Chapitre 27
Jour 22 : le midi
Midi approche, comme en témoigne l'horloge murale accrochée en face de nous. Pourtant, je n'arrive pas à m'y résoudre : à l'idée de sortir de cette pièce et de rompre cet instant suspendu, un mélange d'anxiété et de tristesse m'envahit. Je ne veux pas partir. Pas encore.
Depuis deux heures, nous discutons de tout et de rien. Des banalités, des confidences légères, mais tout semble fluide, naturel. Chaque mot échangé construit un fil invisible entre nous, et plus nous parlons, plus cette connexion me paraît précieuse. Si fragile aussi, comme si le moindre faux pas pouvait tout briser.
Je jette un coup d'œil furtif à l'horloge. Encore une fois. Ce mouvement n'échappe pas à Louis, qui se lève soudain et décroche l'horloge du mur avant de la poser face contre terre. Ce geste, inattendu et désinvolte, me fait sourire malgré moi.
– Et voilà, problème réglé, dit-il en revenant s'asseoir, un air triomphant sur le visage.
Je ne peux m'empêcher de rire doucement. J'ai remarqué qu'il aimait me faire sourire, qu'importe la situation. C'est une facette de lui que je découvre aujourd'hui, une attention douce et bienveillante que je n'aurais jamais soupçonnée chez lui. Comme quoi, il faut toujours aller au-delà des apparences.
– Je n’ai pas envie de partir, confie ce dernier en s’asseyant à mes côtés, cette fois un peu plus près que nos jambes se frôlent, et un frisson traverse mon corps.
– Il va bien falloir, tu sais, dis-je, ma voix un peu plus faible que je ne l’aurais voulu.
– Mmh... Soupire-t-il, un léger sourire mélancolique aux lèvres. C’est comme être dans un rêve. Et là, le réveil sonne, mais je refuse de me lever.
Je ris doucement, imaginant la scène.
– Je ressens la même chose le matin. Si je pouvais choisir, je vivrais la nuit. Pas parce que j’aime le monde nocturne, mais parce que je trouve ça apaisant. Me balader sous un ciel étoilé, c’est comme entrer dans un autre monde. Ça me donne l’impression de renaître.
Louis éclate de rire, un rire sincère qui résonne dans la petite pièce.
– Tu as vraiment un problème avec les gens, toi.
Sa remarque me pique au vif. Mon sourire s’efface, et je détourne le regard, vexée.
– Désolée... Je n’aurais pas dû m'épancher comme ça, murmuré-je en me refermant sur moi-même.
– Pourquoi pas ? demande-t-il, son ton adouci.
– Parce que tu t’en fiches sûrement.
Celui-ci secoue la tête, son expression sérieuse.
– Rien de ce qui vient de toi n’est à jeter aux ordures, rétorque-t-il, son ton ferme, alors arrête de t’excuser pour tout et pour rien.
Sa voix, bien que sincère, est un peu trop brutale à mon goût. Mais je sais qu'il essaie de me secouer, de me sortir de mes propres contradictions. Il n’est pas le premier à tenter. Mon père a abandonné cette bataille il y a des années.
– Excuse-moi, reprend-il plus doucement, je ne devrais pas te parler comme ça. Ce n’est pas mon rôle.
Je secoue la tête, un sourire triste sur les lèvres.
– Non, mais tu as raison. Mon père ne cesse de me dire la même chose depuis que je suis petite.
Il me fixe, l’air curieux.
– Mais qu’est-ce qui s’est passé pour que tu sois comme ça ? Je ne comprends pas.
Je baisse les yeux, peu encline à m’engager sur ce terrain glissant.
– Moi non plus, à vrai dire, avoué-je, d'une voix à peine audible, il y a des jours plus difficile que d’autres.
Son regard devient plus intense, presque triste. Louis me scrute, comme s’il cherchait à comprendre quelque chose que même moi je ne peux expliquer. Et contre toute attente, sa main s’élève doucement jusqu’à mes cheveux. Ses doigts effleurent une mèche, puis la replacent derrière mon oreille dans un geste tendre.
Je reste immobile, surprise par ce contact inattendu. Étrangement, je ne recule pas. Je me laisse aller, fermant même les yeux, profitant de la chaleur de sa paume contre ma peau. Une autre main vient encadrer mon visage, douce mais ferme. Je comprends alors ce qu’il veut faire.
Ordinairement, je me serais levée, paniquée, inventant une excuse bidon pour fuir. Mais cette fois, je n’en ai ni l’envie ni la force. Mon corps refuse de bouger. Tout en moi hurle de rester, de me laisser porter par cet instant.
Alors je reste.
Un sourire involontaire naît sur mes lèvres alors que je sens son souffle chaud se rapprocher. Mon cœur bat à tout rompre, un tambour incontrôlable dans ma poitrine. Mais à ma grande surprise, il ne fait que déposer un baiser sur le coin de ma bouche.
Ce geste, si respectueux et mesuré, me désarme. Il aurait pu aller plus loin, mais il ne l’a pas fait. Cette retenue m’émeut autant qu’elle m’intrigue.
Louis recule légèrement, son regard cherchant le mien, et je sens une chaleur douce m’envahir.
– En fin de compte, tu n’es pas si mauvais que ça, chuchoté-je, un sourire taquin aux lèvres.
Ce dernier rit doucement, et pour la première fois, je sens que quelque chose de profond et de vrai est en train de naître entre nous.
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