n'était sûrement pas prêt à s'endormir mais moi, je devais rentrer avant que la vieille sourde ne se réveille. J'avais repris mon sac, fouillé un peu dedans avant de tendre quelques affaires à mon ami.

- Tiens, si tu t'ennuies.

Il avait explosé de rire avant d'être forcé de se taire lorsque j'avais posé ma main sur ses lèvres. Je lui avais passé presque tous les magazines porno des mecs de notre chambre et chacun d'entre eux était dédicacé par nous.

- Oublie pas d'appeler Changbin, j'avais soufflé avant de me pencher pour embrasser son front furtivement. Et reviens vite, on t'attend tous.

Ses joues étaient déjà toutes rouges mais il n'avait rien dit. Un dernier signe de la main, une porte qui se ferme doucement, une sortie discrète et j'étais déjà en train de courir jusqu'à la voiture de Chan, épuisé.

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