rock + 10

J'étais en train de traîner dans les couloirs, l'esprit complètement ailleurs.

Ce matin, j'étais allé reposer le dossier à l'infirmier en faisant bien attention de ne pas tomber sur monsieur Park pour éviter un nouveau déferlement de questions auxquelles je ne voulais pas répondre. J'étais toujours dans le doute, même si l'idée de le garder me titiller beaucoup, je doutais toujours.

Je n'avais pas envie d'aller en cours d'histoire et géographie ce matin, je voulais rester au calme, sans personne. Chose très rare, il y avait toujours un garçon qui traînait quelque part, où que nous soyons.

Mes yeux divaguaient un peu partout, puis soudainement, s'étaient plantés sur une silhouette au loin. J'avais froncé les sourcils. La silhouette était habillée de noir, les mains dans les poches. Elle était seule au milieu de la cour d'entrée, et regardait un peu partout avant de m'observer à son tour.

D'un pas rapide et décidé, je m'étais approché de la silhouette avant d'écarquiller les yeux.

- Changbin ?

Un sourire timide s'était dessiné sur sa face alors qu'il s'était poliment courbé devant moi pour me saluer, ce que j'avais fait à mon tour.

- Comment t'as fait pour rentrer ? C'est interdit tu sais.

Il avait acquiescé en jetant un coup d'œil au vieux bâtiment moche derrière moi. Il avait soupiré.

- J'ai forcé auprès de la dame qui garde la porte. Je lui ai dit que c'était urgent.

- Pourquoi tu viens ?

- Pour Felix.

Mes lèvres s'étaient immédiatement closes alors que ma tête s'était doucement secouée pour lui faire comprendre que je comprenais. J'étais sûr qu'un des deux allaient revenir tôt ou tard pour venir s'excuser et arranger les choses. Ils s'aimaient trop pour laisser passer cette relation inespérée.

- Je lui ai dit que j'étais de la famille et que c'était quelque chose de très important que je devais, moi, lui dire de vive voix. Alors elle est allée le chercher. Il avait ajouté avant de baisser la tête.

Il avait l'air fatigué, épuisé. Comme s'il portait un lourd poids sur les épaules et que seul Felix pouvait l'aider à soutenir cette peine. J'avais encore acquiescé.

- Au fait... Je ne sais pas si c'est ce que tu veux entendre mais... Félicitations.

Mes sourcils s'étaient froncés tandis que mes yeux se plantaient dans les siens. Silencieusement, je lui demandais d'être plus explicit.

- Pour ta grossesse. Mes yeux s'étaient écarquillés, un noeud se formait au niveau de ma gorge alors que je continuais de le regarder, pris de court. Felix me l'a dit. Il s'inquiétait pour toi.

- J-Je... C'est pas... C'est pas encore sûr... Je bafouais, savoir que Felix avait osé le dire à quelqu'un m'énervait.

Il avait haussé les épaules. Son visage reflétait de la tristesse tandis qu'il se baissait à nouveau.

- Franchement, si jeune j'aurai pas pu. C'est une telle galère. Dans le ventre, c'est sympa et encore. Après, c'est trop dur. Il y a les nuits, la bouffe, les couches, la chambre à faire, trouver une place en crèche, il faut gérer les caprices. Ça chiale pour rien, c'est une source d'inquietude et d'angoisse perpétuelle. En plus après, ça grandit. Ça devient ingérable. Ça rend triste.

Je déglutissais bruyamment puis il avait relevé la tête et m'avait souri.

- Si tu pouvais garder ça pour toi, s'il te plaît... J'aimerai que ça ne se sache pas...

- Oui bien sûr... En tout cas, si tu te sens prêt à gérer tout ça, bravo ! Tu as plus de courage que je n'en aurai probablement jamais.

- Dis pas ça... Felix voudra peut-être des enfants...

Il avait secoué négativement la tête, une grimace peinte sur la face.

- Felix est trop irresponsable, il ne pense qu'à lui-même, il n'arrive pas à mettre sa fierté de côté pour notre couple. Je crois... Il avait poussé un long soupire en levant la tête jusqu'à ciel. Je crois qu'on ne se remettra jamais ensemble. C'est trop compliqué de le comprendre, d'arriver à savoir ce qu'il se passe dans sa tête. C'est trop compliqué d'arriver à suivre ses sauts d'humeur, ses caprices. Je ne sais même pas si un jour il m'a réellement aimé.

Je comprenais bien mieux leur attitude. Les deux étaient déprimés, ils ne voulaient pas se séparer mais étaient persuadés que c'était le mieux. Moi, je comprenais Changbin. Felix n'était vraiment pas quelqu'un de facile à vivre, on n'arrivait jamais à savoir ce qu'il pensait réellement.

- Pourquoi tu es là, alors ?

- Pour lui rendre ses affaires qu'il laissait chez moi. Elles sont dans le coffre de ma voiture mais la dame n'a pas voulu que je rentre de sac avant qu'elle vérifie. Donc quand Felix reviendra, il faudra que cette vieille sourde vérifie bien que c'est bien la brosse à dents et le teeshirt de son bel élève, il avait pouffé en levant les yeux au ciel.

À mon tour, j'avais esquissé un sourire.

- Felix t'aime.

Son semblant de sourire s'était dissipé à la seconde même où ces mots avaient franchi la barrière de mes lèvres. Mais tant pis.

- Lui et moi, on est pas de supers bons copains. On ne s'aime pas trop c'est vrai et je sais aussi comme c'est compliqué de vivre avec lui. Mais il t'aime, ça j'en suis sûr à cent pour cent !

- Il t'a déjà dit qu'il m'aimait ? Il me demandait en continuant de me regarder.

J'avais ouvert les lèvres quelques secondes pour lui assurer qu'il l'avait déjà fait mais je me rendais compte que non, Felix ne m'avait jamais dit qu'il aimait Changbin.

- Non mais-

- À moi non plus, il ne me l'a jamais dit.

Je n'osais plus parler à présent. Cette réponse était bien trop triste pour moi, elle me faisait penser à tout ce qui n'allait pas dans ma vie. J'en voulais à Felix de rendre Changbin si malheureux avec son attitude, j'en voulais à Changbin de ne pas avoir réussi à changer Felix, j'en voulais à Chan d'avoir signé dans cette agence, j'en voulais à l'école qui foutait des examens après la fin de l'année, j'en voulais à Seungmin d'être aussi éloigné de la réalité, j'en voulais à mes parents de ne m'avoir jamais défendu ou soutenu, je m'en voulais d'être tombé enceinte. Cette réponse était définitivement trop triste pour moi.

- Qu'est ce que vous faites là vous ?! Avait crié une voix derrière moi ce qui avait eu pour effet de me réveiller.

J'avais sursauté tout comme Changbin mais lui s'était immédiatement bien redressé pour rester fier face à Felix. À peine étaient ils en face l'un de l'autre qu'ils commençaient déjà à se bouffer du regard.

La dame de l'accueil m'avait pris par le poignet pour m'obliger à la regarder. Elle m'énervait elle aussi.

- En cours ! Immédiatement !

J'avais grogné avant d'acquiescer. Un rapide salut de la main à Changbin et j'étais en train de marcher jusqu'à ma salle de cours, toujours avec peu d'entrain. Mon téléphone s'était soudainement mis à vibrer, 3 fois. Je l'avais donc saisi et instantanément, un sourire niais s'était dessiné sur ma face.

"J'ai mis tous mes instruments au studio, ça me fait une pièce de libre dans mon appartement !"

"Je vais peut-être y mettre tes affaires pour que tu puisses venir t'y installer définitivement. ;)"

"Tu me manques... C'est dans ces moments que je me dis que j'aurai aimé que ce soit avec toi que je bouge tous ces instruments, qu'on rigole comme des cons pendant des heures, qu'ensuite on se pose dans cette pièce et qu'on la repeigne à notre manière..."

Avec des gestes rapides et précis, ma réponse ne s'était pas faite attendre. J'aimais lorsqu'il m'envoyait des messages aussi mignons que random.

"Tu me manques aussi, et j'aimerai vivre chaque moment avec toi aussi... Et peut-être avec quelqu'un d'autre également..."

Envoyé. Merde. Merde. Merde. Non putain il allait tout découvrir. Qu'est ce qu'il m'avait pris d'écrire ça ?! Pourquoi ? Mais putain qu'est ce qui m'a pris ?!

"Qui d'autre ?"

"Personne, que toi et moi. Bientôt ne t'en fais pas, il ne reste plus que quelques semaines d'école."

"N'oublie pas les examens." Il m'avait envoyé soudainement.

J'avais levé les yeux au ciel sans pour autant y répondre. J'aurai très bien pu tout balancer, mais j'avais encore eu peur.

Mon téléphone avait encore vibré. J'en avais marre qu'il me parle sans arrêt des examens. J'avais regardé mon écran et mes yeux s'étaient écarquillés. Ça n'était pas du tout ce que je croyais.

"Je t'aime."

Mon coeur avait loupé un battement alors que mon sourire niais revenait pour me coller au visage. J'avais tellement besoin de me sentir aimé ces derniers temps, j'avais trop besoin de son amour alors qu'il me le dise me rendait plus qu'heureux. Je savais que je pouvais faire confiance à Chan. Il fallait qu'on se voit au plus vite et que je lui dise tout, qu'importe l'issu de cette grossesse.

"Moi aussi."

J'avais répondu avant d'éteindre mon téléphone et d'entrer dans la salle de cours sous les grognements du professeur.

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