Chapitre 48

Jour 50 : Le matin

Je ne sais pas combien de temps j’ai dormi, mais lorsque mes yeux s’ouvrent, tout semble flou. Une sensation de lourdeur m'envahit, et il me faut un moment pour réaliser que Louis est toujours là, assis à mes côtés.

Un sourire naît sur mes lèvres alors que je l'observe. Dans son sommeil, il dégage une sérénité touchante. Son visage, d’ordinaire expressif et animé, semble presque sérieux, comme s’il était emporté dans un rêve qui l’apaise. Ses cheveux en bataille contrastent avec sa tenue soigneusement choisie, une chemise à lacets et un pantalon noir ajusté. Il a ce style hors du temps, presque victorien, qui le distingue des autres garçons et qui m’a immédiatement charmée.

Tandis que mes pensées s'égarent, Louis bouge légèrement, ses paupières battent et, avant que je ne réalise, il est debout près de moi.

– Tu vas bien ? me demande-t-il, sa voix douce emplie d'inquiétude.

Je hoche la tête lentement, une légère douleur pulsant encore dans mon crâne.

– L’infirmière a dit que tu devrais te reposer. Elle a aussi appelé ton père, ajoute-t-il, son ton presque murmuré, comme s’il connaissait l’effet que cette nouvelle aurait sur moi.

– Quoi ? Non, c’est inutile, je vais bien…

– Heavan, me coupe-t-il avec une fermeté inhabituelle, ce n’est pas rien. Rallonge-toi.

– Qu’est-ce qui m’est arrivé ?

Ce dernier hésite, son regard trahissant une tempête intérieure.

– L’infirmière pense que c’est lié au choc que tu as reçu l’autre jour.

Ses paroles font écho dans ma tête. Je scrute son visage et remarque ses mâchoires crispées, sa lèvre mordillée, et sa voix qui tremble légèrement malgré ses efforts pour rester maître de lui-même.

– Dis-moi tout, Louis, je t’en supplie, je veux savoir.

Il inspire profondément avant de répondre, sa voix presque cassée.

– Elle m’a expliqué que ça pourrait être une commotion cérébrale… ou quelque chose de post-traumatique. Elle dit que certains symptômes apparaissent plus tard et… et que ça peut être grave.

Je le vois lutter pour garder son calme, son regard rivé au sol, évitant de croiser le mien.

– Louis, ce n’est pas la fin du monde, dis-je doucement tout en posant ma main sur sa joue pour tenter de l’apaiser.

Seulement, mes mots ne semblent pas l’atteindre.

– Tu ne comprends pas ! rétorque-t-il soudain, sa voix tremblant de colère et de culpabilité. Si Bill ne t’avait pas frappée ce jour-là… Si j’avais fait quelque chose…

Louis passe une main dans ses cheveux, visiblement accablé, puis explose :

– Ce type a peut-être gâché ta vie, et moi, je n’ai rien fait pour t’aider. J’ai pris ça à la légère, comme un idiot !

– Louis, calme-toi. Je vais bien, ça ira, ce n’est pas si grave.

– Pas si grave ? Tu te rends compte que tu es tombée inconsciente devant moi ? Tu veux qu’il se passe quoi, après ?

– Ça va aller. C’est peut-être temporaire, rien de plus, dis-je en tentant de rester rationnelle.

– Pourquoi tu fais comme si tout allait bien alors que ce n’est pas le cas ? s’emporte-t-il encore, le visage déformé par la colère. Tu es pâle comme un cadavre, Heavan.

Puis, plus bas, il murmure :

– Je vais lui faire payer...

– Ça suffit ! m’écrié-je, ma voix tranchant l’air lourd de tension. Tu vas t’asseoir et te calmer. Fais-le pour moi, s’il te plaît.

Celui-ci reste figé un instant, ses poings serrés, avant de pousser un long soupir. Finalement, il retourne s’asseoir, mais son regard reste sombre, comme si la culpabilité continuait de le ronger.

Le silence s’installe, pesant, seulement interrompu par l’infirmière qui passe régulièrement vérifier mon état. Ses questions répétées m’agacent, tout comme l’idée d’attendre que mon père arrive.

De temps à autre, je jette un coup d’œil vers Louis. Il semble épuisé, ses traits tirés, comme s’il portait un poids bien trop lourd pour lui. Je regrette presque de m’être emportée contre lui plus tôt. Peut-être avais-je mal mesuré combien cette situation l’affectait.

Comme s’il avait lu dans mes pensées, il brise le silence.

– Désolé. J’ai… dérapé, dit-il, sa voix basse et chargée de remords.

Je reste silencieuse, mais il insiste.

– Excuse-moi, Heavan.

Je finis par lui sourire, un sourire qui se veut rassurant.

– Ne t’en fais pas, Louis.

Il relève la tête, et son visage s’illumine légèrement, allégé par mes mots.

Des bruits de pas pressés retentissent soudain dans le couloir. Une voix grave et familière se fait entendre, et un instant plus tard, mon père fait irruption dans la pièce, visiblement inquiet.

Il m’aide à me lever sans un regard pour Louis, comme s’il n’était pas là. Je lui lance un dernier coup d’œil en partant, mais Louis évite mon regard, fixant le sol, abattu.

Je ressens un pincement au cœur en le voyant ainsi, mais je sais que tout cela l’a touché profondément. Aujourd’hui, il a appris ce que ça signifie d'avoir mal. Pas seulement physiquement, mais dans chaque fibre de son être.

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