Jour 98 : l'après-midi
J'ai eu du mal à émerger ce matin, je ne voulais en aucun cas quitter mon lit, j'avais trop peur d'affronter la réalité.
Après notre brève discussion cette nuit, j'ai demandé à Louis de rentrer chez lui. Je n'avais pas l'envie ni le cœur à ce qu'il reste chez moi, dans les parages. À dire vrai, je ne veux voir personne, je souhaite seulement me retrouver seule et faire le point.
Dire que ce sont bientôt les fêtes de fin d'année et ce drame m'est tombé dessus. C'est le plus mauvais moment qui puisse être.
Il y a en moi une sensation de vide. Je ne sais même pas si je ressens de la tristesse, de la colère ou bien dans le pire des cas, de l'indifférence. Pourtant, j'agis comme si j'en voulais à la Terre entière, surtout envers Louis.
Toujours présent pour moi, il l'a une nouvelle fois été ces dernières heures, néanmoins aujourd'hui, je ne lui en suis pas reconnaissante. Dieu seul sait pourquoi je réagis de la sorte, mais quelque chose me bloque vis-à-vis de lui. Je sais qu'il n'y est pour rien dans cette histoire. Le problème, c'est uniquement moi.
Mes yeux fixent le vide depuis de longues minutes maintenant, quand l'interphone sonne d'un coup, me faisant sortir de ma torpeur.
Qui peut bien vouloir venir ici un dimanche ? À moins que ce ne soit la police dans le but de prendre ma déposition.
- Oui ? Décroché-je tout de même à contrecœur.
- C'est moi, répond une voix masculine que je reconnaîtrais entre mille.
- Louis...
- S'il te plaît, Heavan. Ne me rejette pas ! Ne me laisse pas à la porte !
Un soupir m'échappe malgré moi, et je me sens coupable de l'ignorer ainsi. Pourtant, je suis en guerre avec moi-même et avec tout ce qui m'entoure. Mais, à contre-cœur, je lui ouvre la porte.
Je me demande ce qu'il souhaite me dire pour revenir, alors que je l'ai lâchement envoyé balader il y a quelques heures. Je déverrouille la serrure et fuis sur le balcon. J'entends la seconde d'après le grincement familier de la porte s'ouvrant, puis se refermant derrière lui.
Dehors, il fait froid et de la bruine tombe depuis ce matin. Le paysage semble aussi maussade que mon humeur. Bien que je sente la présence de Louis dans mon dos, il y a comme un silence sépulcral dans l'air.
Il se glisse derrière moi et m'enlace par-derrière, son souffle chaud effleurant ma nuque. La tendresse de son geste me trouble, me fait vaciller. C'est ce que je voulais éviter à tout prix, car je savais que si ce rapprochement se faisait, toutes mes barrières allaient s'effriter. Or, je ne veux en aucun cas qu'il se fasse des idées. Ma vie a changé et je vais devoir faire des concessions.
Louis est ma faille, la première de mes faiblesses, parce qu'il est devenu quelqu'un d'important pour moi et je sais aussi qu'il ferait tout pour moi.
- Heavan ? murmure-t-il, sa voix basse et douce, brisant ce silence. Tu comptes rester sous cette pluie toute la journée ?
Je sens sa tentative d'alléger l'atmosphère. Il essaie d'atténuer le poids de la situation, mais moi, je reste distante, figée dans une position d'attente.
Malgré tout, un petit sourire se fraye un chemin sur mon visage, malgré la grimace de mon humeur. C'est une réaction involontaire. Je n'ai pas la force de lutter contre cette petite touche de légèreté.
Nous rentrons à l'intérieur, et je me prépare une boisson chaude tandis que Louis m'observe silencieusement.
Je suis consciente qu'il attend plus de moi, mais aujourd'hui, je n'ai pas les mots.
- Tu voulais me dire quelque chose ? demandé-je, tentant de briser ce silence gênant.
- Comment ça se passe pour toi ?
Sa question semble désintéressée, mais je sais qu'il essaie de capter mon état, de comprendre ce que je ressens.
Je sais qu'il ne s'intéresse pas vraiment à cette question, mais puisqu'il commence par là, je me dois de lui répondre.
- Je n'en sais trop rien. J'ai eu un mail de ma mère, elle m'a dit qu'elle s'occupait de tout.
- De tout ? C'est-à-dire ?
- De l'appartement, de tout ce qui s'y trouve et plus principalement de moi, je suppose. Elle doit m'envoyer d'ici peu un billet pour rentrer.
Son regard se fait plus fuyant, baissant les yeux comme s'il voulait éviter que je lise la déception qui le traverse. Il feint la neutralité, mais je le connais désormais, et je sais qu'il cherche à me cacher qu'il est blessé, qu'il redoute ce qui pourrait se passer entre nous.
- C'est pour ça que je voulais te maintenir loin de moi, ajouté-je, un nœud se formant dans mon estomac, je ne vais pas finir mon année scolaire ici, alors...
Je n'arrive pas à finir ma phrase. Les mots me brûlent la gorge et mes yeux commencent à me trahir, mais je lutte. J'ai l'impression de le blesser alors que ce n'est pas ce que je veux, mais je sais que je dois lui dire.
- Toi et moi, commençé-je la gorge nouée, nous n'allons pas pouvoir continuer. Ça doit s'arrêter là, Louis.
Louis me fixe un instant, son regard à la fois surpris et attendri, comme s'il avait compris la détresse dans laquelle je me trouve.
Et pourtant, au lieu de réagir comme je m'y attendais, il esquisse un sourire mutin, un léger éclat de malice dans les yeux.
- Alors, c'est comme ça ? Tu veux qu'on arrête tout ? Parce que tu crois qu'on est trop différents et qu'on ne survivra pas à ce qu'il vient de se dérouler ?
Son ton est léger, presque espiègle, et il me tire un rire nerveux. Il cherche à détendre l'atmosphère, à me faire oublier la gravité du moment.
- Louis... je suis sérieuse, soupiré-je.
Louis se rapproche de moi, ses mains posés sur mes hanches, un petit air taquin sur les lèvres, il rétorque :
- Tu veux vraiment qu'on en parle sérieusement ? Je ne suis pas sûr que tu sois prête à renoncer à tout ça.
Celui-ci fait un petit geste autour de nous, comme s'il parlait de nous deux, du lien qui nous unit malgré tout. Alors ça me fait hésiter, encore et toujours.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top