⭐75. 24 fois plus...

— Alors, il y a quoi de prévu pour cet anniversaire ? s'informa Sara, curieuse à l'autre bout du combiné.
— Rien ! admis-je dans un soupir résigné en ajustant mes pieds sur le comptoir de ma loge.
— Quoi ? s'étrangla-t-elle et je souris en imaginant ses grands yeux écarquillés.
— Rien, répétai-je d'un ton désinvolte en jouant avec mon labret.
J'avais déjà organisé tous les types de fêtes possibles et imaginables ces dernières années. J'en avais marre. De plus, dernièrement, je ressentais une sorte de lassitude dans tout ce que je faisais. Je n'avais pas la tête à crier et me bourrer jusqu'à la moelle sous prétexte que j'avais atteint une nouvelle année.
Être avec Sara : voilà ce qui constituerait un joyeux anniversaire. Mais je devrais monter sur scène dans la journée même et je m'étais promis de ne pas insister pour qu'elle me rejoigne dans la tournée.
Manifestement, mon manque d'entrain pour l'évènement l'avait inquiétée, car elle s'enquit d'une voix préoccupée :
— C'est à cause de ton p...
— Non ! m'empressai-je de couper.
Je lui avais tout raconté et elle m'avait suggéré presque les mêmes choses que Monica. Mais elle avait aussi ajouté qu'elle m'aimerait toujours, peu importait mon choix.
Quand je disais que j'étais le mec le plus chanceux sur terre !
— Rick, ne me mens pas, insista-t-elle.
— Je ne te mens pas.
En fait, je ne savais pas si je disais la vérité ou pas. La mort de Dant ne m'attristait pas, mais d'une certaine façon, elle m'avait quand même ébranlé. Je remettais des tas de choses en question, comme par exemple, certains choix que j'avais pu faire par le passé et l'intérêt de certaines émotions qui avaient dirigé ma vie jusque-là.
Tout le monde voyait que j'étais un peu à l'ouest en ce moment-là. J'étais presque tout le temps dans mes pensées et lorsqu'on me le faisait remarquer, je me reprenais avant de recommencer quelques minutes plus tard, en ignorant les regards et mines interrogateurs qu'on m'adressait. Je n'allais quand même pas donner d'explications ! D'ailleurs, je doutais même d'en avoir une.
— D'accord, s'exprima Sara de ce ton qu'elle employait lorsqu'elle avait une idée en tête. Tu n'as pas besoin d'organiser de fête. C'est la fête qui viendra te trouver. Tu seras à Miami le vingt-cinq, pas vrai ?
Effectivement, j'allais participer à un festival en plein air, dans la ville côtière de Floride. Pourquoi elle voulait s'en assurer ? Elle allait venir ? Je me redressai sur ma chaise en me retenant de faire la danse de la joie. Cependant, quelque chose me revint et je m'exclamai :
— Attends ! On ne devait pas aller chez le médecin le vingt-quatre ?
— Rick, protesta-t-elle. On en a déjà parlé. On ira le vingt-sept, après ton anniversaire. Je n'ai rien ressenti depuis quelques jours. Ne t'en fais pas ! Ça peut attendre. Parlons plutôt de ces vingt-quatre ans. Alors, ça fait quoi d'être vieux ?
— Vieux ? m'offusquai-je en levant un sourcil, comme si elle pourrait le voir. C'est quand tu veux, pour tester mon endurance et la solidité de mes os, proposai-je d'un ton chargé de sous-entendus.
— Je te hais, se marra-t-elle à l'autre bout du fil.
— Alors, souris-je en replaçant mes pieds sur le comptoir. J'aurai quoi comme cadeau d'anniversaire ?
— Pour commencer, tu te calmes. Laisse-moi faire, exigea-t-elle d'un ton autoritairement amusé.
— Hum ! Madame veut faire sa dominante.
— Ah ! fit-elle d'une voix songeuse. Le cuir, les menottes, et le fouet. J'avoue que c'est tentant.
— Alors c'est ça ? m'écriai-je, enthousiaste comme un gamin à Noël.
Rien que la visualiser dans cet accoutrement, me donnait un début d'érection.
— Curieux hein ? me taquina-t-elle. Heureusement que je suis douée pour garder un secret.
— Sara Hood Rivera ! Je t'interdis de jouer avec mes nerfs de vieil homme !
Elle rigola et je ne pus m'empêcher de sourire en me la représentant la tête penchée vers l'arrière et les yeux brillants.
— Désolée, je dois partir, prétendit-elle avec un sourire dans la voix. Je t'aime.
Je n'avais même pas le temps de répondre qu'elle avait déjà raccroché. Et lorsque j'essayai de la rejoindre, ce fut en vain.
La coquine ! Je savais que c'était pour pouvoir mieux me torturer. C'était Sara, je ne pourrais jamais deviner ce qu'elle tramait. J'allais malheureusement devoir compter les secondes pour la voir et découvrir ce fameux cadeau.
Donc lorsqu'elle m'appela le vingt-cinq, à l'heure où devait décoller son avion, autant dire que je décrochai le téléphone comme un camé se jetterait sur son prochain shoot.
— Allô ! Tu... tu es à l'aéroport ? ânonnai-je, le pouls affolé par l'excitation.
— Rick...
Oh non ! Elle n'avait même pas encore terminé qu'un nœud m'avait déjà noué l'estomac.
C'était certainement son cœur ! Ça ne pouvait être que ça ! Quel con j'avais été de repousser ce rendez-vous !
— T'as pas regardé la météo ? me demanda-t-elle, d'une voix abattue.
— Non, admis-je en essayant de deviner où elle voulait en venir.
— Depuis hier, L.A. est balayée par une pluie et des vents violents. Les avions ne décollent pas aujourd'hui. Je regrette tellement !
Je respirai enfin. J'avais vraiment pensé au pire. Eh oui, contrairement à ce que les gens croyaient, il ne faisait pas toujours beau dans la capitale de cinéma.
— J'avais tout préparé, pesta Sara avec un soupir à fendre l'âme.
— Hey ! Ce n'est pas grave, la rassurai-je, sincère. C'est juste une date. On en aura plein d'autres. De plus, à chaque fois qu'on se voit, c'est la fête, toi et moi. Garde la surprise encore quelques heures. J'ai un concert demain. Après, je te rejoins.
Elle ne sembla pas se calmer pour autant et reprit en bougonnant :
— Mais c'est un jour spécial. Je voulais...
— La seule chose qui me rendait enthousiaste, c'était l'idée de voir, pas le jour. Je m'en fous de cette date, Sara. Crois-moi !
— Pas moi !
Ça allait être plus difficile de la rassurer que je le croyais.
— OK ! Rentre à la maison. On pourra se faire un appel vidéo. Tu me montreras ma surprise...
— Non ! objecta-t-elle dans la seconde. J'attendrai malheureusement que tu rentres demain, fit-elle, résignée. D'ailleurs peut-être que t'es né le vingt-six janvier et qu'ils se sont trompés. On ne sait jamais, fit-elle contre mauvaise fortune bon cœur.
— Oui, peut-être, rigolai-je.
— Je regrette tellement de ne pas pouvoir être là, recommença-t-elle.
— Sara ! Je suis sûr que ta surprise était parfaite et que je me sentirai spécial peu importe le jour où tu me l'offriras.
— Arrête, je vais rougir, s'exprima-t-elle avec un sourire dans la voix.
— Je suis fou de toi, promis-je en fermant les yeux.
J'avais l'impression de l'aimer un peu plus chaque jour qui passait.
— Je sais, dit-elle avec entrain. Et j'ai hâte de te prouver comment moi aussi. Je rentre. On se parlera plus tard. Je t'aime.
— D'accord. Je t'aime aussi.
Un sourire niais aux lèvres, je raccrochai en expirant longuement par le nez. J'étais heureux. Ça me chagrinait un peu qu'elle ne puisse pas être là, mais je ne déclarais pas la journée gâchée pour autant. De toute façon, j'avais reçu le meilleur cadeau d'anniversaire, des mois à l'avance. Je l'avais reçue, elle.
Le public de Miami me chanta joyeux anniversaire ce jour-là en brandissant des pancartes toutes plus touchantes que les autres, et mon équipe me fit la surprise d'une énorme envolée de ballons à la fin du concert qui me fit monter les larmes aux yeux. Ça avait été magnifique ; nunuche, mais magnifique.
J'avais ensuite laissé la scène à un groupe de Metal assez célèbre. À la fin de mon show, la nuit venait à peine de tomber. Je tirais mon téléphone de ma poche pour envoyer un message à Sara dans le parking, lorsque Sam et Lara me tombèrent dessus et me kidnappèrent.
C'était l'un des gars de l'équipe technique qui conduisait. Je me retrouvais coincé entre les deux acolytes, les sourcils froncés, à me demander ce que je faisais là.
— Tu te rappelles le jour où moi et Sam on s'était disputés à Manchester la veille de notre anniversaire ? commença la gothique.
— Je m'en fous, grognai-je. Où m'emmenez-vous ?
— Toi et Jason, renchérit l'Asiatique comme si je n'avais rien dit. Vous nous avez commandé un dîner aux chandelles et vous nous avez poussés tous les deux sur cette terrasse avant de nous y enfermer.
C'était il y avait plus de deux ans, pourquoi ils me ressortaient cette histoire ?
— Ce soir-là, tu as sauvé notre couple, ajouta Lara d'un air déterminé. Alors, quand on a appris que tu passais ta soirée d'anniversaire dans ta chambre d'hôtel. On s'est dit qu'il était hors de question.
— On t'est redevable. Alors on sauve aussi ta soirée, conclut Sam qui portait son éternel bandana autour de ses cheveux teints en blond polaire.
D'aussi loin que je me rappelais ; ces deux-là terminaient toujours les phrases de l'autre. Ça pouvait être vraiment chiant par moment.
— Vous m'êtes redevables pourquoi ? pouffai-je. C'était une idée de Lucas, de vous enfermer ensemble. Il a parié que vous ne pourriez pas tenir trente minutes sans baiser ; il avait raison. Et pour infos, on avait craché dans vos plats et Chase a pissé dans votre sauce.
Ils se figèrent tous les deux et échangèrent un regard choqué qui me fit éclater de rire.
— Allez ! Dites pas que vous n'avez pas trouvé le goût bizarre !
— On n'y avait pas touché, informa Lara, l'air hagard, le ton traînant, comme si elle n'arrivait toujours pas à croire ce qu'elle avait entendu.
— Ah oui ! Vous vous tripotiez ! résumai-je. Bon, maintenant que vous savez la vérité, puis-je rentrer ? J'ai prévu de passer la nuit au téléphone avec ma belle, confiai-je en leur agitant mon portable sous le nez. De plus, j'ai des tas de cadeaux qui m'attendent à mon hôtel.
Mes fans me gâtaient toujours chaque année et je savais que d'autres personnes comme Maryse ou Daphney ne pourraient pas résister à m'offrir quelque chose.
— On est déjà arrivé, m'informa Sam d'une voix faiblarde, comme s'il regrettait hautement ce fait.
— On peut faire demi-tour ! m'impatientai-je.
— Dans tes rêves ! s'exclama froidement Lara en descendant.
Les autres suivirent et à mon tour, je m'extirpai à contrecœur du véhicule.
— Vous allez nous le payer ! promit Sam en attrapant la main de sa copine.
— Tous les trois, plussoya la gothique.
— Qu'est-ce que j'ai peur ! ironisai-je en levant les yeux au ciel.
Ils prirent la direction de la villa après m'avoir jeté un regard noir et je les interpellai :
— Hey ! Je ne reste pas plus de vingt minutes, OK !
Ils m'ignorèrent et je soupirai en les suivant, après avoir fourré mon téléphone dans ma poche.
Qui avait mis une maison pareille à la disposition de ces cinglés ? J'espérais sincèrement pour lui qu'il était bien assuré. Une musique assourdissante se faisait déjà entendre depuis le jardin parfaitement aménagé dans lequel je me tenais.
En soupirant, je pénétrai dans la villa blanche à étage, parcourue par de nombreuses baies vitrées, en me promettant d'en ressortir le plus rapidement possible.
Il y avait des gens partout, mais le plus gros de la fête se déroulait dans l'énorme patio lumineux et dans la piscine.
La musique s'interrompit lorsqu'on me remarqua et quelqu'un s'écria :
— Voici le roi de la soirée !
Et une pile de gens que je ne connaissais pas pour la plupart renchérit :
— Joyeux anniversaire Rivera !
Je restai immobile à les dévisager, les mains dans les poches, l'expression complètement hermétique. En fait, je me demandais depuis quand ils préparaient cette fête ? Ça ne pouvait certainement pas être sur un coup de tête.
Je scrutai la foule pendant quelques secondes et dus avouer que je ne reconnaissais même pas 10 % des visages présents.
Mon absence de réaction fit perdre contenance à certains et ils se mirent à se dandiner en regardant dans toutes les directions, mal à l'aise.
Lucas surgit à ce moment-là à mes côtés et me plaça un gobelet rouge entre les mains en s'exclamant assez fort pour être entendu par tout le monde :
— On s'en fout que le roi de la soirée n'ait pas envie de fêter son anniversaire. Nous, on avait besoin d'un prétexte pour se bourrer la gueule. Musiiiique !
Les autres répondirent par un « ouaiiiis » enthousiaste et le vacarme reprit de plus belle, tandis que Chase se jetait dans la piscine.
— Génial ! pestai-je dans ma barbe en examinant le contenu de mon gobelet.
Quelqu'un tapota mon épaule à ce moment-là et je me retournai pour tomber nez à nez avec Daphney.
— Au moins, moi, je n'ai pas oublié ! s'écria-t-elle pour se faire entendre par-dessus le boucan. Joyeux anniversaire, Rick !
Elle glissa ses mains sous mes bras et m'enlaça fort contre elle. Je tapotai sa tête, mal à l'aise face à ce contact inattendu et pensai avec sarcasme :
Cette soirée commence très bien.
Je n'avais pas du tout envie d'être là, mais je doutais que quiconque se porte volontaire pour me ramener à ce moment-là. Je me fis la réflexion que peut-être si j'étais un peu plus détendu, les vingt minutes que je prévoyais de passer me paraîtraient moins pénibles. Je reniflai une dernière fois le contenu de mon gobelet et descendis l'alcool d'un trait.
C'était une très mauvaise idée !

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