Chapitre 68
Jour 76 : Le soir
Louis, tel un enfant réprimandé, boude dans son coin, plongé dans la vaisselle. Son silence est lourd, oppressant, comme une chape de plomb entre nous.
Je suis là, dans le salon, les yeux perdus dans la lumière tamisée de la nuit. De là, la ville semble calme, pourtant à l'intérieur, c’est tout sauf apaisé. Ses mots résonnent encore dans ma tête, trop durs, trop cruels, imprégnés de mépris et de nonchalance. Pour lui, cela ne semblait être qu’une impulsion, mais pour moi, c’était bien plus. Ça m’a frappée, m’a brisée d’une manière qu’il ne pourrait jamais comprendre. Et je n’ai pas su le lui faire savoir autrement qu’en réagissant de manière impulsive, une violence que je n'avais jamais cru capable de commettre.
Je me maudis de m’être laissée emporter, de lui avoir répondu ainsi. Ce n’est pas moi. Jamais je n’ai été violente, jamais je ne me suis abaissée à ça, mais j’avais besoin qu’il comprenne, qu’il sache à quel point il m’avait déçue. Pourtant, si je m’excuse maintenant, pourrait-il recommencer ? Je ne pourrais pas vivre avec l’idée d’être celle qui lui accorde un pardon qu’il ne mérite pas.
Un soupir s’élève de l’autre côté de la pièce, brisant le silence. Je tourne la tête lentement, et là, je le vois, appuyé contre la table, les bras croisés, son regard fixé sur moi, incertain. Il cherche mes yeux, mais je me détourne aussitôt. Je veux lui dire tout ce que j’ai sur le cœur, seulement je suis figée, comme un animal blessé qui hésite entre fuir ou se battre.
J'entends ce dernier s’approcher de moi, doucement, comme pour ne pas briser l'instant fragile entre nous. Ses bras glissent autour de ma taille, m’enserrent, et tout en moi se tend. Je devrais le repousser. Je le devrais… mais il y a cette chaleur familière, douce, qui m’envahit, et l’envie irrésistible de me laisser faire, de me réfugier dans ses bras et de tout oublier. Je reste là, contemplant la ville au loin, comme si j’étais dans un autre monde, en dehors de cette scène qui se joue entre nous.
Louis dépose sa tête sur mon épaule, son souffle chaud effleurant ma peau. Il semble attendre, suspendu, comme si chaque seconde passée sans que je ne réagisse était une éternité pour lui. Toutefois je ne bouge pas, car mes pensées sont en pleine tempête. Je voudrais le repousser, mais je ne peux pas et c’est là que tout me brouille. Ses bras autour de moi, cette proximité… tout est trop confus, trop contradictoire.
– On ne va quand même pas rester fâchés, hein ?
Sa voix est douce, elle sonne presque comme une supplique. Je ne défaille pas et garde le silence, mes yeux rivés sur la vue nocturne, lointaine et distante.
Un soupir se fait entendre, et je le sens se détacher de moi, me laissant un peu de distance. Néanmoins, il ne recule pas. Au lieu de ça, il se place face à moi, se tenant trop près et m’obligeant à le regarder.
Je lève donc les yeux vers lui, la gorge serrée.
– Je t’assure que je ne pensais pas à mal.
Sans ciller je garde les yeux rivés sur lui, incapable de lui accorder la moindre paroles. Si je lâche l'affaire, c’est comme si j'acceptais son pardon et ce n’est pas ce que je veux. Pas encore. Pas après ce qu’il a dit.
– On était censé passer un agréable week-end, au lieu de ça, on ne fait que se disputer.
– À qui la faute ? Lancé-je, la voix basse, chargée d’amertume.
Celui-ci se mord la lèvre inférieure, incertain, comme s’il hésitait à répondre à cette question évidente. Tout est dit dans mon mutisme, dans mon regard fuyant.
– Je n’ai pas dit que j’étais parfait.
– Je ne le suis pas non plus, mais toi… tu as franchi une limite que je ne peux pas accepter.
Ma voix tremble à la fin de ma phrase, une boule de colère et de frustration me sert la gorge. Louis me scrute, comme s’il cherchait à lire en moi. Je distingue une lueur de regret dans ses yeux, mais ça ne suffit pas. Rien ne peut réparer ce qu’il a dit.
– Heavan…
Il murmure mon nom comme une incantation, une tentative désespérée d’effacer la douleur qu’il a provoquée. Mais je reste figée, mes yeux évitant à tout prix son regard. Pourtant, dans ses mots, je perçois une vérité.
– On a… nous avons beaucoup plus en commun que tu ne le penses. Moi aussi, je n’ai pas vraiment confiance en moi, sauf que je gère ça d’une manière bien différente de la tienne.
Il cherche à capter mon regard, mais je détourne les yeux, ne voulant pas admettre qu’il a raison.
– En étant insultant ?
Je laisse échapper ces mots avec dégoût, ma colère se reflétant dans chaque syllabe.
– Ce n’est pas ce que je voulais faire ! Je voulais juste te bousculer, te faire réagir. Te sortir de ta zone de confort.
– Eh bien, tu as réussi, bravo. D'un autre côté, tu as tout cassé.
Je vois la douleur se refléter dans ses yeux. Pour moi, ce n’est pas assez.
– Je ne crois pas. Je pense que tu avais besoin d’un électrochoc.
Sa conviction me frappe. Je le fixe, un mélange de colère et de confusion dans le cœur. Qu’est-ce qu’il veut dire par là ? Pourquoi cette manipulation, cette idée de me “secouer” pour qu’on avance ? Je me sens submergée, prête à tout repousser, mais il est là, tout près de moi.
– Vraiment ? Tu penses à ma place maintenant ?
Je lui lance cette réflexion, mais il ne fléchi pas. Au contraire, il s’approche de moi et, avant même que je n’aie le temps de réagir, il m’enlace à nouveau, ses bras serrant mon corps avec une telle force que mes genoux faiblissent. Un frisson d’électricité parcourt mon corps. Comment fait-il ça ? Pourquoi je me sens si vulnérable, si perdue ?
Je me laisse faire, malgré moi, mais je me dis que ce n’est pas une victoire. Ce n’est pas un pardon. Non, c’est juste… une autre manière de nous perdre ensemble, comme toujours.
– Tu es encore là, Heavan. Alors pourquoi tu ne veux pas me laisser une chance de tout réparer ?
Ses yeux me fixent avec une intensité qui me fait mal. Je vois la souffrance, mais aussi l’espoir et ça me brise un peu plus.
Je le regarde longuement, puis je me retire lentement de ses bras, comme une petite chose fragile.
– Peut-être parce qu’avec toi, c’est comme faire un pas en avant et dix en arrière. À chaque fois, on repart de zéro, et je ne sais plus combien de fois je peux recommencer.
Suite à ses mots, je tourne les talons, malheureusement avant même que je ne puisse franchir la porte, Louis m’enlace une fois de plus, me serrant si fort que je vacille contre son torse.
Exténuée, je ferme les yeux, noyée dans ce mélange d’émotions contradictoires.
– Toi aussi, tu as peut-être besoin d’un électrochoc, Louis.
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