Chapitre 79

Jour 84 : Le matin

Ce matin, je me réveille difficilement. Ma nuit a été agitée, pleine de pensées confuses et de moments suspendus entre le rêve et la réalité.

Louis n'a pas fini de me raconter sa rencontre avec mon père. J'ai essayé de le faire parler, de le pousser à reprendre son récit, mais il a esquivé avec une facilité déconcertante. À la place, il s'est contenté de me tomber dans les bras, de me taquiner, me faisant peu à peu oublier ma demande.

Nous avons malgré tout beaucoup discuté, entre deux chamailleries et nous nous sommes aussi un peu plus rapprochés.

Cette nuit, il m'a parlé de sa famille, un sujet qu'il évite généralement. Il n'a jamais eu l'impression d'avoir eu sa place, comme s'il n'était qu'une pièce rapportée. Son père ne l'a jamais vraiment aimé, mais il semble avoir accepté cette réalité depuis longtemps.

J'ai aussi appris qu'il avait deux frères : Mel, le benjamin, et Seth, le cadet. Ce dernier et lui ne s’entendent pas du tout, leurs conflits sont quotidiens.

Louis commence enfin à s’ouvrir à moi, à se sentir assez en confiance pour me laisser entrevoir ce qu'il garde au fond de lui. Jusqu'ici, c'était surtout moi qui me confiais. Pour moi, il restait un mystère, une énigme que je n’étais pas certaine de percer un jour.

– Heavan ? murmure-t-il, les yeux encore clos.

Le voir aussi paisible me serre le cœur. Je pensais être la seule à porter le poids du monde sur mes épaules, à subir les railleries des autres, à me sentir enfermée dans une vie qui ne me correspond pas. Seulement Louis aussi lutte à sa façon.

Et pourtant, nous avons trouvé refuge l'un en l'autre.

J'ai de plus en plus besoin de lui…

– Rendors-toi, ajoute-t-il d'une voix ensommeillée.

Un sourire étire mes lèvres. Il est beau, allongé là, le drap remonté jusqu’à sa taille, un bras tombant mollement hors du lit et l’autre replié contre lui.

Ma main vient effleurer sa joue, glissant doucement jusqu'à son cou où je vois sa peau frissonner sous mon contact.

Si je ne le réveille pas, on risque de passer la journée sous la couette. Une perspective tentante, mais je n’ai pas envie d’être complètement amorphe après.

– Il est presque midi, Louis. C’est à toi de te lever, chuchoté-je à son oreille.

Il esquisse un sourire avant de m’attirer brusquement contre lui. En un clin d’œil, je me retrouve sur le dos, écrasée sous son corps.

– On est dimanche.

– Et tu crois que ça te donne tous les droits ? répliqué-je, moqueuse.

– Exactement.

Son sourire espiègle s’élargit, tandis que son regard se fait brûlant.

– Louis, je...

– Chut… laisse-moi essayer.

Son souffle caresse ma peau alors qu’il s’approche lentement, hésitant, presque fébrile. Ses doigts effleurent ma joue, remontent jusqu’à ma tempe avant de redescendre le long de ma mâchoire.

Il me laisse le temps de réagir, mais je reste immobile, suspendue à son regard.

Puis, il franchit la dernière barrière.

Ses lèvres effleurent les miennes, timidement d’abord, dans une attente incertaine. Il recule à peine, comme pour me laisser l’opportunité de m’échapper, mais je n’en ai aucune envie.

Alors, je réponds à son baiser.

C’est comme une étincelle dans l’obscurité, un feu discret qui s’attise peu à peu.

Louis s’y accroche aussitôt. Il revient, plus assuré cette fois, son souffle se mêlant au mien, sa main se posant sur ma nuque pour m’empêcher de fuir.

Ses lèvres sont chaudes, impatientes, et chaque baiser devient plus profond, plus intense. Une vague brûlante me submerge alors qu’il se presse légèrement contre moi, réduisant la distance entre nos corps.

Ses doigts glissent de ma nuque à mon dos, me retenant avec cette même possessivité désinvolte qu’il arbore si souvent. Son parfum m’enivre, et je me perds dans cette sensation enivrante d’être consumée par lui.

Il s’interrompt un instant, haletant, son front contre le mien, comme s’il luttait contre l’envie de céder totalement.

Mais il n’attend pas longtemps.

D’un mouvement lent mais assuré, il retrouve mes lèvres, les capture avec une ardeur nouvelle. Cette fois, il ne s’arrête plus. Ses baisers deviennent plus exigeants, plus profonds, comme s’il cherchait à me graver en lui, à imprimer cette sensation dans chaque fibre de son être.

Je frissonne sous son toucher. Ses mains se crispent légèrement sur ma taille, traçant un frisson brûlant sur ma peau à travers le tissu.

C’est trop.

Ou peut-être pas assez.

Mon cœur tambourine contre ma poitrine, mes doigts s’accrochent instinctivement à son t-shirt. Il m’aspire dans ce tourbillon d’émotions, et je me laisse porter, jusqu’à ce que la raison me rattrape violemment.

– A-attends, je dois aller me préparer, soufflé-je en rompant le baiser, le souffle court.

Il reste immobile un instant, ses lèvres toujours proches des miennes, sa respiration erratique.

Puis, lentement, il rouvre les yeux. Son regard est embrasé, ses pupilles légèrement dilatées.

– Pour quoi faire ? demande-t-il d’une voix rauque, encore voilée par le désir.

Je déglutis. Je ne peux pas continuer à passer mes week-ends enfermée ici à tout oublier. Si je veux réussir mon année, il faut que je garde un minimum de discipline.

– Je dois rentrer chez moi. J’ai des tonnes de choses à faire.

Un silence s'installe. Puis, lentement, il s’éloigne et s’assoit au bord du lit. Son attitude me déstabilise, mais je sais qu’avec lui, rien n’est jamais aussi simple.

– Comme tu veux, dit-il finalement d’un ton froid.

Je lève les yeux au ciel, cela dit, je dois me rappeler qu’il ne faut jamais prendre Louis au premier degré. Alors, je change d’approche. Je me glisse dans son dos, l’enlace, puis tente de le chatouiller, bien qu'il y soit peu sensible.

– Arrête de bouder comme un petit garçon, lui susurré-je à l'oreille, ce serait du gâchis.

– C’est plutôt ton départ qui est du gâchis.

_ Louis, comprends-moi. Tu sais très bien que si j’avais le choix, je resterais avec toi sans fin… mais j’ai le lycée à assumer. Contrairement à toi, je suis encore sous la responsabilité de mon père.

– Merci de me le rappeler, Heavan.

Je serre les dents.

– Bon sang, arrête de rechigner, c’est frustrant !

Celui-ci ne bronche pas bien que je finis par capter ce léger sourire en coin, celui qu’il affiche juste avant de sortir une réplique cinglante. Pourtant, au lieu de parler, il se laisse tomber en arrière, m'entraînant avec lui.

– Louis ! protesté-je en riant.

– Je ne suis personne pour t’empêcher de vivre, Heavan. Sache-le.

Son ton est plus sérieux, presque grave.

De mon côté, je ne bouge pas. Son dos collé contre mon ventre, mes doigts glissent dans ses cheveux noirs en bataille, et je l'observe, les yeux fermés, savourant simplement ma présence.

Je le comprends. Comment se détacher d’une personne avec qui on se sent bien ?

C’est difficile...

Je décidé donc de repousser mon départ de quelques minutes.

Le silence s’installe. Mon regard suit mes propres gestes, mes doigts effleurant doucement ses tempes, descendant jusqu'à son cou. Chaque frisson qu'il laisse échapper m’emplit d’une chaleur nouvelle.

J’ai toujours détesté qu’on me touche. J’ai toujours redouté le contact des autres, depuis une agression dans mon ancien lycée.

Avec lui, c’est différent. Je redécouvre ce que signifie que de se sentir en sécurité dans les bras de quelqu’un.

Et ça, ça vaut toutes les paroles du monde.

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