Chapitre 16

Jour 15 : l'après-midi

Les yeux dans lesquels je me perds toujours malgré moi me fixent avec une intensité qui me bouleverse. Son regard, si pénétrant, me secoue intérieurement comme une vague qui submerge un rivage fragile. C'est comme s'il pouvait lire en moi, chaque pensée, chaque frémissement. À chaque instant, je me sens déchiffrée, analysée, et ça me déstabilise.

Une tension s'installe entre nous, une tension fine et palpable, comme un fil invisible que ni lui ni moi ne voulons rompre. Elle flotte dans l'air, et pourtant, elle m'envahit avec la force d'un vent imprévu, saisissant chaque fibre de mon être.

- Je dois aussi terminer un devoir pour la philo, dit-il, sa voix douce mais décidée, comme pour me convaincre.

Aussi ? Comment sait-il que j'avais l'intention de travailler ici ? Bien sûr, je l'avais mentionné à Marie, mais c'était un prétexte, une excuse. En réalité, je n'avais aucune envie de réviser, pas aujourd'hui du moins. Mais comment pourrait-il le savoir ? Je n'ose même pas y penser.

- D'accord, murmuré-je, plus par habitude que par réel désir.

À ce moment, son regard se fait plus insistant. Il me scrute avec une telle intensité que, tout à coup, je ne sais plus où me mettre. Mon cœur s'emballe, mes jambes sont comme paralysées par l'émotion. J'ai envie de fuir, de m'échapper loin de lui, mais d'un autre côté, un part de moi brûle d'envie de me laisser tomber dans ses bras, de me fondre dans ce regard qui me submerge.

Est-ce qu'il essaie de me faire comprendre quelque chose ? Ses yeux semblent vouloir me transmettre un message que je ne saisis pas, comme s'il voulait communiquer par télépathie, mais je suis trop confuse pour le comprendre. C'est étrange et perturbant. Ce mélange de désir et de peur me prend au ventre.

Je me force à revenir à la réalité, et je constate qu'il s'est déplacé. Il est maintenant à quelques centimètres de mon visage. Son corps est si proche du mien que je sens la chaleur de sa présence m'envahir. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Je me détourne vivement, presque par réflexe, pour éviter de devenir une sorte d'idiote sous son regard scrutateur. Je n'ai pas envie qu'il pense que je suis complètement perdue, mais à cet instant, c'est exactement ce que je ressens.

Je tente de marcher droit, de ne pas plier sous la pression qui s'est subitement installée entre nous. Chaque pas me paraît lourd, chaque mouvement maladroit. Je monte la dernière marche de l'escalier et me dirige précipitamment vers le couloir menant au CDI, espérant que la distance me permettra de retrouver un peu de contenance.

Pourquoi veut-il se joindre à moi ? Je n'arrive pas à comprendre. Ce n'est pas que je ne veuille pas de sa compagnie, mais je n'ai aucune idée de comment gérer cette situation.

Je me dirige vers ma table habituelle, celle que je préfère, à l'abri des regards, cachée parmi les étagères pleines de livres. Sans réfléchir, je m'y installe, espérant que cela me permettra de retrouver une semblance de tranquillité. Mais à ma grande surprise, Louis ne s'éloigne pas. Au contraire, il s'assoit à ma droite, si près que je peux sentir sa présence presque tangible. Il s'installe lentement, sans précipitation, comme s'il prenait son temps dans chacun de ses gestes. Ses mouvements sont calculés, presque lents, comme s'il réfléchissait à chaque détail. Il sort une feuille et une trousse, et l'air un peu perdu, il regarde la page blanche devant lui, l'air pensif.

Que lui arrive-t-il ? Je le connais un minimum pour savoir qu'il n'est pas du genre à se laisser déstabiliser, à tergiverser. D'habitude, il est sûr de lui, implacable. Or là, quelque chose a changé. Il semble... différent. C'est une autre facette de lui que je découvre, et c'est troublant.

- Tu ne travailles pas ? me demande-t-il soudain, ses yeux plantés dans les miens, comme pour me sonder.

Je me sens comme une proie sous son regard, prise au piège. La question m'étonne, me fait perdre mes moyens. Pourquoi il me demande ça ? Et puis, pourquoi est-ce que j'ai l'impression que ma réponse a de l'importance ?

- Je ne sais pas... bafouillé-je, totalement déstabilisée par ce revirement de situation auquel je ne m'attendais pas du tout.

Celui-ci soupire doucement, l'air un peu fatigué, et se remet à fixer sa feuille, comme si la réponse ne venait pas naturellement. Son attitude, presque résignée, contraste tellement avec la confiance qu'il dégage habituellement.

- Tu comptes vraiment étudier ? insiste-t-il, comme s'il avait besoin d'une confirmation plus claire.

Je roule les yeux, un peu lasse. La situation m'échappe complètement. Pourquoi cette conversation devient-elle si étrange ?

- Eh bien, pas vraiment, en réalité, admet-je, plus honnête que je ne l'aurais voulu.

Il lève un sourcil, visiblement surpris par ma réponse.

- Alors pourquoi tu viens ici ?

Et là, je le regarde, abasourdie par sa question. Ses mots me frappent en plein cœur, comme une vérité brutale. Je ne sais pas comment y répondre.

- Parce que... commencé-je, hésitante, je m'y sens bien.

Je lâche ces mots presque dans un murmure, regrettant immédiatement d'avoir été aussi sincère. Mon cœur s'emballe de plus belle. Pourquoi ai-je dit ça ?

- Je n'y avais jamais mis les pieds avant cette année, poursuit-il, d'une voix plus calme.

Je ne peux m'empêcher de m'étonner de sa confession. Ce n'est pas ce à quoi je m'attendais.

- Ah oui ? m'exclamé-je, surprise, presque incrédule.

Louis éclate de rire, un rire sincère, débarrassé de toute moquerie.

Je suis soulagée qu'il ne prenne pas la mouche. Il semble plus léger d'un coup, comme si un poids venait de le quitter.

- Il n'y a pas mort d'homme non plus ! plaisante-t-il, mais semblant hésiter un instant, comme s'il voulait ajouter quelque chose de plus important. Ceci dit, je dois t'avouer quelque chose... Ajoute-t-il soudain en baissant la voix, comme si c'était une confession.

Son regard est intense, je sens le poids de son celui-ci sur moi. Puis, dans un mouvement qu'il croit anodin, il fait crisser sa chaise contre le sol pour se rapprocher encore plus près de la mienne.

Je le sens, tout près, trop près, et mon cœur rate un battement. Son souffle caresse mon oreille et ma nuque, me procurant une sensation nouvelle, délicieuse et troublante à la fois. Des frissons me parcourent l'échine, je sens mes joues brûler. Je n'ai jamais été aussi consciente de la proximité de quelqu'un. Tout mon corps vibre sous l'intensité de cet instant, sentant mes pensées s'embrouiller.

Je deviens paranoïaque, c'est certain. Tout cela est trop étrange, trop intense pour être simple. Pourquoi est-il si proche ? Que veut-il vraiment ? Est-ce un jeu ? Ou est-ce moi qui surinterprète tout ?

Je n'ai plus aucune certitude...

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