⭐69. Nous
Ne jamais expliquer mes actions aux médias ! C'était l'une de mes devises, autant parce que ça m'arrangeait que parce que mon équipe m'avait toujours encouragé à le faire. Ça incitait les gens à s'interroger encore plus, à émettre des théories, et donc à me garder en tête des actualités.
Pour ma part, ce n'était pas le deuxième aspect qui me motivait le plus. Être célèbre m'enlevait déjà un gros pourcentage de mon libre arbitre ; si je me mettais aussi à expliquer chacun de mes choix à mes fans, je ne serais plus rien.
Ce fut donc normalement que j'ignorai les questions qui suivirent à la suite du live que j'avais fait pour m'opposer aux harceleurs de Sara.
Les regards en biais et les chuchotements sur mon passage s'étaient multipliés depuis. Mais être au centre de l'attention, c'était mon métier. Autant dire que ça n'avait pas vraiment eu d'impact sur mon quotidien.
Jason ne m'adressait plus la parole. Personnellement, je supportais à peine de le voir.
J'aurais pu demander à Turner de le virer ; il l'aurait fait, et se serait vite dépêché de me trouver un bassiste tout aussi doué. Le quinquagénaire était un requin, mais je n'avais jamais manqué de rien. Tous mes caprices étaient toujours pris au mot. Il révoquerait même Maryse, si je lui demandais ; tant que je continuais à faire mon boulot et rapporter gros.
Mais je n'étais pas ce genre de personne. Je n'avais jamais viré quiconque de ma vie.
Pourtant, je savais que certains membres de mon équipe me traitaient de diva dans mon dos, mais c'était mérité. J'étais conscient d'être assez exigeant. Je leur criais dessus et cassais des objets quand je n'étais pas satisfait. Mais tout le monde était désormais habitué à mes crises, qui se calmaient rapidement d'ailleurs, dès qu'on m'obéissait.
J'étais très haï, mais je travaillais avec des professionnels ; leurs sentiments n'affecteraient pas leurs performances. Ce serait donc très pute de ma part d'aller me plaindre d'eux auprès du boss, pour des raisons purement personnelles.
De plus, l'animosité d'aucun d'entre eux ne m'atteignait vraiment. J'étais trop occupé pour ça. Ces derniers temps, j'étais constamment, soit concentré sur un show à venir, soit sur mon prochain vol entre deux concerts pour aller voir Sara.
Cette dernière n'avait pas voulu me rejoindre pour la tournée. Du coup, je passais pas mal de temps dans les avions ces temps-ci. Ça me fatiguait beaucoup, mais la voir seulement me faisait plaisir.
Là, je venais de me taper quatre heures de vol Philadelphie - Houston, juste pour passer la soirée avec elle. Or, je devrais faire le trajet du retour le lendemain même. Par contre, j'atterrirais à Baltimore, où les bus de tournée seraient déjà en train de m'attendre avec mon équipe.
Vêtu d'une veste en cuir, par-dessus l'un des tee-shirts que Sara m'avait offerts, je grimpai dans la voiture que je venais de louer pour quelques heures, car oui, j'avais de nouveau le droit de conduire. Le « pas SANS MA PERMISSION » que je lus sur mon torse lorsque j'ajustai le rétroviseur intérieur me fit sourire. Sara m'avait confié que c'était l'une des premières phrases qu'elle m'avait entendu prononcer. J'avais été surpris, et elle m'avait communiqué qu'on s'était croisé avant même le jour de ce fameux baiser. J'avais presque envie de croire que nous deux, c'était prédestiné.
Elle m'avait raconté des tas d'autres choses. D'ailleurs, on ne faisait que parler dernièrement, et bizarrement ça ne me dérangeait pas.
On avait passé toute la soirée du trente-et-un au premier à discuter et à nous promener au festival des lumières, à Sugar land, au milieu des trois millions d'ampoules multicolores, qui donnaient l'impression qu'on se trouvait à l'atelier du père Noël. Le désir de l'embrasser ne m'avait pas quitté une seule seconde dans cette ambiance magique, mais je n'avais pas osé, car on s'était promis d'y aller en douceur.
Cette situation était vraiment difficile pour moi. D'autant plus que j'avais l'impression qu'elle devenait plus belle tous les jours. Il fallait dire que j'étais vraiment fan de cette nouvelle coupe, et je mourrais d'envie d'enfouir mes doigts dans ses cheveux courts... Ou de les tirer ; tout dépendait du contexte.
À chaque fois, que je trouvais la force de repartir sans sauter sur elle, je m'applaudissais très fort, parce que je n'aurais jamais su que j'avais autant de self-control... Mais bon, l'idée de tout gâcher était toujours là pour me refroidir, quand mon esprit partait dans tous les sens du kâmasûtra.
Diane avait été froide avec moi ce soir-là, comme à chaque fois que je passais chercher Sara. Honnêtement, je la comprenais. J'avais fait du mal à sa fille. Elle ne m'aimait pas comme celle-ci, donc elle ne pouvait pas passer l'éponge aussi vite.
J'embrassai Sara — SUR LA JOUE, PUTAIN — et en profitai pour humer sa délicieuse odeur ! Dire que les seules fois où je la bisais autre part que sur les lèvres avant, c'était après qu'on ait baisé comme des malades, et que je lui souhaitais amoureusement bonne nuit.
Là, avec toutes les limites que je m'escrimais à respecter, j'avais l'impression qu'on avait seize ans... Alors que même lorsque j'avais cet âge, ça ne se passait jamais comme ça.
Vivre dans cette condition me tuait. Mais je savais très bien que les choses ne reviendraient pas comme avant du jour au lendemain. Je m'encourageai donc à prendre mon mal en patience quelque temps encore...
C'était une belle soirée. Le ciel étoilé était dégagé, la température était agréable, très loin du climat new-yorkais. De plus, j'étais en compagnie de la femme de ma vie. Il valait mieux se concentrer sur ce qui allait plutôt que ce qui n'allait pas.
— On fait quoi aujourd'hui ? demandai-je avec bonne humeur avant de démarrer.
Elle programmait toujours toutes nos sorties. Je ne le faisais pas, car je n'avais pas de temps et elle comprenait ça. De plus, c'était sa ville. Elle était la mieux placée pour organiser les meilleurs rendez-vous ; chose qu'elle faisait avec brio. Sauf que ce soir-là, elle répondit d'un air absent qui m'alarma :
— Je ne sais pas.
Je fronçai les sourcils et lâchai le contact pour lui accorder toute mon attention.
— Qu'est-ce qui ne va pas ?
Elle se passa nerveusement les mains dans les cheveux et se mordit la lèvre inférieure d'un air grave, comme si elle s'apprêtait à me livrer un secret de la plus haute importance.
— C'est mon cœur, finit-elle par avouer. Je ne le comprends plus ces derniers temps. Mon père souffrait de cardiopathie congénitale. Si j'en avais hérité, normalement ça aurait dû se manifester à la naissance, mais je n'ai jamais rien eu...
Sa voix flancha et elle plongea son regard forêt dans le mien ; je pouvais y lire toute sa peur. Ma gorge se serra et je me forçai à adopter un ton apaisant :
— Ce n'est peut-être pas grand-chose. Tu as prévu d'aller consulter ?
Je n'allais pas paniquer, tant qu'on était sûr de rien.
— Je n'aime pas aller chez le médecin, admit-elle en baissant les yeux.
Elle serra nerveusement sa robe à motifs fleuris qui accompagnait sa veste en jean oversize et poursuivit d'un air coupable :
— En fait, j'ai peur des éventuels résultats. C'est pour ça que je me suis menti pendant tout ce temps. Quand on était à L.A., je me convainquais que mes malaises n'étaient rien, qu'ils allaient vite passer. Puis ensuite, je me suis dit que c'était à cause d'une anémie, parce que je mangeais et dormais à peine quand on a... quand tu as... Bref...
L'ambiance se plomba instantanément et je me crispai sur mon siège. La simple évocation de cet épisode provoquait ce genre de réaction. On faisait des efforts, mais la pilule n'était pas complètement avalée... Des deux côtés.
Néanmoins, je m'inquiétais pour elle. Peut-être que ce problème cardiaque n'était pas aussi grave qu'elle le pensait, mais tout de même sérieux. Perso, je tombais très rarement malade, mais je comprenais qu'elle puisse avoir peur de l'hôpital.
— Je vais trouver une date de libre pour t'accompagner, promis-je. Le vingt-quatre, je crois que je pourrai.
— La veille de ton anniversaire, rit-elle doucement. T'imagines si on découvre une maladie mortelle et que ça gâche ta fête ! Non ! Non !
— Sara ! la tançai-je.
Elle n'avait pas le droit de penser à ce genre de chose. C'était juste un truc bénin. On irait voir un médecin et elle en aurait la preuve. Ça n'avait pas intérêt à être autre chose ! Je refusais, ne serait-ce que de l'envisager.
— Depuis quand t'as pas baisé ?
Sa question me prit de court. On voyait bien qu'elle n'avait pas perdu son talent pour changer brusquement de sujet. Par contre, je ne m'attendais vraiment pas à celui-là.
— Ma dernière fois, bégayai-je en fouillant ma mémoire. Début décembre, je crois. Cette nuit où on a... Oh putain, c'est loin, m'étranglai-je. Je comprends mieux pourquoi je gueule, quasi tout le temps.
Elle se marra en basculant sa tête en arrière comme si j'avais raconté la meilleure blague du monde. Pourquoi ça l'amusait autant ?
— Quoi ? boudai-je.
— C'est ta plus longue abstinence, hein ? estima-t-elle avec un sourire narquois.
Depuis la perte de ma virginité, oui. Un mois et quelques jours. C'était un putain de record. Et comme si ma queue avait compris qu'elle faisait partie de la conversation, elle se réveilla sur le champ, et des images toutes plus impures que les autres envahirent mon esprit.
Ces derniers temps, même une brise suffisait à m'exciter. Et n'importe quoi servait de prétexte à mon cerveau pour me bombarder d'idées obscènes.
Pas plus tard que la veille, un technicien s'était mis à genoux pour attraper un câble, et rapidement, j'avais bandé en me faisant la réflexion que ça me manquait de voir Sara à genoux. Et oui, je devenais complètement fou.
Je devais aussi me masturber plusieurs fois avant de monter sur scène afin d'éviter des situations embarrassantes. Parce que quand on avait autant de chansons qui parlaient de sexe... et qu'on était grandement en manque, forcément ça posait problème.
C'était dur, vraiment dur pour quelqu'un comme moi de subsister sans faire l'amour pendant tout ce temps.
Je confessai à Sara avec un soupir résigné que oui, il s'agissait de ma plus longue abstinence et elle s'esclaffa de nouveau.
— C'est ça. Moque-toi !
— Tout le monde est au courant pour ta forte libido, Rick, parvint-elle à placer entre deux fous rires. Et là, je t'imagine passer plus de trente jours sans sexe. Il y a de quoi rire, non !
— Oui, je fais pitié, me lamentai-je.
— Aimerais-tu que... j'aie pitié de toi ? souffla-t-elle d'une voix à peine audible.
Je m'étais tellement empressé de dire « quoi ? » que je m'étranglai littéralement avec ma salive. Avais-je vraiment entendu ce que j'avais entendu ? Je toussais encore en luttant pour reprendre mon souffle lorsqu'elle relança en se marrant :
— C'était pourri comme approche, hein ? Qui dit ce genre de phrase, nom de Dieu ?
Son rire était vachement contagieux et lorsque ma toux se fut calmée, je rigolai à mon tour.
Sauf que sa phrase n'arrêtait pas de tourner en boucle dans mon cerveau, en particulier celui du bas. C'était trop beau pour être vrai. Je voulus donc m'assurer d'avoir bien entendu :
— Attends, tu...
— Tu vois comme j'ai rendu la situation malaisante ? pouffa-t-elle en se passant une main dans son carré dégradé. T'allais dire quoi ? Est-ce que je veux coucher avec toi ? Et moi, je vais confirmer et on va copuler ? Tellement romantique ! Et on y va tellement en douceur, ironisa-t-elle avant de se remettre à rire. Putain, j'ai mal aux côtes.
Je devais avouer que la situation était assez étrange, mais on s'en foutait. Enfin, moi, je m'en foutais. Mais comment rendre ce moment moins bizarre ? J'aimerais bien trouver une solution, mais tout le sang de ma tête avait afflué ailleurs.
— Écoute, reprit-elle plus sérieusement en plantant bien son regard dans le mien. On ne va pas coucher ensemble, maintenant, dans cette voiture. Mais à cause de mon incapacité à la fermer, tu sais que j'en ai envie. C'est bien, cette attitude respectueuse que tu as, mais tu me manques. Je veux dire le Rick qui m'acculait contre un mur et qui m'y prenait sauvagement. Ce mec, dit-elle en me pointant du doigt, ce n'est pas toi. Sache qu'il y a en ce moment même, une voix dans ma tête qui me crie que je suis conne. Et elle a peut-être raison. Tu m'as fait mal et je ne pourrais pas l'oublier même si je le voulais. Mais j'ai déjà dit oui. J'ai déjà accepté qu'on retente le coup. Et tu me connais. Je ne peux rien faire à moitié. Je t'aime et tu le sais. Alors je trouve que me retenir est stupide. Tu m'attires, et toi, tu perds ton temps si tu penses pouvoir me cacher tes érections. J'aime comment on a évolué tous les deux, mais ce calme, ce n'est pas nous.
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