Chapitre 22

Jour 19 : Le midi

Je ne sais pas par où commencer. Dois-je vraiment me confier à lui ? Ou devrais-je plutôt me réfugier dans ma petite vie bien rangée, où tout est sous contrôle, loin de l’attention des autres ?

Louis me semble sincère. Pourtant, une partie de moi reste méfiante. Une fois le seuil de ce CDI franchi, ne redeviendra-t-il pas cet étudiant adulé, indifférent, qui feindra de ne jamais m’avoir adressé la parole ? Cette idée me brûle plus que je ne veux l’admettre.

C’est un dilemme qui me ronge. Mon cœur me supplie de me livrer, de lui ouvrir cette porte que je garde obstinément close. Mais ma raison, elle, s’élève en un mur solide, criant qu’un tel geste serait une folie. Et si mes confidences devenaient des armes dans ses mains, prêtes à se retourner contre moi ?

Je frémis. L’idée d’une trahison, une de plus, m’effraie. Mon petit cœur de marshmallow, déjà bien cabossé, pourrait ne pas s’en relever.

Alors, que faire ? Lui faire confiance ou garder mes distances ?

– À force de réfléchir, tu vas finir par te perdre, intervient-il soudain, brisant le fil de mes pensées.

Je relève les yeux, prise de court. Ses prunelles accrochent les miennes, et tout s’arrête. L’air semble s’épaissir autour de nous, chargé d’une tension presque palpable. Je n’ose même plus respirer. Quelle est donc cette sensation qui me retourne les tripes ?

Un sourire naît sur mon visage, timide mais sincère. Louis, plus détendu, s’appuie sur ses coudes et se penche vers moi, son regard planté dans le mien. Nos visages ne sont plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre.

– Et si on recommençait tout ? propose-t-il, un éclat malicieux dans les yeux.

– Qu'est-ce que tu veux dire ?

– Comme si on ne s’était jamais rencontrés. Qu’on effaçait tout pour repartir de zéro. Ça te tente ?

Je reste sceptique, mais son attitude désarmante me pousse à baisser la garde. Sa proposition, aussi légère qu’elle semble, réussit à apaiser quelque chose en moi.

– C’est compliqué, murmuré-je, incertaine.

– Compliqué, tu dis ? réplique-t-il avec un sourire qui me désarme totalement.

Je ne peux détacher mon regard de ses lèvres légèrement étirées. Elles semblent presque me narguer.

– Bon, d’accord, finis-je par céder, haussant les épaules comme pour cacher mon trouble.

– Je n’attendais que ça, lâche-t-il en réfléchissant à voix haute. Voyons voir… Hmm… Ah ! Voilà. Dis-moi, Heaven, d’où viens-tu exactement ?

Je ne peux m’empêcher de sourire, mi-amusée, mi-gênée par ce jeu enfantin. Mais, après tout, pourquoi pas ?

– Je viens des États-Unis, dis-je en raclant ma gorge, la nervosité me faisant trembler légèrement.

– Génial ! Et de quel État ?

– Du Dakota du Nord, répondé-je, presque timidement. D’une petite ville appelée Penn, près de Devil's Lake.

– Je crois connaître...

Il me fait un signe de la main, m’invitant à prendre la parole à mon tour.

– Et toi ? Qu’est-ce que tu aimes faire pendant ton temps libre ?

Je regrette presque ma question aussitôt posée. Quelque chose en lui change. Son regard perd de sa légèreté, une ombre y passe, et il baisse la tête, fixant ses mains qu’il dissimule sous la table.

Pendant un instant, je crois m’être trompée sur lui. Peut-être n’est-il pas aussi détaché qu’il le laisse paraître. Derrière cette façade confiante se cacherait-il, lui aussi, des fêlures ?

– Je fais de la musique, finit-il par avouer, son regard revenant accrocher le mien.

– C’est super ! Pourquoi la musique, et pas autre chose ?

Il esquisse un sourire mélancolique.

– Mon père est musicien. Toute ma famille, en fait. Mais on n’a pas vraiment les mêmes goûts musicaux, et ça... complique un peu les choses.

Son honnêteté me touche. Je sens un petit quelque chose changer en moi, un bien-être inattendu. Je lui souris à mon tour, et pour la première fois depuis longtemps, je me sens un peu plus légère, un peu plus à ma place.

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