Chapitre 12
Jour 12 : Le matin
Toujours en compagnie de Louis, je me sens terriblement mal à l’aise. Mes bras pendent mollement de chaque côté de mon corps, et je ne sais quoi en faire. Croisés ? Noués devant moi ? Fourrés dans mes poches ? Impossible, elles sont trop petites pour les accueillir. Chaque mouvement me semble ridicule, chaque posture exagérée. Je suis prisonnière de mon propre malaise.
Une tension palpable flotte entre nous, bien que rien ne l’explique. Louis, lui, semble parfaitement à l’aise, les mains dans les poches de son jean, un léger sourire flottant sur ses lèvres.
– Je ne suis pas très fan de la littérature française, mais on n’a pas vraiment le choix, hein ? lance-t-il soudain en me regardant.
Sa voix me sort de mes pensées. Ses mots m’accrochent, mais je reste muette, comme figée. Que répondre ? Je hausse vaguement les épaules, évitant son regard. Si j’ouvre la bouche, ma voix risque de trahir ma nervosité. J’entends déjà mon propre bégaiement maladroit résonner dans ma tête, prêt à ruiner ma crédibilité.
– Tu n’as pas de préférences ? insiste-t-il.
Essaye de dire quelque chose, Heaven. C’est vital maintenant !
– Si… Victor Hugo, lâché-je finalement dans un souffle.
Mon ton est si faible que j’ai l’impression qu’il n’a pas entendu. Mais il hoche la tête, un sourire sincère étirant ses lèvres.
– Ah, oui, bien sûr ! Un grand monsieur !
Je hoche la tête à mon tour, soulagée. Une réponse simple, neutre. Pas de gaffe, pas de catastrophe. Néanmoins malgré ce court échange, une boule d’angoisse continue de tordre mon estomac. Mes pieds semblent cloués au sol, incapables de bouger, et je ne comprends pas pourquoi.
– Tiens, prends-le, dit-il soudain en me tendant son livre.
Interdite, je le fixe, incapable de comprendre son geste. Pourquoi me tend-il ce livre ? Mon regard passe du bouquin à son visage, à la recherche d’une explication.
– J’ai entendu dire que tu n’avais pas pu l’emprunter hier au CDI, explique-t-il, comme je n’utilise pas ma carte de prêt, je me suis dit que ça pourrait te dépanner.
Son ton est hésitant, presque maladroit sur la fin de sa phrase. Je reste figée, incapable de réagir. Mon esprit s’emballe. Pourquoi agit-il comme ça ? Est-ce une faveur ? Attend-il quelque chose en retour ?
– C’est… c’est gentil, merci, bredouillé-je finalement, ma main moite tremblant légèrement en prenant l'exemplaire.
Louis ne semble pas remarquer mon trouble. Il me sourit simplement, comme si son geste était naturel. Pourtant, je sens un léger embarras dans son attitude. Un rictus, une hésitation dans son regard. Puis, après une seconde de silence, celui-ci me demande :
– Est-ce que je peux te poser une question ?
Une question ? Mon cœur rate un battement. Pourquoi ce ton sérieux, presque inquiet ?
– Euh… oui, je suppose, dis-je, peu sûre de moi.
– Pourquoi… commence-t-il avant de s’interrompre, pourquoi sembles-tu toujours vouloir te cacher ?
La question me frappe de plein fouet. Je le fixe, abasourdie. Me cacher ? Moi ? Je bégaye en essayant de répondre, mais aucun mot cohérent ne sort.
– Je ne… je ne me cache pas ! protesté-je faiblement.
Il arque un sourcil, un air sceptique sur le visage. Son regard, perçant, semble vouloir lire à travers moi.
– Ce n’est pas l’impression que tu donnes. Tu serais même capable de t’excuser d’exister, tu ne crois pas ?
Je suis déstabilisée. Ces mots, si crus, sont-ils une attaque ou une observation sincère ? Mon instinct me souffle de me défendre, mais quelque chose dans sa voix me pousse à l’écouter.
– Ce n’est pas vrai ! Je suis… je suis juste… moi, répondis-je, cherchant mes mots.
– Alors montre-le, me coupe-t-il, ne laisse pas les autres décider qui tu es. Ni même ceux que tu crois être tes amis.
Je cligne des yeux, troublée. Ce qu’il dit me frappe en plein cœur. Comment peut-il deviner ce que je ressens ? Et pourquoi le dit-il, lui, quelqu’un que je connais à peine ?
– Pourquoi tu me dis ça ? demandé-je enfin, ma voix plus assurée.
Il détourne un instant le regard, comme pour rassembler ses pensées.
– Parce que… tu es quelqu’un de bien. Ça se voit.
Je reste sans voix. Il ajoute, un sourire énigmatique aux lèvres :
– Et parce que je pense que tu ne t’en rends pas compte.
Je ne remarque pas tout de suite qu’il s’est rapproché. Je suis trop absorbée par ses mots, par leur résonance en moi. Mais soudain, il est là, à quelques centimètres seulement. Son visage proche du mien, son regard ancré dans le mien. Mon cœur s’emballe. Une tension étrange, électrique, s’installe entre nous.
– Reste comme tu es, murmure-t-il près de mon oreille, c’est très plaisant d'observer quelqu’un comme toi. Très… inspirant.
Puis, avant que je ne puisse répondre, avant que je ne comprenne vraiment ce qu’il vient de dire, il s’éloigne. En un instant, il disparaît, me laissant seule avec mes pensées, mon livre, et un étrange mélange de confusion et de chaleur dans la poitrine.
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