Chapitre 29

Jour 25 : Jeudi matin

La matinée commence doucement avec seulement deux heures de sport. Débuter à presque dix heures me convient parfaitement. En tant que couche-tard invétérée, les levers tôt sont mon pire cauchemar. Mon corps proteste toujours, et je passe le reste de la journée à me sentir vaseuse et épuisée. Suivre les cours dans cet état semi-léthargique relève de l’exploit.

Déjà habillée en tenue de sport, je franchis la porte du vestiaire sans avoir à me changer sur place. L'idée de me déshabiller devant des filles que je ne connais pas me met mal à l’aise, une pudeur qui, pour une fois, me semble parfaitement rationnelle. Autour de moi, les voix s'élèvent peu à peu. Les rires fusent, les chuchotements s’entremêlent. Le vestiaire devient rapidement un véritable poulailler.

Je quitte les lieux sans attendre. Sur le chemin du terrain, je croise Angel et Rosa. Leurs regards méprisants glissent sur moi comme des éclats de verre. Je les ignore, gardant la tête haute, et rejoins le professeur qui prépare des plots sur la piste.

– Motivée ? murmure une voix familière à mon oreille.

Je sursaute légèrement, mais avant que je ne puisse répondre, Louis me dépasse avec son habituel sourire en coin. En un clin d’œil, il rejoint son groupe de copains, tous déjà en train de fanfaronner.

Je le regarde s’éloigner, son assurance contagieuse. Il est toujours le centre de l’attention, mais depuis que j’ai appris à mieux le connaître, je remarque autre chose chez lui. Il y a une lumière nouvelle dans son regard, quelque chose de moins sombre, de plus... chaleureux. Malgré cela, une part d’ombre subsiste, et je ne peux m'empêcher de la trouver fascinante.

Les filles commencent à sortir du vestiaire, vêtues de tenues moulantes qui mettent leurs silhouettes en valeur. À côté de leurs brassières et leggings, mon jogging trop large semble sorti d’une autre époque. Mais cela ne me dérange pas. Pas aujourd’hui.

Le professeur hurle sur les retardataires pour les presser. Il nous annonce que nous allons faire de l’athlétisme. Enfin, un sport qui m’enthousiasme un peu plus que le ping-pong ou le badminton. Je suis soulagée d’entendre qu’il n’y aura pas d’équipes à former. Pas de sélection cruelle où je suis toujours la dernière choisie. Ici, chacun court pour soi, et cela me convient parfaitement.

Le sifflet retentit. Nous nous alignons sur la ligne de départ pour une évaluation d’endurance. Mon cœur bat un peu plus vite à mesure que le signal approche, mais je me sens prête.

Je commence la course doucement, mes pas calés sur ma respiration. Inspirer. Expirer. Garder un rythme stable pour ne pas m’épuiser trop tôt. Devant moi, certaines filles abandonnent déjà et bavardent en marchant, échangeant des rires et des potins. Je les dépasse sans effort, concentrée sur un point imaginaire à l’horizon.

Au deuxième tour, une voix railleuse me fait sursauter.

– C’est la première fois que je te vois si sûre de toi.

Je tourne légèrement la tête. Il est là, trottinant presque à mes côtés, un sourire en coin. Mais à bien y regarder, son souffle est déjà court. Ses épaules se soulèvent rapidement, et son visage commence à trahir l’effort.

– C’est que tu ne me connais pas encore à cent pour cent, répliqué-je aisément, malgré mon souffle qui s’accélère.

– Un mélange des deux serait la perfection incarnée, lance-t-il, d'un ton toujours taquin, mais d'une voix plus hachée.

– Louis... soupiré-je, agacée mais amusée, tu ferais mieux de te concentrer sur ta course. Tu es quasiment à bout de souffle.

– Je suis déjà concentré… mais je veux bien que tu m’aides à travailler mon fameux souffle, dit-il, marquant une pause pour reprendre de l’air.

Son insinuation me fait sourire malgré moi.

– Ce sont des sous-entendus ? demandé-je, entrant volontairement dans son jeu.

– Peut-être bien, répond-il, un éclat de malice dans la voix, c’est plus excitant de se cacher, non ?

Il a raison, bien sûr. Mais je ne le lui dirai pas. Je préfère garder mes sentiments pour moi. Si je lui montre trop d’intérêt, il pourrait en abuser, et je refuse de devenir une simple distraction.

Malgré son essoufflement, il maintient un rythme soutenu. Il est rapide, incroyablement même, mais son manque d’endurance est évident. Il s’appuie davantage sur sa puissance que sur sa capacité à tenir sur la durée. Cela contraste avec ma propre stratégie, plus lente mais régulière.

– Si tu arrêtais de parler, tu irais peut-être plus loin, rétorqué-je, un brin moqueuse.

– Où serait le fun ? lâche-t-il, avant de se rapprocher d'un peu plus près.

Je ne peux m’empêcher de sourire. Ce jeu qu’il joue, cette proximité teintée de mystère, me trouble autant qu’elle m’attire. Il veut cacher nos échanges aux yeux des autres, et curieusement, cela ne me dérange pas. Au contraire, cela ajoute une tension particulière, une excitation nouvelle.

– Et si on se retrouvait dans la salle de musique ce midi avant le service de treize heures ? propose-t-il soudain, entre deux respirations.

Je secoue la tête. Tout ne doit pas tourner autour de lui. J’ai des devoirs, des livres à lire, et une scolarité à assurer.

– Dans ce cas, tu me devras une autre faveur, glisse-t-il, son sourire carnassier faisant de nouveau surface.

– Louis, contesté-je, ennuyée mais amusée.

– À toi de revoir tes priorités, conclut-il, son ton plus sombre et sa voix teintée d’un désir à peine voilé.

Ce dernier accélère soudainement, sa foulée puissante le propulsant bien devant moi. Je le regarde s’éloigner, impressionnée par sa vitesse, même si je sais qu’il ne tiendra pas ce rythme longtemps.

Je pense à ce que celui-ci a dit, à ce qu’il représente. Une part de moi voudrait tout abandonner pour me jeter dans ses bras, ressentir à nouveau la chaleur de ce canapé où j’avais presque trouvé la paix. Mais une autre part, plus rationnelle, me retient.

Pas encore, me dis-je, prends ton temps.

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