Chapitre 9

Jour 11 : l’après-midi

Il est quinze heures, et enfin la sonnerie retentit, marquant la fin de cette journée interminable. Le cours de mathématiques était un calvaire soporifique, il m’a laissé complètement vide. Pourquoi diable nous inflige-t-on encore ce genre de leçons en filière littéraire ?

Angel et Rosa, quant à elles, sortent de la classe en gloussant comme si le monde entier était une source inépuisable d’amusement. Angel déborde toujours d’une énergie désarmante, un optimisme à toute épreuve. À croire qu’elle trouve tout et tout le monde irrésistiblement drôles.

Je descends les escaliers, préférant emprunter un raccourci moins fréquenté que les couloirs bondés du rez-de-chaussée. Tandis que la foule s’entasse devant les portes de sortie, je suis déjà dehors.

À l’extérieur, le spectacle habituel se déploie : des élèves en petits groupes discutent, rient, ou fument. De l’autre côté de la rue, une dizaine d’autres se rassemblent près d’un arrêt de bus. Moi, je choisis d’éviter tout ce tumulte, passant par la discrète sortie du personnel, à droite.

Ce n’est pas que je sois asociale. Pas du tout. Je peux être bavarde, amusante même, mais seulement quand je me sens en confiance. Ici, ce n’est pas encore le cas. Deux semaines ne suffisent pas pour se sentir à sa place parmi ces inconnus aux regards parfois étranges, comme si j’étais une créature tombée d’une autre planète.

Ce sentiment d’être différente me ronge.

Quand j’ai rencontré Angel et ses copines, j’ai cru naïvement que je trouverais ma place à leurs côtés. Que je pourrais rire avec elles, partager des moments complices. Mais Angel semble bien trop occupée à profiter de sa vie pour remarquer ma présence insignifiante. Elle a raison, sans doute. Je ne vaux pas la peine qu’on s’attarde sur moi.

Les voix dans ma tête s’amusent à me le rappeler :

« Tu n’es pas assez bien. »

« Tu ne trouveras jamais ta place. »

« Tu seras toujours entre deux mondes, à mi-chemin de tout. »

Peut-être qu’elles ont raison. Peut-être que je ne suis qu’une ombre qui passe.

Perdue dans mes pensées, je manque de peu de me faire percuter par un skateur. Je recule précipitamment, vérifiant à droite et à gauche avant de continuer. Et c’est là que je croise son regard.

Louis.

Pas celui de son voisin, ni de la fille à ses côtés. Non, son regard, droit sur moi. Une fois de plus.

C’est étrange, mais ces coïncidences commencent à m’agacer. À croire que quelque chose cherche à me confronter à lui encore et encore.

Louis. Ce garçon qui me déstabilise autant qu’il m’intrigue...

Je n’aime pas ce genre d’histoire, ces pseudo-contes de fées où l’on croise un regard et tout bascule. Ce n’est pas moi, ça. Les gens pensent peut-être que je suis naïve et facile à manipuler, mais en réalité, je suis méfiante, surtout envers les garçons.

Et pourtant, avec lui, quelque chose me dépasse. Son regard glacial me perturbe. Il m’intimide autant qu’il me captive, et cela m’exaspère profondément.

Je sais que rien ne se passera entre nous. Je ne suis pas intéressante. Et de toute façon, je ne me laisse pas facilement approcher. À vrai dire, l’idée même qu’un garçon s’intéresse à moi me fait fuir.

Alors, quand il s’avance, à une dizaine de mètres de moi, je sens un frisson parcourir ma peau. Quelque chose d’inexplicable se passe. Est-ce négatif ? Positif ? Impossible à dire, c’est néanmoins intense.

La chaleur monte à mes joues, mon cœur s’emballe. Je détourne les yeux et accélère le pas, cherchant désespérément à échapper à ce trouble qu’il provoque en moi.

Tout ce que je veux, c’est rejoindre le tramway et rentrer chez moi, loin de tout ça, loin de lui.

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