Chapitre 65

Jour 76 : tôt le matin

Je ne sais pas d'où me vient cet élan de courage, mais je ne détourne pas mes yeux des siens. Peut-être est-ce la brume du sommeil qui me permet de tenir, face à ce regard qui semble me percer à jour. Ce visage fermé, mais si attirant, me déconcerte à chaque instant. Bien que nous passions de plus en plus de temps ensemble, il reste une part de lui que je ne connais pas encore vraiment. Une part qu’il garde bien cachée derrière ce masque de froideur.

Nous restons là, à nous regarder, un long moment. Avec une tension qui flotte dans l’air, néanmoins je n’ose pas bouger, ne sachant pas si ce silence est une chance ou une malédiction. C'est étrange, cette sensation. Ce serait le moment parfait pour avancer, mais une petite voix dans ma tête me prévient de ne rien tenter. « Laisse-le persévérer. Sois sûre de lui avant de t’abandonner. » C’est plus facile à dire qu’à faire !

Le regard qu’il pose sur moi se transforme lentement, et j’ai l’impression d’être la prunelle de ses yeux.

Un vertige.

Ce n’est pas la première fois qu’il me regarde ainsi, mais cette fois, quelque chose est différent. C’est presque… ensorcelant.

Et puis d'un coup, il lève lentement la main, comme s’il n’était pas sûr de lui-même. Sa main dans mes cheveux, la douceur de sa caresse me surprend, elle est à la fois apaisante et inattendue. Ce geste, si simple, mais chargé de tendresse, me calme plus que je ne l’aurais cru. Les yeux fermés, je savoure l’instant présent, ce moment que j’avais redouté et espéré à la fois. L’idée de sa proximité ne me semble plus aussi effrayante dorénavant.

– Je n'ai pas été très correcte, murmure-t-il d’une voix suave, presque désolée.

– Mmh ?

Je ne réponds pas tout de suite, en proie à une étrange sensation d’être figée entre le désir et la crainte. Pourquoi me dit-il ça maintenant, après tout ce qui s’est passé ? Qu’est-ce qui l’a poussé à s’excuser ainsi, dans ce silence complice ?

– Je t'ai délaissée sans même me soucier de la manière dont tu allais passer la nuit. Ce n'est pas digne d'un homme.

Il dit cela avec une sincérité qui me déstabilise. C’est peut-être un peu trop tard, mais je le sens vulnérable, fragile dans ses mots. Lui, qui semble toujours être si sûr de lui, dévoile un pan de son âme que je n’attendais pas

– Mmh...

Face à mon manque de réaction, il rit doucement, comme s’il trouvait cette situation à la fois étrange et rassurante. Mais au moment où il retire sa main, je me sens soudainement vidée, comme si la chaleur de son geste m’avait abandonné trop tôt.

Est-ce qu'il est de nouveau excédé par moi ?

Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce n’est pas le cas. Au lieu de cela, il se glisse à mes côtés, sur ce canapé qui, maintenant, semble brutalement avoir rétréci. Il se rapproche lentement, comme s’il ne voulait pas briser la distance trop vite.

Mon corps se raidit instinctivement, mais je ne le repousse pas. Quand son bras s’enroule autour de ma taille, je me tends. Le contact est inattendu, presque hypnotisant, je sens la chaleur se propager sous ma peau. Nous sommes désormais si proches, si collés, notre souffle se mêlant, nos fronts se frôlant. Mon cœur bat à tout rompre, et je retiens ma respiration, j'ai la sensation d’étouffer soudainement.

Je ne m’attendais pas à ça, pas à un rapprochement aussi soudain, aussi intime. Peut-être que le noir de la nuit lui donne plus de courage. Il n’a plus à prêter attention à mes gestes, à mon attitude. Peut-être que dans cette obscurité, il se permet enfin ce qu’il n'oserait pas en pleine lumière.

Je reprends ma respiration, et je le regarde sans vraiment le voir. Le brouillard du sommeil encore dans mes yeux me permet de m’accrocher à cet instant étrange, sans vraiment comprendre ce qu'il se passe. Mais je n’ai pas le temps de tout déroule.

Mes mains se retrouvent dans ses cheveux, guidées par un désir silencieux de l’explorer. Ses mèches hirsutes glissent entre mes doigts, si soyeuses que j’en serais presque jalouse. Une fragrance douce et sucrée m’envahit, m’enveloppe. Je n'arrive pas à décrire ce parfum, mais il me trouble. C’est une sensation exquise, apaisante, presque addictive.

Je n’ai jamais été aussi proche de quelqu’un, mais là, dans ses bras, je me sens… en sécurité. Pour une fois. Louis ne me force pas. Il ne me cajole pas de manière étouffante, il est juste là, à ma portée, et c’est suffisant. C’est rare pour moi, ce sentiment d’être acceptée sans jugement, sans qu’on me pousse à aller plus vite que ce que je peux supporter.

Sa respiration devient plus profonde, plus régulière, jusqu’à s’apaiser complètement. Alors qu'il s’endort, je reste là, toute seule à tenir compagnie à l'obscurité, enlaçant celui que je désire plus que tout.

Un sourire naît involontairement sur mes lèvres, alors que je reste plusieurs minutes à l'observer. Cette sensation d’être importante aux yeux de quelqu’un d’autre que mon père… c’est nouveau, et pourtant si doux. Je me sens revivre.

C’est étrange, mais dans ce noir, avec Louis dans mes bras, je ne veux pas bouger. Je ne veux pas que cet instant s’arrête.

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