Chapitre 70

Jour 77 : tôt le matin

Réfugiée contre le corps chaud de Louis, je cale le rythme de ma respiration sur la sienne.

Je n'arrive toujours pas à trouver le sommeil, mais je me sens mieux. J'ai le cœur soulagé d'un poids que j'avais du mal à supporter.

Dans la pénombre de la chambre, je fixe un point qui n'existe pas. Pour une fois que je ne suis pas dans mes pensées, que je n'angoisse pas sur quelque chose. Là, je ne réfléchis à rien. Je me sens juste bien.

Depuis qu'il s'est installé à mes côtés, Louis n'a pas dit un mot, dos à moi, il semble dormir, mais je n'en suis pas vraiment sûre et je n'aimerais pas non plus le réveiller si c'est le cas.

Alors je reste silencieuse et je profite de l'instant présent, jusqu'au moment où ses doigts captures ma main entourant son torse et que je l'entends murmurer :

- Tu as encore les mains froides.

Je me sens pourtant bien, je ne ressens rien d'autre qu'une chaleur irradiant de la couette et de son corps.

- Et toi, tu es brûlant, j'ajoute sans savoir quoi répondre d'autre.

- Je ne suis pas de nature frileux.

- Mon grand-père disait souvent que des mains froides signifie d'avoir un cœur chaud.

- Je ne savais pas. Me voilà moins bête maintenant.

Après quelques secondes de silence, il ajoute :

- Heavan, je ne veux pas ressasser, mais...

- Oublions, tu veux ?

Les yeux clos, je me sens tellement à l'aise que ma main restée statique jusqu'ici commence à découvrir la peau nue de son torse. Celui-ci frissonne à cause de mes doigts glacés, mais il ne dit rien et me laisse continuer mon exploration.

- Dis-moi ?

- Mmh ?

Quelle question va-t-il me poser ? Mon cœur commence à s'emballer en attendant la suite.

- Je ne sais pas comment te demander ça, mais...

- Mais ?

- Ne rentre pas ce soir.

- Louis, il n'est pas loin de trois heures du matin, on a encore le temps jusqu'à ce soir...

- Tu ne comprends pas.

- Bien sûr que si, seulement, y'a le lycée et en plus, je n'ai pas mes affaires ni même... De rechange.

- Tu te prends trop la tête pour les cours, Heavan. Il y a des choses beaucoup plus importantes dans la vie..

- C'est important pour moi.

- Tu te rendras compte un jour que ça n'en valait pas tant la peine.

- Peut-être, mais au jour d'aujourd'hui ça l'est. Et mon père va m'attendre, tu sais. Il n'était déjà pas très friand de me laisser tout un weekend, alors tu imagines si je ne rentrais pas ?

- Mmh... En parlant de lui, je sais qu'il ne m'a pas à la bonne.

- Pardon ? je m'étonne en me redressant. Il ne t'a vu qu'une seule fois ! Comment pourrait-il se faire un avis sur toi ?

- Justement, parce qu'il sait qui je suis. Je t'ai dit qu'on venait de la même ville toi et moi. Quand j'ai vu ton père, j'ai directement compris, et lui aussi d'ailleurs.

- Tu vas lâcher le morceau à la fin ?

- Ton père connaît mon père. Ils se sont fréquentés un temps pour le travail, bien qu'ils ne se soient jamais appréciés.

- Génial ! Il ne manquait plus que ça...

Face à ses révélations, les prochains jours risquent d'être plus compliqués que prévu pour moi. Si mon père à bel et bien reconnut Louis, il ne m'en a absolument pas parlé, ni même fait allusion. Alors s'il apprend que lui et moi, nous nous rapprochons, cela n'engage rien de bon, car mon père est quelqu'un de trop protecteur, mais aussi de très rancunier. Si jamais il n'appréciait pas le père de Louis, alors il transfèrera certainement cette haine du père au fils.

- Si jamais je ne rentre pas ce soir, il va se poser des questions.

- Alors ne le préviens pas.

- Tu es fou ? Il va me harceler au téléphone et il serait aussi capable de remuer ciel et terre pour me retrouver.

- Ciel et terre...

- Exactement !

Décidément, cette histoire prend une tournure inimaginable !

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