Chapitre 34

Jour 35 : tôt le matin

Je fais lentement tourner la clé dans la serrure, retenant mon souffle. La porte a cette fâcheuse tendance à grincer au moindre mouvement, j'en ai la goutte au front !

– Enlève tes chaussures, sussuré-je, sur le palier, et pas un bruit !

Louis hoche la tête, sans un mot, et s'exécute. Tant mieux, parce que je n'ai plus la patience pour ses provocations. Après une nuit pareille, une seule remarque sarcastique pourrait me faire exploser.

– Suis-moi, mais doucement, murmuré-je sur le qui-vive.

Je nous guide à travers l'appartement plongé dans l'obscurité. Le silence est presque oppressant, mais c’est un mal nécessaire. Si mon père se réveille et découvre Louis, je n’ose même pas imaginer la scène. Je frôle les meubles familiers et pose son manteau sur le porte-manteau avec précision. Quant à Louis, il me suit, étrangement silencieux.

– Fais attention où tu marches, soufflé-je.

Celui-ci ne répond pas, mais je sens sa présence derrière moi. Arrivés dans le salon, je pose mes mains sur ses épaules et le guide jusqu’au canapé.

– Assieds-toi là. Je vais chercher une couverture, chuchoté-je avant de disparaître dans le couloir.

Chaque pas vers ma chambre est une épreuve. Je passe devant la porte de mon père, la gorge nouée. S’il entend quoi que ce soit… Non, il ne doit pas ! Dans ma chambre, je récupère rapidement une couverture et reviens sur la pointe des pieds.

– Voilà pour toi, dis-je en lui tendant le tout.

– Merci, mais... comment on fait pour demain matin ?

Je pouffe malgré moi.

– Pour ce matin, tu veux dire ? Je n’en sais rien. À moins que tu sois assez discret pour filer avant que mon père ne se lève, tu es mal parti.

– Génial ! grogne-t-il.

– C’est toi qui as voulu venir ici, répliqué-je.

– Correction : je voulais rentrer chez moi. Toi, tu m’as traîné ici.

– Quel ingrat !

– Qui utilise encore ce mot ? ricane-t-il.

– Qui traîne dans les rues à deux heures du matin sans savoir où aller ?

– Les jeunes ! lâche-t-il, amusé. Mais tu ne comprendrais pas.

– Chez nous, on ne vit pas comme des irresponsables.

– Chez vous, on vit comme des vieux, riposte-t-il.

– Et chez toi, comme des sauvages.

Malgré la pénombre, je sens son sourire insolent. Il ne perd jamais une occasion.

– Tu as tout ce qu’il te faut ? demandé-je en croisant les bras.

– Presque, mais ça ira. Merci.

– Très bien. Bonne nuit, Louis.

Je me retourne pour rejoindre ma chambre, mais sa voix me retient.

– Heavan ?

– Quoi ?

– Qui est ce mec ?

Un instant, je ne comprends pas. Puis le souvenir de ma boutade à propos de mon « copain » me revient.

– Mon lit, abruti, ris-je en me tournant vers lui, qui veux-tu que ce soit ?

À la faible lumière de la lune, je vois son sourire s’étirer. Toujours égal à lui-même.

– Bonne nuit, dit-il finalement.

– À toi aussi.

***

Un peu plus tard

La nuit s’écoule à une vitesse folle, mais impossible de trouver le sommeil. Mon esprit est en ébullition, partagé entre les événements de la nuit et la présence de Louis sous mon toit. Ce mélange est suffisant pour me tenir éveillée, malgré l’épuisement.

Je viens tout juste de me détendre, quand soudain, mon matelas s’affaisse. Je me raidis. Mon cœur s’emballe. Je sens une couverture se soulever et un souffle froid caresser ma peau.

Quelque chose se glisse contre mon dos.

Non, non, non... Ce n’est pas possible !

Je sens un bras qui vient m’enlacer, suivi d’une tête qui se niche dans mon cou. Ses cheveux effleurent ma peau, me chatouillant doucement.

Mon esprit vacille entre colère, incrédulité et… une étrange chaleur. Mais l'agacement reprend vite le dessus.

– Louis, chuchoté-je, ma voix tranchante, qu’est-ce que tu fais ?

Il n'y a pas de réponse, juste un soupire.

– Tu as dépassé les bornes, soufflé-je en me dégageant brusquement.

Il grogne, à moitié endormi, mais ne bouge pas. Je me retourne pour lui faire face.

– Retourne sur le canapé, ordonné-je.

– Il fait froid, marmonne-t-il, la voix lourde de sommeil.

– Et alors ? Ce n’est pas une raison !

Je le pousse légèrement, mais il attrape mon poignet avec une douceur inattendue.

– Juste cinq minutes, murmure-t-il.

Je reste figée, tiraillée entre mon agacement et… autre chose. Finalement, je soupire.

– Cinq minutes alors. Pas une de plus.

Je me recouche, dos à lui, priant pour que la nuit se termine vite...

Ou pas.

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